Cinq euros par coureur, chaque année : un petit geste… pour une énorme somme
Derrière l’apparente banalité de l’annonce, se cache une véritable révolution silencieuse pour le monde du running.
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À partir de 2026, le Parcours Prévention Santé, alias PPS, devient un Pass valable un an… mais surtout payant. Cinq euros par an pour courir, ce n’est rien ?
Peut-être. Mais si l’on multiplie ce montant par les centaines de milliers de coureurs non licenciés en France, cela devient tout sauf anecdotique. Et naturellement, une question surgit : à qui profite cette nouvelle manne ?
Combien ça rapporte ?
Selon les données officielles, plus de deux millions de pratiquants ont déjà utilisé le PPS depuis sa création. Si ce chiffre se maintient — ce qui est probable, voire sous-estimé si on compte les nouveaux venus et les réinscriptions annuelles — le nouveau PPS représente un potentiel d’au moins dix millions d’euros par an. Ce montant sera perçu directement par la Fédération Française d’Athlétisme, sans passer par les clubs, les organisateurs de courses ou les collectivités locales. Une ressource stable, prévisible, facile à collecter, imposée par voie réglementaire : c’est le rêve de toute administration.
Qui encaisse vraiment ?
Officiellement, l’argent va à la FFA. Mais que représente la FFA dans l’écosystème du sport français ? Une structure délégataire de service public, chargée de missions fixées par l’État, financée en partie par des fonds publics, sous tutelle du ministère des Sports. En clair : ce qui est présenté comme un mécanisme de prévention pour les coureurs devient un outil de financement indirect pour une fédération nationale, dans un contexte budgétaire tendu. Le Pass PPS, c’est une fiscalité déguisée. Avec, pour seule justification, quelques vidéos à regarder et un formulaire à cocher.
Des promesses floues et des projets numériques
La FFA prévoit notamment la création d’une plateforme appelée DataRunning, « permettant à chaque pratiquant de suivre sa progression, de comparer ses performances à d’autres profils et de mieux appréhender son évolution » (source : communiqué officiel, 12 novembre 2025). Ce projet s’accompagne également d’un centre de ressources santé, d’une promesse de coaching, et de l’inclusion d’une assurance responsabilité civile. L’intention est noble sur le papier. Mais l’absence de transparence sur l’affectation exacte des fonds interroge. Quels prestataires ? Quels marchés ? Quel contrôle ? Quelle ventilation budgétaire ? Et surtout : combien sera réellement investi pour la prévention, et combien servira à combler les déficits fédéraux ?
Les trailers, éternels payeurs silencieux
Ce sont surtout les pratiquants non licenciés — donc en grande partie les traileurs — qui paieront. Ceux qui s’inscrivent à des courses hors structures fédérales, organisées par des clubs, des bénévoles, des associations locales. Ces événements ne recevront rien en retour. Aucune aide directe, aucun soutien financier, aucune redistribution des cinq euros collectés. Pire : l’instauration de ce Pass risque de décourager les organisateurs indépendants, déjà accablés par les contraintes administratives, les hausses de tarifs d’assurance, et les exigences environnementales croissantes.
En résumé, les coureurs paient, la FFA encaisse, et l’État valide.
À terme, cette contribution obligatoire risque de devenir un précédent : une forme de redevance pour courir, imposée sans concertation, sous couvert de sécurité sanitaire.
Un argument sécuritaire qui masque un objectif financier
Les justifications officielles jouent sur la corde sensible : prévention, sécurité, responsabilisation. Mais le contenu du Pass reste inchangé : trois vidéos, un QCM, une attestation. Rien de nouveau, sauf le prix. Et cela, en pleine période de tension sur l’accès aux soins, avec des médecins surchargés et une santé publique en crise. Est-ce vraiment le bon moment pour faire payer les sportifs ? Ou bien est-ce justement parce que la sécurité sociale est en difficulté que l’on crée cette forme de financement parallèle, assumée par les pratiquants eux-mêmes ?
Le trail, une passion qui devient une ligne budgétaire
Ce qui gêne le plus, c’est le symbole. Courir était encore, il y a peu, une liberté totale. On courait sans badge, sans puce, sans QR code. Puis sont venues les inscriptions en ligne, les certificats, les plateformes. Aujourd’hui, on ajoute une couche payante, centralisée, nationale. Un « droit de courir » qui ne dit pas son nom. Ce glissement progressif inquiète. Car il ouvre la porte à d’autres évolutions du même type : pourquoi ne pas demain imposer un Pass pour les randonnées organisées ? Un droit d’accès aux sentiers ? Une vignette pour les ultra-trails ?
En résumé, cinq euros, ce n’est pas grand-chose.
Mais ce n’est jamais que le début. L’introduction d’un tarif symbolique est souvent la première étape d’une logique durable. Le PPS devient un Pass. Gratuit devient payant. La prévention devient une ressource. Et les coureurs deviennent des contributeurs. Alors oui, il faut réfléchir à ce que cette réforme signifie. Non pas seulement en tant que coureurs, mais en tant que citoyens. Car si personne ne pose la question aujourd’hui — à qui va l’argent ? — demain, il sera trop tard pour exiger des comptes.
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