Le 29 janvier dernier, un partenariat inédit a été signé en Haute-Vienne entre la gendarmerie et la fédération départementale des chasseurs. Si l’objectif annoncé est la lutte contre les atteintes à l’environnement, les incivilités et le braconnage, cette alliance soulève des questions quant à ses implications réelles, notamment concernant la délation, et comment les chasseurs se posent en victimes dans ce contexte.
La fédération des chasseurs de la Haute-Vienne et la gendarmerie ont officialisé leur collaboration par la signature d’une convention, marquant un tournant dans la façon dont les chasseurs interagissent avec les forces de l’ordre. L’argument avancé est simple : en milieu rural, les chasseurs seraient des “sentinelles de la nature”, et leur expertise du territoire serait cruciale pour repérer les infractions environnementales, les dépôts sauvages, ou encore pour venir en aide lors de disparitions. En tant qu’acteurs de la surveillance des espaces naturels, les chasseurs sont désormais invités à rapporter toute infraction ou comportement suspect aux gendarmes, qui prendront en charge les enquêtes.
La délation encouragée
Pour la colonelle Dorothée Cloitre, cette collaboration permet de créer un réseau d’information solide et de renforcer la lutte contre le braconnage et la dégradation de l’environnement. “Les chasseurs sont des interlocuteurs indispensables”, a-t-elle affirmé. Une position qui semble renforcer le rôle de délateur des chasseurs, les encourageant à signaler les comportements qui leur semblent inhabituels. Toutefois, derrière cette apparente bonne volonté se cache un paradoxe : les chasseurs, au lieu d’être un simple relais d’information, risquent d’être vus comme des agents de contrôle dans un environnement déjà marqué par des tensions avec les non-chasseurs.
Le président de la fédération départementale, Christian Lafarge, a souligné que les chasseurs connaissent parfaitement les territoires où se produisent de nombreuses infractions, et ont donc un rôle clé à jouer dans ce partenariat. Cependant, cet argument, s’il semble logique en apparence, soulève la question de la frontière entre l’observation légitime et l’intrusion dans la vie privée des citoyens. L’appel à la vigilance des chasseurs dans les forêts et sur les terrains agricoles pourrait ouvrir la voie à des dérives, notamment en matière de délation.
Les chasseurs se posent en victime
Le contexte de ce partenariat se trouve également renforcé par le climat de tensions réciproques entre chasseurs et non-chasseurs. La fédération des chasseurs insiste sur les agressions verbales et physiques qu’ils subissent, notamment lors de pratiques de chasse. Christian Lafarge évoque ainsi une “peur au ventre” qui viendrait ternir l’image d’un loisir censé être agréable et convivial. Cependant, cette mise en avant du rôle de victime semble omettre les responsabilités partagées dans ce climat d’hostilité.
L’accord prévoit aussi une série de contrôles et de formations conjointes entre les gendarmes et les chasseurs pour une meilleure régulation des pratiques. Selon les autorités, la multiplication des contrôles vise à garantir une “chasse plus respectueuse” et à éviter les dérives. Pourtant, la question de l’équilibre des pouvoirs entre les forces de l’ordre et les chasseurs se pose inévitablement : le partenariat ne va-t-il pas renforcer la position dominante des chasseurs tout en accentuant les tensions avec ceux qui prônent une meilleure cohabitation entre les différentes activités de plein air?
Ce partenariat entre la gendarmerie et la fédération des chasseurs, bien qu’il puisse sembler utile pour lutter contre les infractions environnementales, pourrait avoir des répercussions sur les autres utilisateurs des espaces naturels, notamment les traileurs. En encourageant la délation, on risque de créer une surveillance généralisée qui pourrait affecter la liberté des pratiquants de trail, qui eux aussi évoluent dans des milieux souvent partagés avec les chasseurs. Ce climat de méfiance, déjà bien présent, pourrait alors se renforcer, avec des conséquences sur la cohabitation entre ces différentes activités. Si les chasseurs se positionnent en victimes de violences, il ne faudrait pas que ce rôle de délateur n’entraîne une nouvelle source de tensions, cette fois entre traileurs et chasseurs.
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