Chaque mois d’octobre, la Diagonale des Fous attire des milliers de passionnés sur l’île de La Réunion. Mais au cœur du cirque de Mafate, le petit village de Marla vit cette effervescence comme un choc.
Entre hélicoptères, tonnes de matériel, et arrivée nocturne de près de 4 000 coureurs, l’équilibre fragile de ce hameau isolé est mis à rude épreuve.
Marla et le cirque de Mafate, c’est où ?
Perché à 1 300 mètres d’altitude, Marla est un îlet du cirque de Mafate, sur l’île de La Réunion. Accessible uniquement à pied ou par hélicoptère, il n’est relié ni par la route, ni à un réseau d’eau potable. En dehors du Grand Raid, c’est un havre de paix pour les randonneurs, gîteurs et amoureux de la nature. En octobre, tout bascule.
Un raz-de-marée de trailers dans un îlet de 30 familles
Vendredi matin, vers 8h30, les premiers coureurs de la Diagonale ont déboulé dans les sentiers qui traversent Marla. Derrière eux, un flot continu de participants aux trois épreuves du Grand Raid — Diagonale, Trail de Bourbon, Zembrocal Trail — soit environ 4 000 athlètes sur 24 heures, pour un village de 30 familles. Dans ces conditions, l’invasion est totale.
Une quarantaine de bénévoles ont été dépêchés pour installer des chapiteaux, acheminer du matériel médical, des groupes électrogènes, des tonnes de nourriture, des lits pliants, et surtout, de l’eau. Car à Marla, il n’y a pas d’eau potable. Tout est donc héliporté, au prix d’une organisation herculéenne et bruyante.
Une logistique à la hauteur… mais à quel prix ?
« Ils seront tous là en même temps. On ne verra même plus à qui on donne à boire », s’amuse Sully Tantale, bénévole de 70 ans. Mais cette concentration brutale, couplée aux rotations d’hélicos, commence à lasser les Mafatais. « Ils en ont marre », concède Pierre Maunier, président de l’organisation du Grand Raid.
En parallèle, certains villageois regrettent de ne pas bénéficier des retombées économiques promises. Selon les organisateurs, l’événement génère environ 14 millions d’euros sur l’île — compagnies aériennes, hôtellerie, commerce. Mais à Marla, le sentiment d’injustice domine.
Des voix s’élèvent : « la course fait fuir les randonneurs »
Darell Manon, propriétaire du gîte Expédit Orchidée Sauvage, se sent oublié. « On ne gagne rien, la course fait fuir les randonneurs », estime-t-il.
Une analyse que partage Jean-Pierre Farjon, responsable logistique : « Tout le monde n’en profite pas, c’est vrai ».
Chez Jimmy, autre gîte local, l’ambiance est plus nuancée : complet ce week-end, mais surtout grâce à la saison touristique, pas à la course. Catherine Hoareau, épouse du propriétaire et ex-traileuse, reste attachée à l’événement.
« On aime cette course… même si on se sent parfois mis de côté ».
Le paradoxe de la Diagonale : fierté locale, mais tension logistique
La Diagonale des Fous est une fierté réunionnaise. Elle rassemble, elle inspire, elle fait vibrer. Mais dans les hauts, et notamment à Mafate, la question de la cohabitation devient centrale. Peut-on continuer à envoyer des milliers de coureurs dans des lieux aussi fragiles sans repenser les équilibres ?
L’enjeu n’est pas d’opposer sport et vie locale, mais d’entendre les habitants de ces îlets reculés, qui vivent le trail non pas comme une fête, mais comme une contrainte. Une contrainte bruyante, envahissante, parfois peu rentable. À l’heure de la transition écologique, ces voix méritent mieux qu’un simple bidon d’eau déposé par hélicoptère.
UTMB, Diagonale : même succès, même saturation ?
Le ras-le-bol exprimé à Marla n’est pas sans rappeler celui qui monte depuis plusieurs années à Chamonix autour de l’UTMB. Là-bas aussi, la saturation touristique, les hélicoptères, la marchandisation des sentiers et la transformation d’un espace naturel en scène sportive ont fini par fracturer l’image d’un événement pourtant mythique. La Réunion semble prendre le même chemin. Si rien n’est fait pour mieux répartir les retombées économiques et limiter l’impact logistique dans des lieux aussi fragiles que le cirque de Mafate, le fossé risque de se creuser entre l’enthousiasme des coureurs et la lassitude des habitants.
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