Dans le monde du trail, peu de coureurs en ont entendu parler. Et pourtant, cette méthode d’entraînement a littéralement bouleversé les performances en course sur piste et en triathlon.
Un livre pour progresser dans son entrainement trail
En Norvège, cette méthode est à l’origine de l’ascension fulgurante de Jakob Ingebrigtsen, sacré champion olympique du 1500 mètres en 2021 à Tokyo, puis champion du monde du 5000 mètres en 2022 et double champion d’Europe sur 1500 et 5000 mètres. Réputé pour son aisance technique et sa capacité à tenir des allures très élevées de manière régulière, il incarne l’efficacité de cette approche basée sur le seuil lactique.
Elle a aussi permis à des triathlètes comme Kristian Blummenfelt et Gustav Iden de dominer la scène mondiale. Blummenfelt a remporté l’or olympique aux Jeux de Tokyo en 2021, puis le championnat du monde Ironman à St. George en 2022, tandis qu’Iden s’est illustré en remportant les championnats du monde Ironman à Kona en 2022 après avoir déjà été champion du monde sur half Ironman en 2019 et 2021. Ces performances, sur des formats radicalement différents, témoignent de la polyvalence et de l’efficacité de la méthode norvégienne.
Aujourd’hui, une version simplifiée de cette méthode gagne en popularité, y compris chez les coureurs amateurs. Mais que vaut vraiment cette approche quand on sort de la piste pour affronter des pentes, du dénivelé et des chemins techniques ? Peut-on s’en inspirer pour progresser en trail, et comment l’adapter à nos contraintes ? C’est ce que nous allons explorer à travers les deux versions de cette méthode : l’originale, exigeante et scientifique, et la version moderne, plus abordable pour les coureurs du quotidien.
L’ancienne méthode d’entrainement norvégienne : rigueur scientifique et discipline absolue
La Norwegian Method telle qu’elle a été conçue dans les années 2000 repose sur un principe simple, mais poussé à un niveau de précision extrême : travailler régulièrement au seuil lactique, cette intensité juste en dessous de la bascule anaérobie, là où l’acide lactique commence à s’accumuler et où la fatigue devient ingérable. L’idée est de faire progresser l’endurance et la vitesse en restant toujours dans cette zone très précise. Pour y parvenir, les athlètes norvégiens, encadrés par des entraîneurs méthodiques, s’entraînent souvent deux fois par jour. Ils réalisent plusieurs séances au seuil par semaine, voire par jour, entrecoupées de séances de récupération tout aussi rigoureusement planifiées.
Ce qui rend cette méthode si singulière, c’est l’utilisation systématique de tests sanguins.
À chaque fraction ou presque, les athlètes se piquent le doigt pour mesurer leur taux de lactate. En fonction du résultat, l’intensité est ajustée immédiatement. Ce suivi en temps réel permet de rester exactement dans la zone cible.
– Trop haut ? On ralentit.
– Trop bas ? On accélère.
Résultat : une efficacité maximale sans basculer dans la surintensité.
Mais soyons honnêtes. Pour la plupart des traileurs amateurs, cette méthode est impraticable.
Qui peut se permettre de courir deux fois par jour, de mesurer son lactate avec un appareil coûteux, et de vivre comme un moine pendant des mois ? Pour 99 % d’entre nous, c’est tout simplement hors de portée. Cette approche, bien qu’inspirante, reste réservée à une élite très encadrée.
La nouvelle méthode norvégienne simplifiée
Face à ces limites, une version plus accessible de la méthode norvégienne a vu le jour, popularisée notamment sur des forums spécialisés. On l’appelle la Norwegian Singles Training Method.
L’idée est de conserver le cœur du concept – le travail régulier au seuil – tout en supprimant les éléments les plus contraignants, comme les doubles séances quotidiennes ou le suivi lactate.
Dans cette version, l’entraînement hebdomadaire repose sur
– deux ou trois séances au seuil par semaine,
– espacées par des footings de récupération très tranquilles.
– À cela s’ajoute une sortie longue le week-end.
Exemple de plan d’entrainement concret avec la Norwegian Singles Training Method
Le plan devient alors plus simple à suivre : un jour intensif, un jour facile, un jour intensif, un jour facile, une dernière séance au seuil, une sortie longue, puis un jour de repos.
Prenons un exemple concret pour un traileur qui prépare une course de 25 kilomètres avec environ 1200 mètres de dénivelé.
- Le lundi, il commence par vingt minutes d’échauffement, puis enchaîne trois blocs de dix minutes au seuil, sur piste ou en montée progressive, avec quinze minutes de retour au calme.
- Le mardi, il part pour une heure de footing très tranquille sur terrain vallonné.
- Le mercredi, il repart avec huit blocs de trois minutes à l’intensité seuil, entrecoupés d’une minute de récupération, le tout précédé et suivi d’un échauffement et d’un retour au calme.
- Le jeudi, il trottine quarante-cinq minutes en aisance respiratoire.
- Le vendredi, il fait douze fois une minute trente au seuil, avec seulement trente secondes de récupération entre chaque bloc.
- Le samedi, place à la sortie longue : deux heures quinze avec du dénivelé, à un rythme modéré.
- Et enfin, le dimanche, il se repose.
Cette logique est répétitive, mais diablement efficace. Le corps apprend à soutenir une intensité élevée sans exploser.
- En montée, cela permet de tenir une allure régulière sans s’essouffler trop tôt.
- Sur les portions roulantes, on développe une meilleure économie de course.
Et dans l’ensemble, on devient capable de mieux gérer ses efforts sur toute la durée d’un trail court ou intermédiaire.
Le risque de cette méthode : dépasser le seuil ciblé
Mais cette méthode n’est pas sans piège. Sans test de lactate, le risque est grand de courir trop vite. Beaucoup de coureurs se fient uniquement à leurs sensations ou à leur montre, mais dépassent involontairement le seuil ciblé.
Résultat : des séances qui deviennent trop dures, une fatigue qui s’installe en silence, et une récupération insuffisante.
De plus, en terrain accidenté ou technique, il est difficile de maintenir une intensité stable. La méthode demande donc des ajustements si l’on court souvent en montagne.
Alors, pour ou contre la méthode norvégienne en trail ?
Du côté des avantages, on ne peut nier l’efficacité de ce type d’entraînement.
Travailler régulièrement au seuil permet de progresser rapidement, d’améliorer l’endurance, d’augmenter la vitesse moyenne et de mieux gérer ses allures. C’est aussi une méthode simple à suivre sur le papier : pas besoin d’une grande variété de séances ou d’un plan ultra sophistiqué. Enfin, elle est particulièrement adaptée à la préparation de trails courts ou moyens formats, entre vingt et trente kilomètres, où l’intensité de course reste relativement élevée.
Mais en face, les inconvénients sont réels.
Sans accompagnement précis, on peut facilement tomber dans le surentraînement.
Le corps accumule de la fatigue, les petites douleurs apparaissent, la récupération devient plus lente, et la motivation peut s’effriter. Cette méthode ne convient pas non plus aux longues distances, car elle ne développe pas les qualités spécifiques demandées en ultra, comme la gestion de l’effort sur plusieurs heures, l’alimentation en course ou la résistance mentale.
Et puis il y a l’aspect psychologique
Certains coureurs peuvent se lasser de répéter le même schéma chaque semaine, sans variation ni nouveauté.
Enfin, il faut le dire clairement : cette méthode est pensée pour des entraînements contrôlés, sur route ou piste.
Dès que l’on bascule sur du sentier technique, du caillou ou du single en montée raide, l’intensité devient difficile à doser. On perd alors en précision, ce qui nuit à l’efficacité du plan.
En résumé, c’est une méthode prometteuse… mais pas miraculeuse
La méthode d’entraînement norvégienne, dans sa version simplifiée, mérite d’être connue dans le monde du trail. Elle n’a rien d’une formule magique, mais elle peut devenir un outil redoutable pour progresser si elle est bien utilisée. Pour un traileur qui prépare une course de 20 ou 30 kilomètres, c’est une façon efficace de gagner en régularité, en puissance et en économie de course. À condition, bien sûr, de l’adapter au terrain, de rester vigilant sur l’intensité, et de ne pas négliger la récupération.
Elle ne conviendra pas à tout le monde, et encore moins à ceux qui préparent des ultras. Mais pour ceux qui veulent sortir de leur routine, structurer leur semaine, et retrouver des sensations de progression rapide, c’est une approche à essayer.
En fin de compte, ce que cette méthode nous rappelle, c’est que l’entraînement intelligent repose moins sur des recettes toutes faites que sur la capacité à s’écouter, à doser, et à ajuster. Le trail n’est pas une science exacte. Mais savoir courir au bon rythme, au bon moment, avec les bonnes intentions, reste la clé. Et c’est peut-être là que la méthode norvégienne a le plus à nous apprendre.
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