UTMB greenwashing
L’UTMB Group a annoncé hier, jeudi 11 décembre un nouveau plan en 3 points pour « renforcer sa politique éco-responsable ». Reprise partout dans la presse, cette annonce survient au moment de l’ouverture des inscriptions de l’UTMB 2025 et on peut raisonnablement douter du « greenwashing » de ces mesures.
UTMB greenwashing
On ne présente plus l’UTMB Mont-Blanc, évènement phare du trail, attirant près de 60 000 personnes pendant une semaine dans les vallées de Chamonix et Courmayeur et compétition finale du circuit UTMB World Series composé de 50 courses partout dans le monde. L’UTMB c’est également l’UTMB Group, générant un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros et des impacts écologiques évidents. Depuis des années, l’UTMB Group met en place progressivement des mesures pour réduire l’impact et l’empreinte écologique de l’opération. Du non recours à l’hélicoptère pour le suivi de la course en 2003 au bannissement de la vaisselle jetable en 2018 et à la création d’un partenariat avec WWF France en 2019, les mesures ne datent pas d’hier.
Mais au vu de la croissance exponentielle des évènements, on peut se poser la question de la volonté de fond de limiter l’impact environnemental. Alors ces nouvelles mesures qui arrivent à point nommé : engagement réel ou greenwashing ?
Les annonces de l’UTMB, des intentions louables mais limitées : UTMB greenwashing ?
Ces nouvelles annonces se décomposent en 3 parties : la réduction des émissions de CO2 liées à l’évènement, la compensation des émissions de CO2 « inévitables » et la mise en place d’une contribution carbone payée par les coureurs.
Pour la réduction des émissions de CO2 liées à l’évènement, l’annonce repose sur le plan « UTMB Mobility », permettant de limiter l’usage de la voiture avec un système de navettes avant, pendant et après l’événement. Cela avait permis d’éviter 6 000 voitures en 2024 et on nous promet de continuer en 2025 ainsi qu’un « un plan à plus long terme » sans entrer dans le détail. Bref, une annonce sans contenu pour le moment.
Pour la compensation des émissions de CO2 « inévitables », l’UTMB annonce mettre en place une contribution carbone en prenant en charge les émissions liées aux déplacements logistiques, des équipes, des bénévoles et des invités. Une contribution carbone, c’est financer des projets qui visent à capturer le CO2 atmosphérique (planter des arbres) ou à éviter de nouvelles émissions (développer les énergies renouvelables).
Troisième annonce, certainement celle qui fera le plus de bruit : faire payer aux coureurs la compensation carbone de leurs déplacements, de manière volontaire. Ajouté lors de l’inscription, ce montant suggéré sera calculé en fonction de la distance de votre trajet domicile-événement et du mode de transport et sera lui aussi versé aux projets de contribution carbone. L’UTMB Group annonce vouloir avoir « une vertu éducative, car en demandant aux gens de mettre la main au portefeuille, ils vont davantage se rendre compte de ce que représente leur voyage vers l’événement ». C’est mignon.
La compensation carbone : une mesure qui doit inviter à la vigilance.
Le gros de ces annonces repose donc sur le principe de la « Contribution Carbone ». Ce principe est introduit dans le droit français en 1976 dans la séquence « éviter, réduire, compenser ». Il s’agit donc, dans cet ordre, d’éviter de produire du CO2 ou des atteintes prévisibles à l’environnement, puis de réduire les postes les plus polluants et enfin de compenser les émissions résiduelles. Cette compensation se base sur 2 principes : la capture du CO2 dans des puits de carbone (aka des forêts) ou le développement de projets écologiques ailleurs (développer des énergies renouvelables par exemple).
Si ce principe de compensation peut être tout à fait valable et intéressant, il peut également être utilisé pour des manœuvres de greenwashing. En effet, il est tout simplement faux de penser que la compensation des émissions d’une entreprise s’effectue de manière immédiate et que cela lui permette d’être neutre en carbone. Par exemple, la plantation d’arbres n’est pas la solution miracle. Certes, ils séquestrent du carbone tout au long de leur vie, contribuant ainsi à réduire la concentration de carbone dans l’atmosphère, mais à leur mort tout ce CO2 est relâché à nouveau. Les feux de forêts de plus en plus fréquents détruisent par exemple chaque année de nombreux projets de compensation carbone.
Pour l’UTMB, on est dans un joli flou artistique. Se basant sur un partenariat avec l’entreprise EcoAct, on nous annonce sélectionner des projets selon des critères stricts, certains de ces projets auront un impact local dans la région du Mont-Blanc. Si le projet semble se couvrir de garanties de qualité en utilisant des certifications comme le Gold Standard, VCS (Verified Carbon Standard) ou LBC (Label Bas Carbone), il faudra clairement être vigilant sur les projets effectivement financés. Pour le moment, rien n’est en place.
Une problématique systémique : croissance économique et impact écologique
Mais si on reprend le plan « éviter, réduire, compenser », on peut clairement dire que l’UTMB n’est clairement pas au rendez-vous du premier chapitre : éviter. Démontré depuis des années, il existe un lien direct entre l’augmentation de la production économique et la consommation d’énergie fossile, qui reste la principale source d’émissions de gaz à effet de serre. Dans le cas de l’UTMB, cette dynamique est particulièrement évidente. L’événement repose sur un modèle de croissance continue : augmentation du nombre de participants, expansion internationale, etc. Ce modèle entraîne mécaniquement une augmentation des déplacements internationaux, de la logistique et donc des émissions de CO2. Tenter de réduire ces émissions tout en maintenant une trajectoire de croissance est contradictoire.
L’organisation semble privilégier des solutions techniques (comme la compensation carbone) plutôt que de s’interroger sur la nécessité d’une remise en question de son modèle de développement. En faisant payer les coureurs davantage, on veut les « éduquer », mais si l’UTMB interdisait aux coureurs habitant au-delà d’une certaine distance de s’inscrire à ses évènements, l’impact serait immédiat et n’aurait pas besoin d’être racheté. Si l’événement favorisait les courses en autonomie sans assistance, il y aurait une diminution directe du nombre de voitures et de navettes. Ce sont des choix.
La décroissance, un tabou dans le sport ?
Plus largement que l’UTMB, cette logique de décroissance est encore taboue dans le sport en général. Car les mêmes questions se posent évidemment pour les cars entiers de supporters de foot, les déplacements d’équipes en avions, les coupes du monde au Qatar, etc. Le défi de la transition écologique ne réside pas seulement dans les solutions techniques, mais aussi dans une redéfinition de nos priorités.
L’UTMB, avec sa visibilité mondiale et son lien direct avec la nature, pourrait devenir un pionnier dans ce domaine, qui pourrait inspirer d’autres acteurs du sport à suivre cette voie, mais cela se heurte évidemment à son expansion économique. Dans les années qui viennent, l’UTMB Group a une occasion unique de devenir un acteur du changement, à condition d’oser aller au-delà des solutions de surface et d’affronter les vrais dilemmes…
Alors quand l’UTMB Group communique sur des annonces à la fois vides et floues au lieu de regarder la réalité en face, on est en droit de penser qu’ils s’en lavent les mains.
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