Le trail est-il en train de trahir ses origines ? Le trail est victime de sa démocratisation.
Né de l’envie de s’évader loin du bitume, le trail a longtemps été un sport discret, presque confidentiel. Il attirait les amoureux du silence, de la boue, des réveils à l’aube et des arrivées sans fanfare. Mais les temps changent. Avec plus d’un million de pratiquants en France selon la FFA (Fédération française d’athlétisme), les chiffres explosent, les formats se multiplient, et les dossards s’envolent… en quelques minutes.
Le trail, sport de liberté et d’authenticité, est-il en train de se perdre dans sa popularité ? Est-il devenu une sorte de phénomène culturel, où l’on s’arrache des places comme pour un festival ou un match de Ligue des Champions ? Le succès a un prix. Et il est peut-être plus symbolique qu’économique.
Le trail n’est plus une tribu : c’est une foule
La tendance est claire. À l’instar du Marathon de Paris dans les années 2000, certaines courses de trail voient aujourd’hui leurs inscriptions saturées en moins d’une journée. Exemple récent : le Trail de l’Aber Wrac’h (30 km complet en 5 heures) ou encore l’Ultramarin (50 000 tentatives d’inscription pour quelques milliers de places).
Et ce n’est pas une exception. Même des événements plus modestes doivent maintenant limiter les inscriptions ou organiser des tirages au sort.
Le trail attire désormais les profils les plus divers, des trentenaires post-Covid en quête de nature aux sportifs lassés de l’ambiance urbaine du running, en passant par des influenceurs qui y voient un nouveau terrain de visibilité. Résultat : l’ambiance “famille”, autrefois propre au trail, s’efface peu à peu.
D’un sport de rupture… à un produit de consommation
La massification a ses avantages : meilleure visibilité, sponsors plus nombreux, accès élargi pour les femmes, développement local du tourisme sportif. Mais elle a aussi un revers. Le trail devient une “expérience à vivre”, un objet de désir social.
Certains y voient une forme de contradiction. Le trail s’est construit comme une rupture avec la performance à tout prix, avec le chrono, avec la ville. Aujourd’hui, on y retrouve :
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des sas de départ dignes du marathon de New York,
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des influenceurs sous contrat avec de grandes marques,
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des ravitaillements fournis par des groupes agroalimentaires,
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et parfois même… des critiques virulentes en ligne lorsqu’un dossard n’est pas obtenu.
L’esprit pionnier du trail — autonomie, humilité, silence — se dilue dans un esprit plus compétitif, plus commercial, parfois plus bruyant.
Les pionniers déroutés, les nouveaux arrivants surexcités
Il suffit de tendre l’oreille autour des lignes d’arrivée. Les anciens regrettent un “avant” où l’on se saluait au départ, où le dossard ne coûtait pas 80 €, où le balisage était sommaire et le chrono optionnel. Les nouveaux venus, eux, veulent “faire l’UTMB”, “vivre une aventure”, “cocher un exploit” — souvent avec montre GPS dernier cri, stories Instagram et tee-shirt finisher à la clé.
La coexistence entre ces deux visions n’est pas impossible. Mais elle crée des frictions. Et des questions de fond se posent : le trail est-il encore un sport de solitude ? Peut-on encore courir en paix, sans esprit de compétition, dans un peloton de 3 000 personnes ?
L’industrialisation du trail : à quel prix ?
Les organisateurs ne sont pas à blâmer. Ils doivent composer avec la demande, les contraintes logistiques, les assurances, les normes environnementales, et parfois… une pression économique. Mais ils sont aussi les gardiens de cet esprit originel.
Certains font le choix de résister : jauges limitées, ravitaillements minimalistes, formats sans balisage, comme le Grand Raid du Finistère ou la Chartreuse Terminorum. D’autres s’engagent dans une logique de spectacle, avec shows, drones, retransmissions live, et partenariats commerciaux.
La question n’est pas de juger, mais de réfléchir. Le trail peut-il rester un sport “vrai” en devenant une industrie ? Ou doit-on faire émerger une nouvelle catégorie de courses, plus intimes, plus “off”, pour préserver cette forme de liberté que beaucoup sont venus chercher ?
un besoin d’équilibre
Le trail ne mourra pas de sa popularité. Mais il pourrait s’y perdre. Si la massification continue sans garde-fous, c’est son essence même — la communion avec la nature, l’oubli de soi, le silence — qui pourrait disparaître.
Peut-être faut-il accepter qu’il y ait désormais deux mondes du trail : l’un médiatique, populaire, commercialisé ; l’autre discret, engagé, marginal.Le vrai défi n’est pas de faire entrer tout le monde sur la ligne de départ. Le vrai défi, c’est que chacun y trouve encore du sens.
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