Des Alpes aux Pyrénées, la montagne craque sous les pas des sportifs en quête de sensations à consommer
chaussures de trail Salomon Speedcross 5
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La montagne attire. Elle attire comme jamais. Depuis la pandémie, et plus encore depuis les étés caniculaires, les Français désertent les plages brûlantes pour se réfugier en altitude. Bonne nouvelle ? Pas pour tout le monde. Sur place, habitants, gardiens de refuge et pratiquants chevronnés tirent la sonnette d’alarme : la montagne est en train de devenir un espace marchandisé, où le trail et la rando ne sont plus des pratiques, mais des produits. Le sur-tourisme sportif est là. Et il fatigue.
Courir ou marcher en montagne : le nouveau rituel estival
À chaque été ses modes. Et depuis quelques années, c’est la montagne qui fait recette. Terminés les transats au bord de la mer. Aujourd’hui, on vient “faire un sommet”, “cocher un GR”, “vivre l’UTMB de l’intérieur”, ou encore “bivouaquer sous les étoiles” pour les réseaux sociaux. Derrière cette apparente reconquête du sauvage, une réalité bien plus prosaïque se dessine : la montagne est devenue une destination de consommation active. Avec ses circuits, ses applications, ses spots, ses top 10, ses selfies au sommet et… ses embouteillages.
Les Alpes, les Pyrénées, le Massif central, le Jura, les Vosges… Aucun territoire n’est épargné. Les parkings débordent. Les vans s’entassent dans les vallées. Les sentiers se transforment en autoroutes dès 9 h du matin. Même les courses de trail sont prises dans cette spirale : dossards vendus en quelques minutes, files d’attente sur les monotraces, et balisages détériorés par mégarde.
Le trail comme produit : entre performance et performance sociale
Le trail n’échappe pas à cette logique. Loin de l’image d’Épinal du coureur humble et silencieux, le traileur 2.0 devient un consommateur de performance. Il veut un chrono, un dossard, un cliché en montée, un t-shirt finisher. Il vient vivre une “expérience” — mot fétiche du marketing outdoor — qu’il partage ensuite sur Instagram ou Strava, avec les segments, les courbes, les likes, et les commentaires.
Pour les territoires, c’est un jackpot. Mais pour les sentiers, c’est une autre histoire. L’usure s’accélère, les déchets s’accumulent, les refuges débordent, et l’ambiance de solitude qui faisait le sel des longues sorties s’évapore. Des locaux, des bénévoles et des élus commencent à dénoncer cette frénésie. “Le trail devient une prestation touristique comme une autre”, résume un accompagnateur en montagne dans les Écrins. “Il faut que ça claque, que ce soit instagrammable, que ça reste dans les souvenirs — mais on ne se demande plus ce qu’on laisse derrière soi.”
Randonneurs, trailers, campeurs : même combat ?
À Chamonix, dans le Vercors ou autour de Gavarnie, les témoignages se recoupent. Olivier, traileur ariégeois, observe cette mutation avec désarroi : “Les gens ne connaissent pas les codes. Ils viennent courir ou bivouaquer sans conscience. Résultat : des mouchoirs, du papier toilette, des traces de pneus dans des zones humides, des drones au-dessus des bouquetins…”
Et cette “consommation sportive” s’étend. En 2024, dans certaines vallées des Pyrénées, un touriste sur deux pratiquait la randonnée pendant son séjour. Du jamais vu. Mais derrière les statistiques flatteuses, une montée des tensions : “On accueille, on vend du rêve, mais on n’éduque pas”, résume un maire des Hautes-Alpes. “Il y a des déchets, du bruit, des chiens en liberté, des drones, des feux interdits… On a banalisé l’accès à la montagne sans transmettre les règles.”
La régulation, seule issue ?
Face à cette montée du sur-tourisme sportif, des voix s’élèvent. Elles réclament des mesures concrètes : parkings payants, quotas d’accès, interdiction des vans dans certaines vallées, guides de bonne conduite obligatoires pour les participants aux trails. Certaines stations, comme Cauterets ou Vallouise, commencent à limiter l’accès motorisé à certaines zones. En Andorre, la régulation est plus avancée : barrières, médiateurs, chiens en laisse, sensibilisation active.
En France, la résistance est culturelle. On veut croire que la montagne reste libre, gratuite, ouverte à tous. Mais la réalité change. “Si on ne fait rien, la montagne deviendra invivable, même pour ceux qui l’aiment”, avertit un guide du massif du Mont-Blanc. Et d’ajouter : “On ne peut pas accueillir autant de monde sans poser de limites. Même le trail a besoin de régulation.”
Consommer ou pratiquer ?
La montagne n’est pas un parc d’attractions. Le trail n’est pas un produit. La randonnée n’est pas un service. Et pourtant, c’est bien ce que devient progressivement tout l’écosystème outdoor français. Le risque ? C’est de perdre l’essence même de ces activités : l’effort désintéressé, la solitude choisie, la lenteur, la contemplation.
Alors oui, il faut continuer d’ouvrir la montagne. Mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas au prix de son âme.
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