Trail : pourquoi la nouvelle génération reste (encore) dans l’ombre
Tibère Debizet vient de remporter la Montée du Nid d’Aigle. Une course mythique, une victoire solide. Et pourtant, à peine un frémissement sur les réseaux. Le trail est en plein boom, les courses explosent, les marques s’arrachent les dossards… mais les jeunes talents, eux, peinent toujours à se faire un nom. Où sont les nouveaux D’Haene, Jornet, Thévenard ? Et surtout : pourquoi ne les connaît-on pas ?
Chaussures Trail Hoka Challenger 7
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Les légendes qui ont façonné le trail médiatique
Il y a vingt ans, le trail ne faisait pas la une. C’était une niche, un sport de « fous » pour les amateurs de solitude et de D+. Puis sont arrivés des visages. Des athlètes exceptionnels, mais aussi des figures médiatiques : François D’Haene et ses exploits millimétrés, Xavier Thévenard et son humilité inoxydable, Kilian Jornet, devenu une légende vivante à 25 ans.
Ces coureurs ont bâti l’image du trail moderne. Par leur régularité, leur storytelling naturel, leur fidélité à certaines courses iconiques. Ils ont incarné le sport, bien au-delà de leurs résultats. D’Haene dans les vignes, Jornet dans les sommets, Thévenard à Chamonix : chaque nom évoquait une histoire. Et cette histoire a permis au trail de changer de dimension.
Des jeunes performants mais anonymes
Aujourd’hui, la relève est bien là. Les jeunes courent vite, très vite même. Ils s’appellent Tibère Debizet, Elise Poncet, Julien Rancon (encore là), ou Jules Mongellaz. Ils gagnent des courses, parfois devant des noms établis. Mais leur notoriété reste confidentielle, même dans le microcosme trail.
Il suffit de faire un test : interrogez une communauté de coureurs sur les 5 meilleurs jeunes Français. Peu de noms sortiront. Et pourtant, ils performent. Ce paradoxe est révélateur d’un changement de cycle. Dans un sport qui grossit, la visibilité ne suit pas nécessairement la performance.
Un autre facteur structurel freine également l’émergence de nouveaux visages : la fragmentation du calendrier et l’inflation des formats.
Là où la génération Jornet–D’Haene–Thévenard se concentrait sur un nombre limité d’épreuves vitrine (UTMB, Diagonale, Hardrock), les jeunes doivent choisir entre des circuits privés concurrents (Golden Trail Series, World Trail Majors, Skyrunner World Series) et une multitude de courses locales dopées par les collectivités. Résultat : les performances se dispersent, les scénarios restent sans revanche ni rivalité claire, et les récits qui nourrissent la mémoire collective manquent de continuité. Dans cet écosystème atomisé, il devient difficile pour un Tibère Debizet ou une Tereza Smelikova d’inscrire leur nom dans une saga lisible pour le grand public : l’audience suit l’événement plus que l’athlète, et la courbe de notoriété qui faisait naître des légendes se morcelle en une myriade de micro‑buzz voués à s’éteindre avant d’avoir vraiment brillé.
Il faut aussi compter avec le « phénomène Jornet ».
Dès l’âge de 20 ans, Kilian a transcendé le simple cadre du résultat sportif : livre best‑seller, films époustouflants, records iconiques, présence méthodique sur les réseaux… Il a imposé un storytelling si puissant que, pour beaucoup, le trail = Jornet. Ce monopole narratif aspire encore l’attention médiatique : chaque apparition, chaque blessure, chaque projet d’alpinisme devient une brève virale, même lorsqu’il ne s’aligne pas sur les grandes courses. Face à ce halo, un jeune coureur peut gagner trois épreuves d’affilée sans franchir le plafond de verre de la notoriété, car l’espace éditorial est déjà occupé. Les marques elles‑mêmes entretiennent ce déséquilibre : investir dans « le » visage mondialement reconnu garantit un retour immédiat, tandis que parier sur un néophyte exige patience et prise de risque. En somme, Jornet a élevé le trail au rang de spectacle global, mais son ombre géante empêche — pour l’instant — la lumière de se répartir équitablement sur la nouvelle génération.
Un sport qui se médiatise… mais pas ses talents
Le trail attire. Les sponsors arrivent, les caméras aussi. L’UTMB est devenu un show mondial. Et paradoxalement, c’est là que le bât blesse : plus le trail devient « spectacle », plus il met en lumière les mêmes figures, les mêmes récits.
Les jeunes, eux, sont souvent absents du storytelling. Manque de médiatisation, de réseaux solides, de relais presse ? Peut-être. Manque d’image construite, d’attachement à un territoire, ou simplement de constance sur les gros événements ? C’est aussi une possibilité.
le cas Casquette Verte — alias Alexandre Boucheix — montre pourtant qu’une voie existe : celle de l’athlète‑créateur de contenu qui documente ses entraînements, ses coups de mou comme ses exploits, et fédère une communauté bien au‑delà des classements officiels. Sans palmarès comparable à un D’Haene ou à un Jornet, il s’est imposé comme figure populaire grâce à sa caméra embarquée, son autodérision et un storytelling accessible. Sa réussite suggère que la prochaine star du trail émergera peut‑être moins d’une victoire à Chamonix que d’une connexion authentique avec le public — preuve que, dans un paysage saturé par les légendes installées, le micro et la GoPro valent parfois autant que les podiums pour franchir le mur de l’anonymat.
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