Nutrition extrême, expérimentations radicales et gestion millimétrée de la performance : le traileur français Mathieu Blanchard assume des variations de poids impressionnantes sur une saison. Jusqu’à 10 kg en sept jours. Voici pourquoi.
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Mathieu Blanchard a une gestion du poids à géométrie variable
Dans le monde du trail, on parle souvent de « poids de forme » ou de « poids de perf », mais chez Mathieu Blanchard, ces notions prennent une autre dimension. Le finaliste de l’UTMB a confié dans un podcast récent qu’il pouvait perdre jusqu’à dix kilos en une seule semaine, et les reprendre tout aussi vite.
Ce n’est ni un effet de style, ni une approximation. Ce chiffre correspond à des phases bien identifiées dans son calendrier : en hiver, il mise tout sur le renforcement musculaire, notamment via le ski de rando, ce qui lui permet de prendre beaucoup de masse, notamment au niveau des jambes. Et à l’approche des courses, il bascule vers une logique d’affûtage très poussée, avec des restrictions contrôlées et un volume d’entraînement élevé. À cela s’ajoutent des projets extrêmes, comme le Yukon, où les privations et les conditions climatiques peuvent faire fondre plusieurs kilos en quelques jours.
6 000 calories par jour : une norme pour lui
Dans ses semaines d’entraînement les plus intenses, Blanchard atteint un niveau de dépense calorique que peu d’athlètes amateurs imaginent : environ 6 000 kilocalories par jour. Il ne s’agit pas là d’un chiffre extrapolé, mais du résultat d’un protocole scientifique rigoureux, basé sur l’analyse d’urine avec de l’eau doublement marquée.
Face à une telle dépense, l’objectif devient simple : ingérer autant que possible sans saturer le système digestif. Cela suppose une stratégie réfléchie à l’entraînement, mais surtout en course. Et c’est là que le travail d’optimisation commence.
Du jeûne total à 200 g de glucides/heure
Mathieu Blanchard n’est pas un athlète qui se contente d’appliquer des conseils généraux. Il expérimente. Beaucoup. Tout. Il a testé le jeûne hydrique pendant une semaine. Il a couru à jeun jusqu’à six heures. Il a essayé des stratégies très riches en glucides (jusqu’à 200 g/heure en vélo sur longue sortie). Et il a fini par trouver son équilibre : 80 g de glucides par heure, en majorité sous forme liquide, avec quelques gels et purées en appoint.
Pourquoi pas plus ? Parce qu’au-delà, il atteint une saturation mentale. Il ne vomit pas, il n’a pas de troubles digestifs, mais il sent que son corps dit stop. Et il préfère écouter ce signal, plutôt que risquer de compromettre une course préparée pendant des mois.
Entre instinct et science : un équilibre personnel
Blanchard est l’exemple même de l’athlète hybride. Il lit les études scientifiques, connaît les grandes tendances en nutrition sportive, mais il les confronte toujours à son propre ressenti. Car, comme il le rappelle, ce qui fonctionne pour un athlète ne fonctionnera pas forcément pour un autre. Et même ce qui fonctionne pour soi aujourd’hui peut ne plus marcher dans deux ans.
C’est pourquoi il refuse de suivre des dogmes, préfère garder une part d’instinct et d’adaptabilité, et reste attentif à la manière dont son corps réagit aux différents protocoles, que ce soit dans le froid du Yukon ou sous la chaleur de la Hardrock 100.
Mal manger pour mieux performer ?
L’un des passages les plus étonnants de son témoignage concerne la qualité de l’alimentation. Pour lui, comme pour beaucoup d’ultra-traileurs, la priorité n’est pas toujours la qualité mais la quantité. Quand il faut ingérer 6 000 kcal par jour, difficile de le faire uniquement avec des brocolis vapeur et du quinoa bio. Il lui arrive donc de “mal manger”, mais il l’assume totalement. Car cette surcharge calorique est indispensable pour éviter le déficit énergétique chronique qui guette tous les sportifs d’endurance.
C’est cette même logique qui pousse certains traileurs à se jeter sur des burgers ou du pain au chocolat à la sortie d’un long run. Est-ce optimal ? Peut-être pas. Est-ce vital pour tenir la charge d’entraînement ? Probablement oui.
L’effet boomerang : comment son corps revient toujours à son “set point”
Malgré ces oscillations extrêmes, Mathieu Blanchard a constaté une chose : son corps revient toujours à un certain poids de référence, qu’il ne cherche même plus à contrôler. Ce phénomène de régulation naturelle s’observe chez plusieurs sportifs de haut niveau, et semble confirmer que le métabolisme cherche toujours à retrouver un équilibre — tant que les charges ne deviennent pas trop extrêmes, ou trop fréquentes.
Il reconnaît d’ailleurs que certaines récupérations, après des courses ou des aventures particulièrement dures, peuvent durer jusqu’à trois mois. C’est le temps nécessaire pour que la machine se répare, retrouve de l’élan, et l’envie de s’y remettre.
En résumé chez Mathieu Blanchard, la nutrition n’est pas une science exacte, mais un art de vivre.
Un mélange d’intuition, d’expérimentations et de rigueur. Il peut perdre 10 kilos en une semaine sans que cela nuise à ses performances. Il peut les reprendre en dix jours. Et malgré cela, il vieillit « à l’envers », selon les tests biologiques réalisés en clinique de longévité.
C’est là toute la complexité et la beauté du trail à haut niveau : marcher sur la ligne fine entre performance et santé, entre discipline et plaisir, entre contrôle et lâcher-prise. Et si Blanchard est capable de le faire, c’est peut-être parce qu’il ne cherche jamais à avoir raison — seulement à être juste.
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Mention éditoriale
Cet article repose sur des propos publics recueillis dans le cadre du podcast Full & Facts de Nouchka Diet (YouTube, 7 octobre 2025). Il s’agit d’une analyse journalistique basée sur les déclarations de Mathieu Blanchard.
uTrail n’entend nuire à personne, ne formule aucun jugement, et peut naturellement se tromper.
L’image utilisée est une capture d’écran conforme au droit à l’information, issue de la vidéo suivante.