Mathieu Blanchard poursuit la Transat avec une côte fêlée
Circonstances de l’accident.
Lors d’un grain nocturne, le filet de couchage a cédé et Mathieu a été projeté violemment contre un recoin de la cabine. Le choc a provoqué un souffle coupé, une douleur aiguë au niveau des côtes et un épisode de syncope momentanée. Malgré la gêne respiratoire et l’hypothèse d’une côte potentiellement fêlée, il est resté conscient, a repris les gestes nécessaires à bord et a choisi de poursuivre la Transat aux côtés de Conrad Colman. Cet incident illustre la violence des conditions rencontrées en mer : fragilité physique, manque d’amortissement dans la cabine et nécessité d’une vigilance permanente pour la sécurité de l’équipage.
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Mathieu Blanchard projeté dans la cabine : suspicion de côte fêlée après une chute violente
Il y a les images lisses que l’on voit sur Instagram, et il y a ce que la mer inflige quand personne ne regarde.
Dans la nuit noire, alors que l’IMOCA MSIG Europe file dans des rafales imprévisibles, Mathieu Blanchard essaie simplement de se reposer. Son corps en a besoin. Il dort mal depuis plusieurs jours, il est marqué par le sel, par le froid, par les cadences impossibles des quarts. Allongé dans son filet de veille – un hamac tendu dans la cabine – il tente d’échapper ne serait‑ce que quelques minutes aux secousses.
Le bateau se couche, Mathieu Blanchard subit un choc violent
Soudain, une vague frappe, puis une autre, plus brutale, et le bateau se couche. Le filet cède. Mathieu est arraché à son refuge et projeté violemment contre un angle de la cabine. Le choc est sec, brutal, sans amorti. Le souffle se coupe, comme si quelqu’un avait tiré le câble de l’intérieur pour le priver d’air.
Dans le vacarme de l’eau qui martèle la coque et du vent qui hurle dans les haubans, il reste au sol, incapable de reprendre totalement conscience de ce qui vient d’arriver.
La douleur irradie depuis ses côtes, traversant chaque respiration comme une lame.
À l’extérieur, Conrad Colman se bat pour garder le bateau à flot. À l’intérieur, Blanchard tente juste de respirer. Le temps se dilate, devient pâteux. La douleur s’installe. Une douleur qui ne disparaîtra plus jusqu’à Fort‑de‑France. Quand il réussit à se redresser, un second dérapage le renvoie à terre. Cette fois, ce ne sont pas seulement ses côtes qui lâchent. Ce sont les larmes. Des larmes de saturation. De cette lassitude qui ne s’exprime que lorsqu’il n’y a plus aucune énergie pour faire semblant que tout va bien.
Il comprend alors qu’il vient possiblement de se fêler une côte. Et qu’il n’a aucune autre option que de continuer.
Ses mains sont littéralement rongées par le sel.
Après deux semaines en mer, la peau se décolle, les doigts se fissurent, et la douleur devient constante à chaque manœuvre. Mathieu Blanchard décrit des mains tiraillées par le sel et les cordages, abîmées par l’humidité et l’effort, comme si l’Atlantique cherchait à les dissoudre fibre par fibre.
Loin de l’image romantique du navigateur, ce sont des extrémités usées, brûlées, qui serrent encore les manivelles et les poignées à bord de MSIG Europe.

Naviguer blessé : un autre type d’ultra
Ce n’est pas la première fois que Mathieu Blanchard se retrouve au bord. UTMB, Diagonale des Fous, Yukon Arctic Ultra… il connaît le froid mordant, la fatigue qui broie, les hallucinations du manque de sommeil. Mais ici, au milieu de l’Atlantique, il découvre une violence que rien n’avait préparé. Pas de ravitaillement, pas de frontale qui éclaire un sentier. Ici, tout bouge. Tout glisse. Rien ne vous laisse le choix. Chaque respiration est douloureuse. Chaque mouvement rappelle la fragilité du corps, là où l’ego voudrait encore tenir debout.
Dans son carnet de bord, il écrit : « Je n’ai plus faim. Moi, le ventre sur pattes. Là, le corps dit juste : stop. Ou attends. Ou survis. » C’est cru, authentique. Et cela montre aussi l’apprentissage brutal d’un ultra-traileur dans un univers où l’on ne contrôle rien.
Une transformation intérieure qui dépasse la douleur
À mesure que les jours passent, la douleur devient une compagne. Elle n’empêche pas Mathieu de hisser une voile, de prendre une décision, de tenir la barre. Mais elle fissure les certitudes. Il observe Conrad suspendu à l’extérieur, retenu par une longe au-dessus de l’eau, et se demande s’il aurait la force physique de le récupérer si quelque chose tournait mal. Le doute, l’humilité, l’humanité pure prennent le dessus. Lorsque le bateau glisse à nouveau et qu’il retombe, il lâche cette phrase : « Je sens mes forces se dissoudre. »
On ne joue pas à être marin. On le devient, ou la mer vous brise.
La mer comme un révélateur : ce qu’il restera après l’arrivée
Mais il y a un moment, presque imperceptible, où quelque chose bascule. Malgré la douleur, malgré la fatigue, malgré la côte fêlée qui le pique à chaque inspiration, Mathieu écrit : « Je suis en plein cœur de cette langue‑là. Entre douleur, fatigue, force, gratitude, amour du sport et désir de vivre pleinement. Encore. Toujours. » Ce ne sont pas des mots de souffrance. Ce sont des mots de transformation.
Là réside peut-être l’essentiel : au milieu des vagues, Mathieu ne conquiert rien. Il se découvre. La mer ne lui offre pas un podium, ni une médaille, ni un classement. Elle lui offre quelque chose de plus rare : l’évidence de ce qu’il est lorsqu’il n’a plus rien pour se protéger.
Quand il posera le pied à Fort‑de‑France, il sera blessé. Fatigué. Creusé. Mais entièrement vivant.
Parce que certaines aventures ne nous apprennent pas à gagner.
Elles nous apprennent à nous reconnaître.
Sources




















