« Je ne sais pas si je pourrai courir la Transmartinique en arrivant ». Pourquoi Mathieu Banchard dit ça ?
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L’horizon, pour Mathieu Blanchard, devait incarner bien plus qu’une ligne de fuite vers l’ouest.
C’était une promesse, un trait d’union entre deux mondes qu’il aime, celui des crêtes escarpées et celui des vagues imprévisibles. Le projet était limpide, presque romantique dans son ambition : traverser l’Atlantique avec Conrad Colman à bord d’un voilier de course, arriver en Martinique, poser le pied à terre et s’offrir, pour boucler la boucle, une épreuve trail sur les sentiers tropicaux. La TransMartinique, avec sa chaleur écrasante, était censée être le bouquet final d’une aventure humaine et sportive.
Mais à mesure que les jours en mer s’enchaînent, le récit prend un tour différent, bien plus brutal, presque vertigineux.
Les messages postés depuis l’IMOCA MSIG Europe ne racontent pas la mer comme un terrain d’aventure, mais comme un environnement hostile, déstabilisant, déstructurant. Mathieu Blanchard n’y partage ni exploits techniques ni stratégies de navigation. Il écrit l’usure. L’épuisement. La solitude. Et au milieu de ce carnet de bord poignant, surgit cette phrase, presque anodine si l’on ne comprend pas son poids :
« Je ne sais si je pourrai courir la TransMartinique en arrivant. »
Pour un homme comme lui, un ultra-traileur rompu aux pires conditions, cette phrase est un aveu. Un signal d’alarme. Une alerte qui, pour être entendue, demande de lire chaque mot à la lumière de l’expérience extrême qu’il est en train de vivre.
Un projet dépaysant devenu une épreuve de survie
L’idée était belle. C’était un pacte entre deux mondes : Conrad, navigateur aguerri, ouvrirait les portes de l’océan à Mathieu ; Mathieu, en retour, lui transmettrait quelque chose de la montagne. On imaginait un échange sincère, une traversée rythmée par des sourires et des découvertes partagées. Mais l’Atlantique n’a que faire de nos intentions.
Dès les premiers jours, les pépins techniques s’accumulent : pilote automatique en panne, radar arraché, voile déchirée.
Ce n’est plus un projet d’apprentissage. C’est une lutte pour tenir. Pour ne pas céder. Pour rester présent à soi, quand tout tangue autour de soi.
La montre Garmin comme boussole de la détérioration
Là où d’autres publieraient des photos de coucher de soleil, lui publie ses données physiologiques. Il consulte sa montre Garmin comme on lirait un bulletin de santé quotidien. Et les chiffres sont sans appel : fréquence cardiaque élevée, niveau de stress au plafond, courbes en dégringolade. Il ne s’agit pas ici d’émotions fugitives ou de fatigue passagère. Il s’agit d’un corps qui crie qu’il n’est plus en état de performer.
Quand un athlète de son niveau écrit noir sur blanc « je ne veux pas me blesser », ce n’est pas une formule de prudence. C’est une stratégie de survie. Il sait qu’à ce niveau de fatigue, vouloir s’aligner sur une course comme la TransMartinique serait prendre le risque d’une blessure durable, d’une dégradation irréversible. Et pour un homme de 37 ans qui veut encore courir longtemps, ce risque n’est pas acceptable.
La chute morale, plus dangereuse encore
Mais au-delà de la dimension physique, c’est le ton général de ses messages qui inquiète. Quand il écrit « je pleure seul », « je me sens inutile », « je me sens sale », il ne parle plus en tant qu’athlète, mais en tant qu’homme dépassé. Ces mots, terriblement simples, sont peut-être les plus forts qu’il ait jamais publiés. Ils disent la perte de repères, la perte de soi, l’effondrement intérieur.
Là où la montagne permet l’ancrage, la mer déstabilise. Sur un trail, même en pleine tempête, on reste acteur de sa progression. En mer, on subit. On attend. On encaisse. Et cette inactivité imposée, ce temps étiré, finit par ronger la volonté. Dans une de ses vidéos, Conrad plaisante en disant qu’il taquine Mathieu. Mais quand on taquine quelqu’un qui vacille, le rire peut être une arme lourde.
Le manque de trail comme cri du coeur
Puis, un soir, il écrit : « le trail me manque ». Cette phrase, en apparence banale, dit tout. Elle dit où est son ancrage, où est son équilibre, où est sa vérité. Le trail n’est pas seulement un sport pour lui. C’est une façon d’habiter le monde. De respirer. De retrouver le fil de soi. Là, sur ce bateau, il n’a plus de fil. Plus de sentier.
Il est balloté, physiquement et symboliquement. Et dans ce contexte, envisager la TransMartinique relève presque du fantasme.
Un départ en question, une victoire différente
Alors, oui, la question reste ouverte : Mathieu Blanchard courra-t-il la TransMartinique ? Personne ne peut répondre à sa place. Mais les indices, les signaux, les aveux, tout semble indiquer qu’il serait peut-être plus sage, plus fort, plus humain, de renoncer. Car parfois, la plus grande victoire, ce n’est pas de franchir une ligne d’arrivée. C’est de savoir dire non. De choisir la récupération, la reconstruction, la patience.
Et si, au fond, cette traversée avait été moins un projet sportif qu’une épreuve initiatique, c’est-à-dire un passage ? Un moment où l’on perd pied pour mieux retrouver l’essentiel.
Note éditoriale – précision sur le contexte, la méthode et l’intention :
Cet article repose exclusivement sur des contenus rendus publics par les principaux intéressés eux-mêmes, à savoir Mathieu Blanchard et Conrad Colman, dans le cadre de leur participation officielle à la Transat Café de L’Or 2025 à bord de l’IMOCA MSIG Europe. Les informations rapportées proviennent notamment de publications accessibles au grand public sur les réseaux sociaux (principalement Instagram), d’extraits vidéos relayés par des médias généralistes (tels que BFM TV ou ICI Normandie) et de messages écrits publiés par Mathieu Blanchard dans son journal de bord numérique, qu’il a lui-même décidé de partager publiquement depuis le large.
L’article ne contient aucune information confidentielle, ni propos inventé, ni interprétation gratuite. Aucune accusation n’est portée à l’encontre de Mathieu Blanchard, de Conrad Colman, de leurs agents respectifs, ni de leurs partenaires ou sponsors. Il ne s’agit en aucun cas d’un contenu à visée polémique, ni d’un article de nature commerciale, ni d’une tentative de nuire à la réputation d’une personne physique ou morale. L’auteur agit de bonne foi, dans le respect du droit à l’information, de la liberté de la presse et des principes de précaution relatifs à l’image des personnalités publiques engagées dans un événement de portée médiatique.
L’ensemble du propos s’inscrit dans une démarche d’analyse éditoriale, de commentaire sportif et de réflexion sur les enjeux humains liés à une épreuve de grande ampleur. Aucune finalité diffamatoire, harcelante, ou malveillante ne peut être retenue.
