Jenn Lichter, du chaos de Bogotá aux sommets du trail mondial
Jenn (Jennifer) Lichter a un parcours de vie hors norme, porté par la course à pied
Il y a des trajectoires qui forcent le respect, des histoires de résilience qui donnent tout leur sens au mot « courir ». Celle de Jenn Lichter, aujourd’hui traileuse professionnelle installée dans le Montana, fait partie de ces récits rares, à la fois bruts, émouvants et inspirants.
Née à Bogotá, en Colombie, elle a grandi au milieu du chaos, avant d’être adoptée aux États-Unis avec ses frère et sœur. De cette enfance bouleversée, elle a gardé une force intérieure qu’elle exprime aujourd’hui sur les sentiers. En quelques années, Jenn est devenue l’une des figures montantes du trail nord-américain, signée chez The North Face et déjà présente sur les plus grandes compétitions mondiales.
Une enfance marquée par la violence et la séparation
Jenn Lichter voit le jour à Bogotá, dans une Colombie en proie à la guerre des cartels. Très jeune, elle perd son père, abattu dans un quartier connu pour être l’un des plus dangereux de la capitale. Sa mère, aux prises avec une addiction lourde, ne peut plus subvenir aux besoins de ses enfants.
Jenn, son frère Harold et sa sœur Kim sont alors placés en orphelinat. Ils survivent ensemble, soudés par une relation fraternelle d’une intensité rare. Malgré les visites sporadiques de leur mère, leur quotidien reste précaire et marqué par l’absence.
En 2005, un couple américain les adopte. Direction le Wisconsin, une petite ville tranquille aux antipodes de leur univers d’origine. Le changement est radical : climat, langue, culture. Les débuts sont rudes, mais les enfants s’adaptent rapidement, soutenus par des parents investis.
La course à pied comme exutoire, puis comme renaissance
Adolescente, Jenn découvre la course à pied au collège. Mais à cette époque, courir n’est pas encore une passion. C’est une échappatoire. Elle cherche à canaliser une douleur intérieure qui la ronge, notamment une culpabilité persistante liée à son enfance et à sa mère biologique. Très tôt, elle développe des troubles du comportement alimentaire et est diagnostiquée anorexique.
Après plusieurs hospitalisations, elle entame un long chemin de reconstruction. La course, petit à petit, change de visage. Elle n’est plus une punition, mais un moyen de se sentir vivante.
Jenn intègre ensuite l’équipe d’athlétisme de l’Université de Toledo. Elle y réalise de belles performances, mais finit par s’épuiser mentalement et physiquement. Le syndrome RED-S l’affaiblit, et elle choisit finalement d’arrêter la compétition.
C’est un road trip avec sa mère adoptive qui relance tout. En traversant le parc national de Glacier, dans le Montana, Jenn tombe amoureuse des grands espaces. Quelques mois plus tard, elle s’installe à Missoula, devient guide de randonnée et retrouve, sur les sentiers, le goût de courir — cette fois sans pression.
Une ascension fulgurante dans le monde du trail
Tout s’enchaîne à partir de 2021. Jenn s’inscrit presque par hasard au 50 km du Run the Rut, après que la distance de 28 km ait été complète. Sans préparation spécifique, elle remporte la course avec un chrono exceptionnel (6 h 14 min), signant le troisième meilleur temps de l’histoire.
Remarquée par The North Face, elle signe son premier contrat professionnel. En 2023, elle termine quatrième des championnats du monde de trail à Innsbruck. En 2024 et 2025, elle enchaîne les records sur des courses prestigieuses comme le Broken Arrow 46K ou le Speedgoat 50K, tout en gardant un style humble et naturel. Son détail fétiche ? Des paillettes sur les joues à chaque course, pour ne jamais oublier que courir peut aussi être une fête.

Aujourd’hui, Jenn continue de s’entraîner dans le Montana, avec une approche très intuitive de la performance. Peu attachée aux métriques, elle privilégie le ressenti, l’adaptation à la montagne, et la connexion à la nature.





