Sur les sentiers du Puy-de-Dôme, les montres GPS règnent en maître.
Elles tracent, enregistrent, guident. Mais elles n’alertent jamais. C’est ce silence technologique que dénonce Yoan Meudec, ancien traileur professionnel reconverti en militant de terrain. Pour lui, les outils des coureurs devraient évoluer autant que leur pratique. Et cette évolution passe par une chose simple : une alerte au poignet quand on quitte un sentier balisé ou qu’on pénètre dans une zone sensible.
C’est tout l’enjeu de sa proposition : intégrer dans les montres un mode « Respect Nature », capable de dire non quand les jambes disent oui.
Le trail, une pratique en plein boom, un terrain en sursis
Dans le Massif central comme ailleurs, la popularité du trail explose. Mais à mesure que les coureurs se multiplient, les traces aussi. Courses officielles, sorties off, reconnaissances… chaque jour, des milliers de chaussures labourent les pentes volcaniques. Le problème, c’est que toutes ne suivent pas les sentiers.
Souvent sans le vouloir, les pratiquants créent de nouveaux passages. Un raccourci dans une prairie, une diagonale à travers les hêtres, un détour “plus joli” trouvé sur une app GPS. Des petits gestes répétés, qui finissent par créer de vraies blessures dans le paysage.
Dans la chaîne des Puys, les conséquences sont visibles : ornières, ravines, végétation dévastée. Et parfois, intrusion sur des parcelles agricoles ou des zones Natura 2000 strictement protégées. Tout ça, bien souvent, sans que personne ne s’en rende compte.
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Un ancien pro en croisade pour un trail plus conscient
Yoan Meudec connaît ces chemins mieux que quiconque. Il y a couru pendant des années à haut niveau. Mais depuis 2021, il a changé de foulée. Sa nouvelle course ? Celle de la transmission. Il veut enrichir la pratique du trail par la pédagogie. Pas pour restreindre. Pour compléter.
C’est avec cette philosophie qu’il a fondé la Team Trail Esprit Volcans, une structure qui organise des sorties éducatives sur les volcans d’Auvergne. Son principe : courir, oui, mais apprendre aussi. Comprendre le terrain, lire un balisage, savoir repérer une zone fragile.
Et désormais, il va plus loin : il veut que cette éducation passe aussi par les montres.
Son idée : une alerte intégrée dans les montres GPS
Aujourd’hui, Garmin, Suunto ou Coros embarquent des cartes ultra-précises. Elles permettent de suivre un tracé, de repérer un sommet, d’enregistrer une trace. Pourquoi ne pas utiliser cette puissance technologique pour protéger la nature ?
Yoan Meudec propose une évolution simple : un mode “Respect Nature”, à activer dans les réglages. Ce mode pourrait :
- afficher un message d’alerte lorsqu’un coureur quitte un sentier reconnu ;
- avertir dès qu’un segment traverse une zone interdite, sensible ou privée ;
- suggérer une alternative balisée pour revenir sur un tracé officiel.
Une sorte de garde-fou numérique. Silencieuse mais utile. Pas punitive, mais préventive.
Et surtout, parfaitement intégrée à ce que les coureurs regardent déjà toutes les deux minutes : leur montre.
Des courses plus responsables, un terrain mieux protégé
Cette idée s’inscrit dans une tendance plus large. Dans le Puy-de-Dôme, les organisateurs de courses font déjà des efforts : tracés repensés, balisage réduit, ravitos locaux, évitement des secteurs sensibles. Mais à côté de ça, les sorties personnelles — bien plus nombreuses — continuent de poser problème.
Les agents du parc naturel le disent : les vraies atteintes viennent souvent des entraînements “off”, des boucles partagées sur des applis sans vérification, des trajets modifiés au feeling. Et c’est précisément là que la montre peut jouer un rôle. Si elle dit « attention », beaucoup s’arrêteront. Ou feront demi-tour.
Une technologie prête sur les montres GPS, mais un verrou à faire sauter
Sur le plan technique, cette idée n’est pas utopique. Les cartes existent. Les données d’aires protégées aussi. Certaines plateformes comme Komoot ou Visorando en tiennent déjà partiellement compte. Il ne manque qu’un partenariat : entre les marques de montres et les acteurs territoriaux.
Le frein est ailleurs. Il est dans l’habitude. Dans l’idée que “tout sentier visible est un sentier praticable”. Dans l’image d’un trail libre, sans contraintes. Pourtant, rappelle Yoan Meudec, courir dans la nature n’a jamais été un droit absolu. C’est un accord tacite. Et si on veut continuer à l’honorer, il faut savoir lever le pied — ou lever les yeux sur son écran — au bon moment.
Un projet à diffuser au-delà du Puy-de-Dôme
Ce que propose Yoan Meudec dépasse largement les volcans d’Auvergne. C’est une vision d’avenir pour l’ensemble du trail. Une évolution naturelle : après la performance, après la connectivité, vient le temps de la responsabilité. La montre GPS ne doit pas seulement dire où aller. Elle doit aussi savoir quand s’arrêter.
Et dans un monde où l’intelligence artificielle s’invite partout, où les montres analysent la VO2max, le sommeil ou la récupération, pourquoi ne pas leur confier aussi un rôle d’alerte écologique ?
Compléter la technologie, c’est prolonger l’effort. C’est permettre aux générations futures de courir sur un terrain encore vivant. Et si ce mode “Respect Nature” voit le jour un jour, ce sera peut-être grâce à un coureur auvergnat qui, un jour, a levé la tête pour regarder au-delà du chrono.
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