Une idée séduisante, mais trompeuse
C’est une affirmation qu’on entend souvent, y compris chez les entraîneurs, les scientifiques ou les commentateurs : les femmes seraient avantagées en ultra-endurance car elles mobilisent mieux leurs graisses.
Sur le papier, c’est vrai. Mais en réalité, cela ne suffit ni à expliquer, ni à compenser les écarts de performance constatés en ultra-trail, surtout en montagne.
Une étude publiée en 2025 par Grégoire Millet, spécialiste reconnu de la physiologie de l’endurance, remet sérieusement en cause ce raisonnement trop simpliste.
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femmes courir graisses, d’où vient cette croyance ?
écouter cet article sur la physiologie des femmes dans le trail, durée 03:17
Le métabolisme des femmes est, en effet, plus orienté vers l’oxydation des lipides. À intensité modérée, elles utilisent une plus grande proportion de graisses que les hommes, qui eux mobilisent plus vite les glucides.
Cette capacité métabolique permet, en théorie, d’économiser les réserves de glycogène, de limiter la dégradation musculaire, et donc de mieux tenir sur des efforts très longs.
De là à dire que cela leur donne un avantage en ultra ? Pas si vite.
Ce que dit vraiment la science
L’étude de Grégoire Millet montre que dans des conditions de course extrêmes comme l’ultra-trail de montagne, cet avantage est marginal, voire insignifiant.
Pourquoi ? Parce que d’autres facteurs, bien plus lourds physiologiquement, viennent entrer en jeu :
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La puissance musculaire nécessaire pour monter
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La gestion de l’hypoxie en altitude
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La thermorégulation face au froid et aux variations de température
Et sur ces plans-là, les femmes sont désavantagées. Résultat : sur des épreuves comme la CCC ou l’UTMB, l’écart de performance hommes/femmes grimpe à 18 %, voire plus, bien au-delà de ce qu’on observe sur marathon ou en course sur route.
Le vrai rôle des graisses en ultra
Le recours aux lipides est fondamental pour tous les coureurs d’ultra. Hommes comme femmes, à partir de 6 à 8 heures d’effort, le métabolisme bascule inévitablement vers l’oxydation des graisses.
Mais cela ne signifie pas que les femmes “tiennent mieux” parce qu’elles ont plus de stock. D’autant que l’oxydation lipidique est un processus lent, peu explosif, et inefficace en montée ou sur terrain technique.
En montagne, ce n’est pas la capacité à brûler des graisses qui détermine la performance, mais la capacité à produire de la force, à respirer efficacement, à résister au froid, et à encaisser la répétition des chocs.
Une exception mal comprise : Courtney Dauwalter
L’exemple de Courtney Dauwalter est souvent utilisé pour justifier cette idée. Elle a gagné face à des hommes sur des courses extrêmes, elle ne prend presque pas de gels, et elle court parfois à jeun.
Mais attention : elle est l’exception absolue, pas la confirmation d’une règle physiologique. Ce qu’elle accomplit repose autant sur des facteurs psychologiques, musculaires, génétiques… que sur sa capacité à utiliser les lipides.
Oui, les femmes utilisent mieux les graisses.
Non, cela ne leur donne pas un avantage déterminant en ultra-trail.
La montagne impose des contraintes que le métabolisme lipidique ne compense pas. Et les données chronométriques le confirment course après course.
Plutôt que de se cacher derrière une idée reçue, il est temps d’admettre que les performances féminines méritent mieux que des explications simplistes. Et qu’elles doivent être accompagnées d’une préparation spécifique, à la hauteur des exigences du terrain.
Résumé
Depuis plusieurs années, une idée revient régulièrement dans le monde du trail et de l’ultra-endurance : les femmes seraient avantagées sur les longues distances parce qu’elles utilisent mieux leurs graisses.
Si cet argument repose sur une base métabolique réelle — les femmes oxydent davantage les lipides à effort modéré — il ne tient pas face à la complexité physiologique des courses de montagne.
Une étude scientifique menée par Grégoire Millet en 2025 démontre que les femmes restent globalement moins performantes que les hommes sur les ultra-trails en montagne, malgré cette faculté métabolique. Pourquoi ? Parce que d’autres paramètres — comme la puissance musculaire en montée, la ventilation en altitude, ou la gestion du froid — pèsent beaucoup plus lourd que l’oxydation lipidique dans la performance.
Résultat : l’écart chronométrique hommes/femmes atteint jusqu’à 18 % sur des courses comme l’UTMB ou la CCC, soit bien au-delà de ce qu’on observe sur route.
Autrement dit : le stock de graisse n’explique ni la résistance, ni la réussite des meilleures traileuses. Il est temps de déconstruire ce mythe… pour mieux comprendre les vrais déterminants de la performance féminine en ultra.
🧬 FAQ – Ce que dit vraiment la physiologie sur femmes, lipides et ultra-endurance
🧠 Les femmes utilisent-elles réellement plus les graisses que les hommes en endurance ?
Oui. Lors d’un effort d’intensité modérée (~45 à 65 % VO₂max), les femmes oxydent une proportion plus importante de lipides que les hommes à intensité équivalente. Cela s’explique par :
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une moindre activité de la glycogène phosphorylase,
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une plus grande activité de la lipoprotéine lipase,
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une influence hormonale (notamment œstrogénique) qui favorise la mobilisation lipidique.
⚡ Cela donne-t-il un avantage en ultra-endurance ?
Pas nécessairement. Le métabolisme lipidique est énergétiquement efficace à basse intensité, mais moins performant pour des efforts plus intenses ou variables, comme en trail.
En montagne, la demande énergétique est souvent discontinue, avec des pics d’intensité (montées raides, relances, descentes techniques) où l’organisme a besoin d’un accès rapide au glycogène. Or, à ces intensités, la filière lipidique devient trop lente, même chez les femmes.
💪 Les réserves de graisses sont-elles plus élevées chez les femmes ?
Oui. Les femmes ont en moyenne 6 à 12 % de masse grasse en plus que les hommes. Mais ces réserves ne sont pas intégralement disponibles pour l’effort : la distribution (souvent sous-cutanée) et l’accès métabolique à ces lipides limitent leur utilisation. De plus, le stock ne fait pas la performance : c’est l’efficacité métabolique et musculaire qui compte.
🫁 Le système respiratoire des femmes limite-t-il l’oxydation des graisses en hypoxie ?
Indirectement, oui. En altitude, la baisse de la pression partielle d’oxygène (PaO₂) limite l’oxydation complète des substrats énergétiques. Or, la filière lipidique est plus exigeante en oxygène que la glycolyse.
Chez les femmes, dont la capacité ventilatoire et la surface alvéolaire sont inférieures à celles des hommes, l’oxygénation est plus limitée à VO₂max égal. Cela peut freiner l’oxydation lipidique prolongée, en particulier lors d’efforts prolongés à haute altitude.
🌡️ Le métabolisme lipidique est-il influencé par la température ?
Oui. Le froid augmente la thermogenèse, ce qui peut favoriser l’utilisation des lipides, notamment via l’activation du tissu adipeux brun (BAT). Cependant, les femmes, ayant une masse musculaire inférieure, compensent par une thermogenèse accrue mais plus coûteuse, souvent via le frisson. Cette dépense peut épuiser les substrats, sans forcément améliorer la performance.
🚺 Le cycle menstruel influence-t-il la mobilisation des graisses ?
Oui. L’augmentation des œstrogènes durant la phase lutéale favorise la mobilisation lipidique et limite l’oxydation des glucides. Mais cet effet est modeste et peut être contrebalancé par l’augmentation de la température corporelle, qui nuit à l’endurance dans des conditions chaudes.
De plus, les variations hormonales rendent l’optimisation métabolique plus instable sur des courses de plusieurs jours.
⛰️ En ultra-trail, les femmes ont-elles un rendement énergétique supérieur ?
Non. Bien que certaines études montrent une meilleure économie de course chez les femmes à allure stable, ce rendement chute fortement dans des conditions extrêmes (altitude, dénivelé, froid).
Le coût énergétique des montées et des descentes, combiné à la moins bonne transmission de force musculaire (en lien avec la masse maigre inférieure), annule ces bénéfices potentiels.
🧪 Y a-t-il un seuil de durée où les femmes deviennent plus performantes que les hommes ?
Pas selon les données disponibles. Même sur des formats de 24h ou 6 jours, les records masculins restent supérieurs. Les rares exceptions relèvent de cas individuels, et non de tendances biologiques générales. Le storytelling médiatique sur la « supériorité féminine » est donc plus culturel que scientifique.
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