Dans son excellente tribune* publiée récemment dans la presse, le journaliste Stéphane Colineau décrit avec acuité une nouvelle génération de traileurs jugés trop « consommateurs ».
Il moque avec subtilité les « grincheux » qui exigent des ravitaillements mieux fournis, un site web plus fluide ou un maillot à leur taille. Et pourtant, certaines élites se plaignent — avec humour certes — du manque de confort à l’arrivée de certains trails. Sur la SaintéLyon par exemple, Casquette Verte évoque l’impossibilité de dormir à cause des appels au micro, du manque d’organisation, du bruit permanent dans la salle.
Alors quoi ? On a le droit de râler quand on a un dossard élite, mais pas quand on part dans le SAS 5 à minuit avec sa soupe froide et son tee-shirt trop petit ?
Le trail n’est pas Amazon, mais les traileurs ne sont pas des clochards non plus
Oui, certains coureurs exagèrent. Oui, il y a des commentaires ridicules du type “pas de café à l’accueil = honteux”. Mais il faut replacer les choses dans leur contexte : les inscriptions coûtent une fortune. Les dossards s’envolent en quelques minutes. Les hébergements sont hors de prix. Et en échange, certains traileurs se retrouvent avec une signalétique bâclée, des ravitaillements approximatifs, une appli qui plante et une communication absente.
C’est là que les critiques prennent tout leur sens. On ne parle pas de demander une piscine et un massage à l’arrivée. On parle de vouloir un minimum de sérieux quand on s’engage sur une course. Et ça, c’est valable pour tout le monde. Pas juste pour les ambassadeurs sponsorisés ou les influenceurs au dossard prioritaire.
Casquette Verte râle aussi. Et tout le monde trouve ça normal.
Prenons un exemple très clair. Alexandre Boucheix, alias Casquette Verte, vient de dénoncer sur ses réseaux l’inconfort qu’il a subi entre l’aller et le retour de la LyonSaintéLyon. Il évoque l’impossibilité de dormir dans une salle d’arrivée à cause des 25 annonces micro pour « retrouver une frontale ou un pull taille M ». Il en rit, il en joue, mais il exprime un vrai ras-le-bol.
D’un côté, dans sa tribune, il semble dire que nous, amateurs, on n’a pas le droit de râler. Mais lui, il s’octroie ce droit.
Personne ne s’en offusque. Parce que quand c’est dit avec humour ou par quelqu’un de reconnu, ça passe. Pourtant, si un anonyme avait publié la même remarque sur Facebook, on lui aurait répondu “T’as qu’à rester chez toi si t’aimes pas l’ambiance” ou “Tu voulais pas un hôtel 4 étoiles ?”
Organiser, c’est difficile. Courir aussi.
Bien sûr, organiser un trail est un casse-tête logistique. Oui, les bénévoles font un boulot colossal. Personne ne nie ça. Mais ce n’est pas parce qu’un événement est difficile à monter qu’il est au-dessus de toute critique. Les traileurs s’entraînent pendant des mois, dépensent parfois plusieurs centaines d’euros, prennent des jours de congé, traversent la France ou l’Europe… Ils ont le droit de dire quand ça ne va pas. Ce n’est pas du mépris, c’est du retour d’expérience.
Et rappelons-le : ce n’est pas parce qu’on râle qu’on ne respecte pas les bénévoles. C’est même souvent l’inverse. La plupart des remarques sont adressées aux organisateurs, pas à ceux qui distribuent les tucs à 3 h du matin.
Râler, c’est aussi une façon d’aimer ce sport
Ce que l’article original oublie peut-être de dire, c’est que râler, dans le trail, ce n’est pas forcément un signe de décadence. C’est parfois un cri du cœur. Un refus de voir une pratique qu’on aime devenir brouillonne ou inégalitaire. Un moyen de défendre un certain niveau de qualité. Car ce sport est devenu exigeant — pour les coureurs comme pour les organisateurs. Et c’est tant mieux.
*Source

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À titre d’exemple, il met en parallèle une interview d’Alexandre Boucheix dans La Tribune et ses propres retours de course sur Instagram. Aucune citation n’a été inventée ou modifiée. Si des personnes citées souhaitent exercer un droit de réponse, elles peuvent nous contacter : nous le publierons avec la même visibilité.







