Chaque été, la petite commune de Chamonix-Mont-Blanc, nichée au cœur de la Haute-Savoie, se transforme en une véritable fourmilière humaine. Alors que la ville ne compte qu’un peu moins de 10 000 habitants permanents, elle accueille en plein mois d’août l’équivalent d’un UTMB chaque jour, c’est-à-dire entre 15 000 et 25 000 visiteurs. Cette fréquentation effarante pousse les infrastructures locales à la limite de la saturation et fait grincer bien des dents chez les habitants.
A Chamonix, la situation n’est pas nouvelle, mais elle semble chaque année plus tendue.
Surtourisme à Chamonix
En cette mi-août 2025, les 800 places de stationnement du centre-ville sont occupées dès le matin. Les automobilistes patientent longtemps, parfois en vain, avant de tenter leur chance plus haut dans la vallée. Quand la place manque, certains n’hésitent pas à se garer sur les bas-côtés des routes ou même dans des propriétés privées. Les flux de véhicules engorgent la départementale, compliquent l’accès aux sentiers, et créent une ambiance d’agacement généralisé.
Derrière cette frénésie touristique se cache une réalité contrastée. Oui, le tourisme est le cœur économique de Chamonix. La vallée engrange chaque année plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, générant des milliers d’emplois directs et indirects. Les hôtels, refuges, commerces et prestataires d’activités de montagne fonctionnent à plein régime, et pour beaucoup, c’est la haute saison estivale qui conditionne la survie de l’année.
Mais à mesure que l’afflux augmente, les tensions aussi. Les sentiers les plus emblématiques, comme celui menant au Lac Blanc, voient passer plus de 100 000 randonneurs sur quelques mois. Le calme et la solitude que viennent chercher certains s’effacent derrière des files d’attente à la montée en télécabine ou sur les belvédères. La Mer de Glace, l’Aiguille du Midi, et le train du Montenvers sont pris d’assaut dès l’ouverture. Le spectacle de la nature se transforme en décor surfréquenté, laissant peu de place à l’immersion ou à la contemplation.
Pour les traileurs, Chamonix reste un lieu mythique.
Mais même les coureurs expérimentés qui viennent s’entraîner sur les traces de l’UTMB constatent que certains secteurs deviennent impraticables à certaines heures. Croiser des grappes de touristes sur des sentiers techniques, slalomer entre les promeneurs, ou attendre son tour pour une photo au sommet du Brévent n’a rien d’idéal pour un travail de côtes ou une sortie longue.
soulager la vallée saturée
Face à cette surfréquentation, les autorités locales ont décidé de réagir. Chamonix est devenue la première commune française à interdire la construction de nouveaux hôtels et de résidences secondaires. L’objectif est clair : libérer du foncier pour les habitants permanents, aujourd’hui étranglés par la flambée des prix de l’immobilier. Environ 70 % des logements sont désormais des résidences secondaires, faisant grimper le prix au mètre carré jusqu’à 20 000 euros dans certains secteurs. Le maire souhaite renverser cette dynamique en créant 1 000 logements accessibles pour les locaux d’ici dix ans. Une ambition saluée par certains mais qui ne suffira pas, à elle seule, à soulager une vallée saturée.
Les pouvoirs publics s’attaquent également à la régulation des flux touristiques. Des réservations sont désormais obligatoires pour accéder à certains lieux, et une réflexion est en cours autour de quotas quotidiens ou d’un péage d’accès. L’idée n’est pas de fermer la vallée, mais de l’organiser pour que les pics de fréquentation ne compromettent ni l’expérience des visiteurs, ni la tranquillité des habitants, ni la préservation des écosystèmes alpins.
Les conditions climatiques deviennent plus extrêmes.
Les canicules, de plus en plus fréquentes, poussent des milliers de citadins à chercher la fraîcheur de la montagne, souvent pour une seule journée. Ce tourisme de masse express, peu générateur de retombées économiques locales, est aussi celui qui provoque le plus de tensions sur les infrastructures, les parkings, les transports publics, et les ressources naturelles comme l’eau potable ou les déchets.
Chamonix est à la croisée des chemins. Capitale historique de l’alpinisme, lieu de passage emblématique pour les traileurs du monde entier, elle doit aujourd’hui réinventer sa manière d’accueillir. Le succès populaire du trail n’y est pour rien, mais il y subit les conséquences. À l’approche de l’UTMB, les regards se tournent déjà vers la fin août, où 10 000 coureurs prendront le départ de l’un des événements les plus médiatisés au monde. Et ce jour-là, les habitants le rappellent : ce ne sera pas l’exception, ce sera juste un jour comme les autres.
Si tu es traileur ou randonneur en quête de calme, de solitude et de sentiers libres, il existe heureusement des alternatives à Chamonix. La vallée de la Clarée, au-dessus de Névache, offre une nature sauvage protégée, sans remontées mécaniques ni urbanisation massive. Le Queyras, à la frontière italienne, reste un écrin préservé aux paysages spectaculaires et à l’accueil chaleureux. Le massif des Écrins, côté Valgaudemar ou Champoléon, propose des itinéraires engagés avec très peu de monde, même en été. Et si tu veux rester dans les Alpes du Nord, pense au Beaufortain ou au Val d’Abondance : des montagnes accessibles, sans la surenchère touristique de Chamonix, mais avec tout autant de beauté.