Trail, dopage et double standard : quand les Kényans trinquent deux fois
Dès que le mot “dopage” apparaît, c’est toujours le même réflexe : si l’athlète est kényan, on parle d’exclusion définitive. Et si c’était du racisme ?
Le racisme ordinaire des réactions “antidopage”
- Joyline Chepngeno, suspendue deux ans.
- Mark Kangogo, suspendu deux ans.
Tous deux Kényans. Tous deux liés au même team, Milimani Runners. Tous deux exclus, immédiatement.
Mais surtout : dès la révélation des contrôles positifs, les sponsors s’évaporent, les organisateurs se déchaînent, et les réseaux sociaux réclament l’exclusion pure et simple du Kenya entier.
- Un dopé européen ? On parle de blessure, de fragilité mentale, de “manque d’encadrement”, de dopage à l’insu de son plein gré. On émet un simple rappel à l’ordre (cf Maude Mathys). Les élites soutiennent ou se taisent.
- Un dopé kényan ? On parle de triche ethnique, de système pourri, de bannissement à vie. Les élites se déchainent aussi.
Il ne s’agit pas ici de nier la réalité des produits interdits. Il s’agit de dénoncer le deux poids deux mesures. De rappeler qu’un athlète reste un individu, pas un drapeau, ni un système entier.
Quand un Français ou un Norvégien est pris, on appelle à le “réintégrer après sanction” et on ne dit rien quand il revient en trail, ça n’émeut PERSONNE (sauf nous). Quand un Kényan est pris, on veut interdire tout un continent de courir en Europe.
Ce n’est plus de la rigueur. C’est du racisme structurel, masqué par une morale sportive.
Ces athlètes sont-ils vraiment libres ? Responsable et coupables ?
Regardez bien les commentaires sur Facebook. On parle de Chepngeno comme si elle avait glissé sur une seringue. On rigole. On accuse. On juge.
Mais qui décide ? Qui parle anglais dans ces structures ? Qui signe les contrats ? Qui prend les rendez-vous médicaux ? Qui encaisse les primes ? Qui construit les storytelling de “transformation miracle” ?
Ce ne sont pas les athlètes. Ce sont les coachs. Les managers. Les sponsors.
Joyline Chepngeno est mère de deux enfants. Elle a repris la course tard. On lui promet un contrat, des podiums, un avenir. Elle gagne. Elle gêne. Elle tombe.
Et tout le monde s’en lave les mains. Salomon rompt le contrat. L’UTMB retire les résultats. Sierre-Zinal bannit toute l’équipe. Et Chepngeno ? Elle devient la “dopée” qu’on jette aux chiens.
Les pantins du trail mondial
Le trail aime s’acheter une conscience en intégrant des coureurs africains. Mais il le fait souvent pour l’image, rarement pour l’équité.
On “forme” des athlètes au Kenya, on les équipe, on les expose… Mais qui les protège ? Qui leur traduit les règlements ? Qui vérifie ce qu’ils reçoivent dans une clinique de campagne ?
Ce n’est pas excuser.
C’est remettre la question de la responsabilité à sa juste place.
L’athlète est responsable de ce qu’il ingère ? D’accord. Mais alors, que fait-on de ceux qui l’ont mis dans cette situation ?
L’hypocrisie du trail propre
Le trail se rêve éthique, engagé, équitable. Mais dès que le sujet devient sensible, il applique des sanctions plus vite que son ombre — et surtout plus vite quand le coureur est noir.
On ne demande pas d’excuser le dopage. On demande d’arrêter de punir les plus faibles et d’arrêter de protéger les plus puissants.
Parce que dans cette affaire, il n’y a pas qu’une seule question à poser : Joyline Chepngeno s’est-elle dopée ?
Il faut aussi se demander : Qui l’a encadrée ? Qui a profité ? Et qui l’a sacrifiée ?
Cet article est un éditorial. Il exprime un point de vue critique sur les mécanismes de pouvoir et d’image dans le monde du trail. Il ne vise ni à nier les faits établis de dopage, ni à disculper les personnes citées, mais à interroger les logiques structurelles à l’œuvre. Toute personne ou entité citée dispose d’un droit de réponse.