UltraMarin : les organisateurs sont-ils irresponsables ?
Offrir un dossard de 175 km via une tombola à un coureur qui n’avait jamais dépassé les 8 km, c’est le choix surprenant fait par l’organisation de l’UltraMarin. Un choix d’autant plus discutable que, chaque week-end, la communauté du trail pleure des décès tragiques : des coureurs s’effondrent en course, parfois sans explication apparente. Alors certes, l’UltraMarin ne présente pas de fort dénivelé… mais en plein été, la canicule rend l’effort redoutable.
Un ultra ne s’improvise pas. C’est un effort d’endurance extrême qui se prépare sur plusieurs années, pas quelques mois. Sans une base solide, les risques sont immédiats (blessures, malaises, accidents) mais aussi différés : atteintes articulaires, stress cardiaque, séquelles musculaires. Chez uTrail, nous considérons que ce type de pratique est irresponsable — même si la communauté reste divisée.
Une chose est sûre : un 175 km n’a rien d’une balade dominicale. Et lorsqu’une organisation contribue à brouiller ce message fondamental, c’est toute la sécurité du sport qui est mise en péril.
UltraMarin
Soyons clairs : il ne s’agit pas ici de critiquer Lucas Picaut dont on va parler dans l’article, ni de dénigrer sa performance. Il a eu le courage d’aller au bout, a respecté les barrières horaires, et mérite d’être salué pour sa détermination. Ce que nous interrogeons, c’est l’image que renvoie ce type de récit, surtout dans une époque où beaucoup lisent en diagonale. Le titre « il passe de 8 km à 175 km » peut laisser croire qu’il est parti de zéro, qu’il n’avait aucun bagage sportif — ce qui est sans doute inexact. Il était visiblement marcheur, peut-être même entraîné, mais sans plus de détails, chacun interprète comme il veut… et c’est là le vrai problème. En glorifiant une progression aussi brutale, on entretient un mythe dangereux : celui que l’ultra est accessible à n’importe qui, n’importe quand. Or le trail, c’est justement tout l’inverse.
Lucas Picaut a réalisé l’impensable : terminer les 175 kilomètres du Grand Raid de l’Ultra Marin alors qu’il n’avait jamais couru plus de 8 km auparavant. Certes, ce jeune Vannetais a fait preuve de courage, mais cela soulève une problématique : est-il raisonnable pour les organisateurs d’offrir des dossards pour un ultra trail via une tombola, attirant ainsi potentiellement des débutants totalement inexpérimentés ?
Les arguments POUR la tombola des organisateurs de l’UltraMarin
Certains y voient une belle histoire humaine. Lucas Picaut s’est dépassé, a respecté les barrières horaires, et a fini par franchir la ligne d’arrivée avec succès. Cela met en lumière l’accessibilité du trail, rappelant qu’avec un mental solide, on peut accomplir de grandes choses. Le soutien dont il a bénéficié de sa famille et de ses amis prouve également que l’aspect communautaire et solidaire reste très fort dans le trail.
Les arguments CONTRE
Laisser un coureur passer de 8 km à 175 km en moins d’un an sans encadrement ni validation préalable, c’est jouer avec le feu. Ce type de pratique expose à des blessures graves, voire irréversibles : tendons, articulations, cœur, système digestif… rien n’est prêt à encaisser un tel choc sans préparation progressive.
Mais le problème dépasse le seul cas individuel. En valorisant ce genre d’exploit, on envoie un signal toxique à tous les débutants : celui que l’ultra serait accessible à la seule force mentale. Or, c’est faux — et dangereux. Chaque coureur mal préparé augmente le risque d’incident, mobilise les secours, surcharge les bénévoles, et met en péril le bon déroulement de la course.
L’organisation, en offrant des dossards via tombola sans vérifier le niveau des gagnants, ouvre la porte à une dérive généralisée. Ce n’est plus seulement une question de liberté personnelle, mais de responsabilité collective.
Résumé
Lucas Picaut, 23 ans, a bouclé les 175 km de l’Ultra Marin alors qu’il n’avait jamais couru plus de 8 km auparavant. Il avait gagné son dossard via une tombola. Si son exploit personnel est salué par certains, il interroge profondément sur la responsabilité des organisateurs. Faut-il continuer à distribuer des dossards de courses extrêmes à des coureurs sans filtre ni vérification ? La banalisation de l’ultra peut mettre en danger des profils non préparés. À l’heure où plusieurs décès récents en trail alertent la communauté, cette histoire mérite mieux qu’un simple « bravo ».
un comportement dangereux et potentiellement mortel
La montée en puissance des tombolas offrant des dossards pour des épreuves d’ultra sans exigence préalable incite des coureurs inexpérimentés à se lancer dans des aventures extrêmes, avec des conséquences potentiellement dramatiques :
En France, dans les sports de montagne, près de 37 % des décès sportifs surviennent en montagne, selon Santé Publique France (401 décès en 2017, 409 en 2018).
Sur des courses réputées comme l’Ultra‑Trail du Haut‑Giffre (90 km), un coureur est mort en juin 2024 à la suite d’un arrêt cardiorespiratoire, et plusieurs autres ont été gravement blessés.
À l’autre bout du monde, l’ultramarathon de Gansu (100 km, Chine) a causé la mort de 21 coureurs en mai 2021, gelés et non secourus à temps.
Même l’UTMB, référence mondiale, a vu plusieurs décès : un coureur tchèque en 2021, un Brésilien en 2022, puis un Suisse en 2023, tous sur des sections techniques et périlleuses (TDS/PTL) .
Pourquoi c’est problématique

❓ FAQ – Faut-il vraiment se préparer sérieusement pour courir un ultra comme l’UltraMarin ?
Peut-on courir un ultra sans entraînement spécifique si on est jeune et motivé ?
Non. Même chez les jeunes, l’ultra-distance impose des adaptations physiologiques progressives. La motivation ne remplace ni la musculation fonctionnelle, ni le renforcement tendineux, ni l’apprentissage de la gestion d’effort, ni la tolérance digestive à l’effort prolongé.
Les barrières horaires larges ne suffisent-elles pas à protéger les coureurs ?
Non. Elles permettent de finir en marchant, mais elles n’empêchent ni les blessures, ni les malaises, ni les hypothermies. Finir « juste » n’est pas un indicateur de sécurité ou de santé. Un coureur peut être finisher et repartir en ambulance.
Y a-t-il des risques graves à s’engager sur un ultra sans y être prêt ?
Oui. Déshydratation, hyponatrémie, défaillance musculaire, collapsus cardiaque. En 2024, un coureur est décédé au Trail du Haut-Giffre. En 2021, 21 coureurs sont morts en Chine sur une course de 100 km. L’ultra est un sport d’endurance extrême qui peut tuer, même avec des secours disponibles.
Mais si le coureur respecte la barrière horaire, quel est le problème ?
Ce n’est pas une course contre la montre, c’est une course avec soi-même. Le problème est quand la gestion de course devient une survie sur 20, 30 ou 40 heures, avec des douleurs continues, des risques de chute ou de malaise, et une assistance mobilisée inutilement. Cela surcharge aussi les bénévoles et les secours.
Un randonneur expérimenté peut-il se lancer dans un ultra sans être un coureur ?
Pas forcément. Randonner et courir sur 175 km ne sollicitent pas les mêmes mécanismes : port du dossard, rythme imposé, gestion du sommeil, stress thermique, abrasion des pieds, gestion alimentaire… tout est différent. Le corps peut lâcher très vite même chez un bon marcheur s’il n’a pas été préparé en condition réelle.
Ce type d’histoire n’inspire-t-il pas d’autres débutants à mal se préparer ?
C’est le vrai danger. En médiatisant ces « exploits », on crée un faux imaginaire de l’ultra accessible à tous. Cela favorise une culture du défi irréfléchi plutôt qu’un apprentissage progressif. Le risque n’est pas juste individuel, il est collectif.
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- Cet article n’a pas pour but de dénigrer Lucas Picaut ni les organisateurs de l’UltraMarin. Il s’inscrit dans le cadre d’un débat d’intérêt général sur la sécurité en trail longue distance et la médiatisation de pratiques potentiellement à risque. En tant que média spécialisé, uTrail interroge ici les choix structurels qui peuvent influencer les comportements d’une communauté sportive en pleine expansion. Le but n’est ni de juger, ni d’accuser, mais d’ouvrir une réflexion collective sur la responsabilité partagée entre coureurs, encadrants et organisateurs.
- Cet article s’appuie notamment sur un reportage publié dans Le Télégramme le 1er juillet 2025 : https://www.letelegramme.fr/morbihan/vannes-56000/ce-vannetais-qui-navait-jamais-couru-plus-de-8-km-a-reussi-lexploit-de-boucler-le-grand-raid-de-lultra-marin-6847275.php
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uTrail se tient à la disposition de Lucas Picaut, des organisateurs de l’UltraMarin ou de toute autre personne mentionnée dans cet article souhaitant faire valoir un droit de réponse.
Nous publierons toute réaction transmise dans des conditions respectueuses, dès lors qu’elle répond au fond du sujet et permet d’enrichir le débat. Le but de cet article étant d’ouvrir une réflexion sur les pratiques d’inscription à l’ultra-trail, nous sommes pleinement favorables à la confrontation des points de vue, dans l’intérêt de la communauté trail.