Il y a un phénomène qui grandit dans le trail comme dans tout le running : de plus en plus d’athlètes de haut niveau proposent — ou laissent entendre qu’ils proposent — des prestations de coaching.
Souvent avec beaucoup de bonne volonté, parfois avec un vrai désir de transmettre, mais presque toujours dans un cadre flou. Et ce flou-là n’est pas anodin. Il interroge sur la formation, la réglementation et, surtout, sur ce que les coureurs croient acheter lorsqu’ils confient leur entraînement à une figure médiatique du sport.
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Le cadre réglementaire : entre entraîneur, préparateur physique et “coach”
Le terme coach n’a jamais été aussi populaire… et pourtant aussi vide d’existence légale. En France, on connaît des statuts : entraîneur diplômé, préparateur physique, éducateur sportif. Ces métiers impliquent des compétences validées : physiologie de l’effort, gestion de charge, prévention des blessures, responsabilité civile et pénale. Un coach, lui, ne bénéficie d’aucune définition officielle. Tout le monde peut se dire coach, sans diplôme, sans assurance professionnelle dédiée, sans cadre.
Ce n’est pas illégal — mais c’est profondément ambigu. Et dans un sport où l’on joue avec la fatigue chronique, les ultras, les blessures de surcharge et l’obsession de la performance, l’ambiguïté peut coûter cher.
Pourquoi cela devient un problème
Le statut des élites n’est pas celui d’un entraîneur
Le fait d’être un athlète exceptionnel, capable de performances qui dépassent l’entendement du commun des mortels, n’a jamais garanti la capacité d’entraîner d’autres personnes, car l’immense expérience accumulée au fil de milliers d’heures d’efforts ne se transforme pas automatiquement en un savoir structuré, transmissible et adapté à la diversité des organismes qui composent le monde amateur. Personne ne remet en cause la profondeur de ce vécu, ni la valeur de ces années de pratique au plus haut niveau, mais cette expérience reste intimement liée à un corps façonné par une génétique particulière, une tolérance à la charge construite dès l’adolescence, une hygiène de vie millimétrée et un environnement conçu pour la performance, autant d’éléments qui ne peuvent être calqués sans risque sur la réalité d’un coureur qui doit concilier son emploi, sa famille, un stress quotidien et un volume d’entraînement bien plus réduit.
Ce que l’athlète de très haut niveau est capable d’encaisser pourrait briser un amateur en quelques semaines. Transposé sans discernement, ce modèle mène à la blessure, au surmenage, ou au découragement.
L’athlète d’élite sait parfaitement comment avancer sur son propre chemin, façonné par des années de travail et une connaissance intime de ses réactions physiologiques ; l’entraîneur, lui, apprend à reconnaître le vôtre, celui qui ne ressemble à aucun autre et qui nécessite une méthodologie pensée pour vous, et non pour un double fantasmé de celui ou celle que l’on admire.
Le temps… que beaucoup n’ont pas vraiment
La deuxième question, que l’on évoque finalement assez peu lorsqu’il s’agit d’athlètes en pleine carrière, concerne la disponibilité réelle qu’ils peuvent consacrer à un suivi individualisé, car derrière l’image inspirante qu’ils renvoient se cache un quotidien extrêmement chargé où chaque heure compte et où la moindre parenthèse devient un luxe. Préparer un circuit international, enchaîner les déplacements, passer des journées entières en montagne, composer avec les obligations contractuelles des sponsors, assurer une présence régulière sur les réseaux, gérer la récupération, organiser les stages, répondre aux sollicitations médiatiques et maintenir un volume d’entraînement conséquent, tout cela constitue déjà un emploi du temps qui laisse très peu de place à l’ajout d’un accompagnement méthodique.
Le coaching exige une disponibilité que très peu d’athlètes possèdent réellement. Il demande une planification fine, des bilans réguliers, des analyses poussées, une capacité d’adaptation permanente, bref, un engagement constant qui ne peut s’improviser entre deux séances d’entraînement.
Dans la majorité des cas, lorsqu’un athlète propose du coaching, il délègue une partie du travail, parfois sans que cela ne soit pleinement explicitée, ce qui pose une question réelle de transparence pour des pratiquants persuadés d’être suivis directement par la figure qu’ils admirent.
L’expérience personnelle ne fait pas toujours office de méthode
Il existe un écueil auquel se heurtent régulièrement ceux qui souhaitent transmettre leur expérience sportive, un écueil d’autant plus subtil qu’il se dissimule derrière la sincérité : il consiste à confondre un vécu individuel, forgé par des années d’entraînement et une physiologie parfois exceptionnelle, avec une compétence réellement transmissible à des profils de coureurs qui n’ont ni le même temps disponible, ni les mêmes contraintes quotidiennes, ni les mêmes capacités d’adaptation.
Ce qui fonctionne pour soi ne fonctionne pas forcément pour les autres. Et cette évidence, bien connue des entraîneurs diplômés, est souvent ignorée par ceux qui raisonnent uniquement à partir de leur propre parcours.
C’est précisément pour cette raison que les entraîneurs diplômés élaborent leurs plans non pas à partir de souvenirs personnels ou d’intuitions, mais à partir de mesures objectives, de suivis réguliers, d’analyses croisées et d’ajustements permanents, car seule cette approche permet de construire un entraînement qui respecte le corps, optimise la progression et réduit le risque de blessure.
Les effets secondaires : attentes démesurées et responsabilité floue
De nombreux coureurs achètent un mythe plus qu’un service. Lorsqu’une blessure ou une stagnation survient, la relation entraîneur–coureur se retrouve sans filet : pas de cadre légal, pas d’obligation de résultat, pas de responsabilité formalisée.
Le trail mérite mieux qu’un marché gris
Ce n’est évidemment pas une mise en accusation des athlètes d’élite, dont beaucoup cherchent réellement à transmettre quelque chose de leur passion et de leur expérience, et qui pour certains prennent la peine de s’entourer de préparateurs physiques qualifiés, de suivre des formations, ou de préciser qu’ils ne proposent qu’un simple partage d’expérience plutôt qu’un accompagnement structuré. Pourtant, même avec la meilleure intention du monde, une zone grise persiste : celle où l’on confond inspiration et encadrement, vécu personnel et compétence professionnelle, et où l’on entretient — parfois malgré soi — l’illusion qu’un plan d’entraînement peut naître directement du talent ou du palmarès.
Le véritable enjeu réside dans la clarification : dire ce que l’on propose, dire ce que l’on ne propose pas, et éviter toute promesse implicite qui pourrait fragiliser les pratiquants.
Et c’est peut-être là que se situe le cœur du problème : non pas dans le fait que certains athlètes s’improvisent coachs, mais dans la manière dont une partie des pratiquants, fascinés par la performance, accorde spontanément sa confiance à un intitulé qui n’a aucune existence légale, sans mesurer qu’un suivi mal calibré peut entraîner des blessures, des surcharges, des déceptions ou un découragement durable. Le risque principal n’est donc pas l’initiative de l’élite, mais la confiance trop rapide de l’amateur.

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