On a lu l’article de Outside sur l’avenir de l’UTMB. Et on l’a trouvé bon. Très bon, même. Certains passages peuvent faire grincer des dents, surtout chez ceux qui regrettent un trail « pur » et « à taille humaine ». Mais replacés dans leur contexte, les propos livrent une vision assumée, réfléchie et souvent plus constructive qu’on ne l’imagine.
Oui, l’UTMB a changé. Oui, il concentre critiques et polémiques. Mais dans cette interview croisée avec Isabelle Viseux-Poletti (directrice de l’UTMB Mont-Blanc), Fabrice Perrin (directeur développement durable d’UTMB Group) et Vincent Bouillard (vainqueur 2024), c’est avant tout une ambition qui ressort : faire évoluer l’UTMB sans trahir sa légende. Trouver l’équilibre entre mythe et modernité, croissance et responsabilité. Et surtout, ne jamais cesser d’avancer.
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Stabiliser sans s’arrêter : le paradoxe d’un UTMB « apaisé »
À Chamonix, le mot d’ordre est clair : pas question de grossir pour grossir. Les organisateurs l’assurent, le cap des 10 000 coureurs sur l’ensemble des courses est un plafond, pas une rampe. Il n’y aura ni nouvelle épreuve, ni course bonus, ni format surprise.
Pourquoi ? Parce que la montagne impose ses propres règles. Trop de coureurs, c’est l’assurance de bouchons, de dégradations, de problèmes de sécurité. Alors chaque course — de la PTL à l’OCC — a atteint son point d’équilibre. Et c’est très bien comme ça.
Mais attention, cela ne signifie pas que l’UTMB a décidé de stagner. Car comme le dit Isabelle Viseux-Poletti avec franchise : « Une entreprise qui arrête de se développer commence à mourir. »
Le développement ? Il se joue ailleurs
La croissance, aujourd’hui, ne passe plus par le Mont-Blanc, mais par le reste du monde. Grâce aux UTMB World Series, le groupe développe des événements sur les cinq continents : plus de 50 courses en 2025, contre 36 en 2023. L’idée n’est pas de faire voyager les coureurs, mais de faire venir l’esprit UTMB à eux.
Et ça fonctionne : chaque course est organisée avec des équipes locales, dans le respect des identités culturelles et sportives. Ce n’est pas une franchise de fast-food. C’est un modèle d’essaimage maîtrisé.
Mais qui dit multiplication des courses dit aussi multiplication des impacts. Car même si les arches ne volent pas en soute, les coureurs, eux, prennent l’avion. Et les chiffres sont sans appel : 88 % des émissions de l’UTMB Mont-Blanc proviennent des déplacements. En 2024, cela représentait 18 600 tonnes de CO₂.
Réduire l’impact sans réduire le rêve
Face à cette réalité, l’UTMB ne botte pas en touche. L’objectif officiel est ambitieux : -20 % d’émissions d’ici 2030. Pour y parvenir, des solutions concrètes sont mises en place : système de navettes renforcé, bonus pour les mobilités douces, contribution carbone obligatoire. Et une promesse : continuer d’améliorer sans renoncer à l’essence du projet.
Fabrice Perrin insiste : « Quand tu es à Chamonix, tu n’as pas besoin de voiture. » Les bus pour les abandons ? Déjà en place. Les navettes entre départs, arrivées et ravitos ? En amélioration constante. Le but ? Rendre l’expérience fluide, sans que chacun n’ait besoin de sa voiture individuelle.
Et surtout, ne pas tomber dans le piège du repli frileux. Parce que si l’UTMB disparaissait demain, les coureurs ne resteraient pas sagement chez eux. Ils iraient courir ailleurs, parfois dans des conditions bien moins encadrées. Mieux vaut donc apprendre à faire mieux, plutôt que moins.
Le climat, cet ennemi intime
Mais la vraie menace, ce n’est pas la critique : c’est le climat lui-même. Vincent Bouillard le dit sans détour : « C’est une question d’années avant que le parcours doive être adapté. » Permafrost qui fond, éboulements, crues soudaines : la montagne devient plus instable. Et certains points du tracé posent déjà problème, comme le glacier de Tête Rousse, devenu trop fragile.
Les organisateurs le savent. Des parcours de repli sont à l’étude. Mais l’objectif reste de pouvoir, dans dix ans encore, faire le tour du Mont-Blanc. Rêver, malgré les secousses. S’adapter sans renoncer.
L’inclusion : chantier d’avenir
Autre front stratégique : l’inclusion. Longtemps, le trail a été un sport d’hommes blancs, bien équipés et plutôt aisés. L’UTMB veut faire évoluer ça. Des toilettes adaptées aux femmes aux protections périodiques sur les ravitaillements, les mesures pratiques se multiplient.
Mais les vraies transformations seront plus profondes : prise en compte du handicap, de la transidentité, de la précarité économique. Et là, les équipes marchent sur des œufs. Pas question d’annoncer des mesures symboliques ou de la com’ vide. Il faudra des actes.
Isabelle Viseux-Poletti le dit franchement : « L’inclusion tarifaire est un sujet. » Traduction : le prix d’un dossard reste un frein pour beaucoup. Et même si la qualité de l’organisation le justifie, on ne peut pas construire un trail de légende en laissant de côté une partie du public.
La vitrine technologique du trail mondial
Sur le plan sportif, l’UTMB n’a pas à rougir. C’est la course la plus compétitive du monde, avec les meilleurs athlètes, les meilleures équipes, les meilleures marques. Mais c’est aussi devenu un showroom géant pour l’innovation.
Vincent Bouillard, à la fois ingénieur chez Hoka et vainqueur de l’épreuve 2024, est bien placé pour le dire : la révolution, ce n’est pas une chaussure miracle. C’est l’évolution des équipements qui permettent d’enchaîner des blocs d’entraînement sans se fracasser. Résultat : des coureurs plus résistants, plus rapides, plus réguliers.
Son pronostic ? Le 100 miles va passer sous les 19h. Peut-être même sous les 18. Et ce sera probablement à Chamonix.
Écouter les critiques pour rester la légende
Le trail, par nature, est un sport de passionnés. Et les passionnés sont rarement tendres avec ceux qu’ils aiment. C’est ce que rappelle Vincent Bouillard avec sagesse : « C’est normal qu’il y ait des critiques. Peut-être même plus qu’ailleurs, parce que ce sont eux les plus gros. »
Mais la vraie force, c’est de savoir écouter. De ne pas mépriser la critique. De dialoguer avec ceux qui s’interrogent, qui doutent, qui remettent en question. C’est ce que promet l’UTMB aujourd’hui : plus de transparence, plus de pédagogie, plus de dialogue. Pour rester la vitrine mondiale du trail sans devenir une vitrine vide.
un UTMB apaisé, mais ambitieux
Dans dix ans, l’UTMB ne sera pas plus grand à Chamonix. Il ne comptera pas plus de courses, ni plus de coureurs. Mais il sera peut-être plus juste, plus durable, plus inclusif. Et plus rapide, aussi, car les performances continuent de grimper.
Il restera aussi un paradoxe vivant : une course qui veut croître sans polluer, rayonner sans dominer, rassembler sans exclure. Une course qui veut continuer à écrire la légende du trail… tout en inventant une autre manière de la vivre.
Et c’est peut-être ça, le vrai défi : continuer à grandir — mais autrement.
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