Depuis quelques mois, chaque décès en course à pied ou en triathlon devient le terreau de spéculations : « encore un jeune mort après un effort », « il était vacciné ? », « on ne voyait pas ça avant ». Le doute s’installe, les rumeurs explosent. Pourtant, aucune donnée sérieuse n’indique une hausse des décès liée à la vaccination. Ce qui a en revanche bel et bien changé, c’est la pratique du sport elle-même : plus longue, plus dure, plus risquée. Et c’est peut-être là qu’il faut regarder.
morts en course à pied trail triathlon 2025
morts en course à pied trail triathlon 2025 à cause de la multiplication des épreuves extrêmes
Le sport d’endurance est aujourd’hui entré dans une autre ère. Ce n’est plus seulement un marathon ou un Ironman. Ce sont des courses de plusieurs centaines de kilomètres, parfois sans assistance, en montagne, dans des conditions extrêmes.
Le Swiss Peaks 700k en Suisse, le Tor des Géants (450 km dans le Val d’Aoste), la Transpyrenea (860 km à travers les Pyrénées), ou encore l’ultra-trail Ultra Terrestre de la Réunion repoussent les limites du corps humain. Et dans certains cas, ces limites sont franchies. Des accidents, voire des morts, surviennent. Mais doit-on parler de fatalité… ou de logique ?
Ce week-end, un homme est mort lors du triathlon T24 sur l’île de Ré, victime d’un arrêt cardio-respiratoire pendant l’épreuve de natation. D’autres noms, comme Cristina Santurino, ultratraileuse espagnole sponsorisée, ou João Gabriel Hofstatter, jeune coureur brésilien, viennent s’ajouter à une liste tragique. Ces décès sont rares, mais ils posent une question : que faisons-nous du sport ?
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L’entraînement moderne et ses dérives
Le problème n’est pas que ces personnes couraient. C’est qu’elles couraient trop, trop souvent, trop longtemps, avec trop peu de récupération.
Les plans d’entraînement actuels sont devenus ultra-intensifs. On parle de doubles séances par jour (biquotidien), de blocs de 30 km à jeun, de 10 000 m D+ par semaine, de week-end chocs etc. On ne parle presque jamais de pause, ni de sommeil. Et quand un athlète pro ou amateur ose lever le pied, il est suspect. Faible. Fragile. Pas dans le « game ».
C’est une réalité dans le trail, mais aussi dans le triathlon ou le marathon sur route. Certains coureurs comme Duncan Perrillat, actuellement engagé dans un Tour de France à pied malgré des blessures graves, poursuivent leur effort au mépris de toute logique médicale. Parce que s’arrêter, c’est échouer.
Sociologie d’un sport devenu identité
Pourquoi en est-on arrivés là ? Parce que le sport est devenu plus qu’un loisir : c’est une identité.
Dans une société où tout est digital, flou, rapide, le corps devient un repère. Courir loin, courir fort, c’est exister. C’est faire récit. Chaque dossard est une narration, chaque dénivelé une preuve. Cela donne du sens. Et c’est précisément ce besoin de sens qui pousse certains à aller trop loin.
C’est aussi une façon de se démarquer : si tout le monde court un 10 km, tu dois courir un 100 km pour « exister » numériquement. Dans un monde d’Instagram, de Strava, de YouTube, le sport devient spectacle, et le spectacle impose son lot d’excès.
morts en course à pied trail triathlon 2025 : qui en porte la responsabilité ?
- Les coureurs eux-mêmes ? Oui, partiellement.
- Mais aussi les organisateurs, qui ajoutent du D+, allongent les distances, créent des formats « hors normes » pour attirer les inscriptions.
- Les médias spécialisés, qui glorifient les exploits sans jamais interroger les dérives.
- Les influenceurs, qui postent leurs séances à 4h du matin et leurs visages ravagés par l’effort, sans jamais dire qu’ils ne dorment plus ou qu’ils sont à bout.
- Et puis les algorithmes, qui récompensent le contenu extrême, les exploits fous, les titres sensationnalistes. Jamais la sagesse.
Certains préfèrent pointer du doigt des causes extérieures, comme les vaccins, parce qu’il est plus douloureux de reconnaître une vérité dérangeante.
oui, il y a peut-être un problème dans la manière dont on pratique aujourd’hui le sport d’endurance. Courir toujours plus loin, plus vite, avec toujours plus de D+ — souvent sans préparation sérieuse, parfois en pleine canicule, pour faire joli sur Strava — ce n’est pas anodin. Refuser de voir cette réalité, inventer d’autres explications rassurantes, c’est justement ça, le complotisme : chercher ailleurs une cause qu’on refuse d’assumer collectivement.
Ce ne sont pas les vaccins qui tuent les jeunes coureurs. Ce sont les formats extrêmes, le culte de la performance, et une culture du sport qui valorise le dépassement jusqu’à l’épuisement.
Ces morts sont rares, mais logiques. Elles ne sont ni mystiques, ni complotistes : elles sont les conséquences d’un sport devenu radical, au cœur d’une société qui l’est tout autant.Il est peut-être temps de lever le pied. Ou au moins, d’ouvrir les yeux.
Nos pensées accompagnent les proches des sportifs récemment disparus. Cet article ne vise pas à minimiser leur mémoire, mais à réfléchir collectivement à ce que nous faisons de notre passion.
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Cet article repose sur des faits vérifiés, des données médicales connues et des études reconnues à ce jour. Il ne prétend pas établir de vérité absolue mais vise à informer avec rigueur, dans un contexte marqué par la circulation de nombreuses rumeurs. Toute interprétation erronée ou utilisation détournée de ce contenu engage uniquement son auteur ou son diffuseur.
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