Trail & Gr : des records mythiques tombés ou sur le point de tomber : comment l’expliquer ? Les traileurs d’aujourd’hui sont ils tous meilleurs que les anciens ?
Gr : des records qui tombent cet été
Parmi les trois gros défis du mois de juillet (je mets volontairement de côté la Grande Traversée de Salomon, la philosophie étant tout à fait différente), un a vu un record tomber, un deuxième va bientôt le voir, et pour le troisième, il faudra attendre encore quelques jours.
Je parle bien sûr du GR5 par le trio Curmer/Kern/Robin, où les trois coureurs ont mis plus de six heures à un précédent record détenu par Dhaene/Lanne/véricel. Sachant que ce record tenait depuis une petite décennie et que pas loin de quarante équipes s’y étaient attaquées en vain.
Le deuxième est celui de Xavier Thévenard, parti à l’assaut du GR20 pour passer sous la barre mythique des 30 heures et battre ainsi le record de François D’Haene. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le Métronome a pas loin d’une heure d’avance sur les temps de passage. Et quand on connaît ses stratégies de course, on a du mal à se dire qu’il va lâcher (sauf gros incident).
Le troisième est le GR10, qu’Erik Clavery va tenter de réussir en dix jours (avec une moyenne quotidienne de 90km et de 5500m de dénivelé positif).
Trail & Gr : comment expliquer que les records tombent d’une telle manière cet été ?
Les nouveaux traileurs sont ils meilleurs ?
Quand on joue au jeu des comparaisons, on a toujours tendance à imaginer que les sportifs actuels sont meilleurs que leurs prédécesseurs. C’est parfois possible, mais pour moi, ce n’est pas forcément le cas.
– J’admire énormément Xavier Thévenard pour ce qu’il fait, et il fait clairement partie du top 3 des ultra traileurs français (voire du top 2). Cependant, pour des raisons physiologiques (et donc des raisons assez injustes), il ne me semble pas meilleur que François D’Haene. Et pourtant, il va exploser son record.
– Idem, Grégoire Curmer a été époustouflant sur la Diagonale des fous (je continue de maintenir que le fait que le top 10 se soit perdu n’entache en rien sa victoire et que ce jour, il les aurait probablement rattrapés, vu son temps final). A côté de cela, son palmarès est encore assez « léger », et c’est normal, vu son âge. Alors, sur du très long, je pense qu’il est meilleur que d’Haene (à mon avis, sur Tor des Géants ou une PTL, il est meilleur), mais sur de la distance type Ultra, je ne pense pas que ce soit le cas (ou du moins, pas encore). Et pourtant, il a explosé son record.
Je vois principalement deux raisons qui peuvent expliquer cela.
Un matériel plus adapté
S’il y a bien un domaine dans lequel les choses évoluent vite, c’est le matériel sportif. Que ce soit au niveau des chaussures (François D’Haene avait bien expliqué à quel rythme ça évoluait), des habits, des sacs, voire des chapeaux et des bâtons, on se rend bien compte que tout s’allège et s’adapte beaucoup mieux aux coureurs.
Une paire de chaussures il y a dix ans, voire cins ans, n’avait peut être pas la même adaptabilité qu’aujourd’hui. Comme le disait François D’Haene, une chaussure qui réagit aussi bien, notamment sur la diagonale, à un sol où les températures sont négatives et à un sol volcanique où les roches peuvent atteindre les cinquante degrés, c’est relativement récent et ça va encore s’améliorer.
L’autre point « matériel »pouvant expliquer cela peut se trouver dans la gestion de l’alimentation. Car s’il y a un autre domaine où les choses évoluent très vite, c’est la nourriture en trail.
Ceci peut expliquer cela, mais selon moi, la vraie raison est ailleurs
Un contexte optimal pour battre ces records
Ce n’est un secret pour personne, cet été est assez morne en termes de compétitions. Aussi, il a fallu que les sponsors s’adaptent pour permettre à leurs poulains de continuer de performer (et accessoirement, d’occuper l’affiche). Dès lors, cette année, les GR5 de Curmer/Kern/Robin et le GR20 de Thévenard (en attendant celui de Clavery) ont été préparés comme des vraies compétitions, avec un objectif de temps, et donc une préparation qui va avec.
En toute honnêteté, quand François D’Haene mettait en place ce type de projet (je ne sais pas pourquoi je parle à l’imparfait, sachant qu’il va continuer), je ne pense pas qu’il l’appréhendait comme un UTMB ou une diagonale. La différence entre les records de D’Haene et ceux qui vont tomber peut s’expliquer donc par la préparation physique, mais aussi mentale. Quand le premier y va pour se faire plaisir, il n’a pas véritablement d’adversaires. Alors que là, les seconds y vont pour faire tomber le record, ils ont donc un adversaire, quand bien même celui-ci est virtuel.
Et s’il y a bien quelque chose qu’on a tous vécu, quel que soit notre niveau, c’est qu’on va toujours être plus performant dès qu’il y a de l’adversité.