Ils sont entraînés, équipés, parfois même expérimentés.
Et pourtant, au détour d’un sentier, tout bascule. Le souffle se bloque, les jambes flanchent, la vision se trouble. Dans les Pyrénées comme dans les Alpes, un nombre croissant de randonneurs et de traileurs est frappé en montagne par des crises d’angoisse soudaines, sans raison médicale apparente. Ce phénomène, longtemps tu, est aujourd’hui pris très au sérieux par les professionnels de terrain. Car il ne s’agit ni de vertige, ni de simple stress passager. Ces effondrements psychiques peuvent paralyser un corps pourtant en pleine forme. Et ils interrogent en profondeur notre manière de vivre la montagne.
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L’angoisse en montagne, quand la tête lâche avant les jambes
On associe souvent la panique en montagne à des néophytes mal préparés ou à des terrains extrêmes. La réalité est bien différente. Des marcheurs expérimentés, des coureurs bien entraînés, des familles entières sont touchés. Ce n’est pas l’altitude ni la difficulté technique qui déclenchent la crise, mais un enchaînement de facteurs plus subtils : surcharge mentale du quotidien, exposition prolongée au vide, pression implicite de “réussir” la sortie. Dans les Hautes-Pyrénées, jusqu’à un cinquième des appels aux secours estivaux concerneraient aujourd’hui des malaises liés à l’angoisse. Le plus troublant ? Ces épisodes surviennent souvent dans des zones jugées faciles.
Le paradoxe du trail et de la rando “évasion”
On vient en montagne pour se libérer, mais on y apporte parfois toute la charge du monde moderne. Télétravail, rythme effréné, surexposition aux images de sommets parfaits sur Instagram : tout cela pèse dans le sac à dos. Le trail, de plus en plus vu comme une quête de dépassement, accentue cette pression. Le corps court, mais le cerveau n’a pas suivi. Et quand la pente s’élève, que le vide se dévoile soudain à flanc de falaise, le système nerveux s’emballe. Sueurs froides, sensation de flou, cœur qui cogne : tout s’effondre alors que rien ne menace. Le corps dit non.
Ce que disent les pros de la montagne
Guides, gardiens de refuge et secouristes décrivent tous ce même phénomène. Des personnes “en état de panique sans cause visible”. Certains arrivent hagards après avoir passé de longues minutes assis sur un rocher à tenter de reprendre leurs esprits. D’autres appellent le PGHM alors qu’ils sont sur un sentier large, sans passage dangereux. Un guide basé à Gavarnie résume la situation d’une phrase glaçante : “Les gens ne tombent pas à cause du vide. Ils tombent parce que leur tête part en vrille avant leurs pieds.”
Les sentiers “à balcon” : beauté et piège mental
Dans les Pyrénées notamment, de nombreux itinéraires longent des à-pics spectaculaires. Ce sont souvent des passages sans réelle difficulté technique, mais qui flirtent avec le vide de manière permanente. Pour un cerveau déjà en hypervigilance, ces paysages sublimes peuvent devenir des amplificateurs de panique. La moindre variation de terrain, le moindre souffle de vent peut réveiller une spirale anxieuse. Ce n’est pas le corps qui lâche, c’est l’image mentale qu’on se fait de soi-même face à l’obstacle.
Apprendre à marcher avec sa tête
Préparer une randonnée ou un trail, ce n’est pas seulement checker la météo et le profil GPX. C’est aussi faire un point avec soi-même : est-ce que j’ai l’esprit clair ? Est-ce que je suis en état d’encaisser un passage aérien ou une montée raide ? Des techniques d’ancrage mental permettent de limiter les crises : regarder ses pieds pendant quelques pas, nommer des éléments stables autour de soi, souffler longuement comme pour éteindre une bougie. Ça peut sembler dérisoire, mais ça peut éviter un appel à l’hélicoptère.
Le droit de faire demi-tour
Dans la culture du trail comme dans celle de la rando, dire qu’on a peur reste souvent tabou. Surtout quand on a un dossard, un GPS, un plan. Mais la montagne n’est pas un examen. Elle est un espace où chacun peut adapter son parcours, changer d’objectif, et revenir plus tard. Les professionnels insistent : il faut se redonner le droit au renoncement, intégrer dès le départ qu’on pourra faire demi-tour si le corps ou l’esprit envoie un signal.
En résumé, ce nouveau fléau en montagne n’est peut-être que le symptôme d’un mal plus profond : celui d’un monde qui ne s’arrête jamais, même quand il prétend souffler.
Les crises d’angoisse en pleine nature nous rappellent une chose essentielle : on ne s’échappe pas de soi-même en changeant de décor. Et la montagne, aussi accueillante soit-elle, ne ment pas. Elle nous met face à nous-mêmes, parfois brutalement.
Les traileurs comme les randonneurs doivent apprendre à écouter non seulement leur fréquence cardiaque, mais aussi leurs signaux mentaux. La performance n’a de valeur que si elle ne se fait pas au prix de la rupture intérieure. Marcher, courir, c’est aussi faire la paix avec ses propres limites. Et parfois, ce n’est pas le sommet qui compte. C’est le pas qu’on fait vers soi-même.
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