Xavier Thevenard a battu le record de Kilian Jornet sur le GR20. Le français serait-il vraiment meilleur que le catalan ?
Jornet, d’Haene et Walmsley : les trois meilleurs traileurs au monde
Depuis une dizaine d’années, le monde du trail compte trois énormes champions qui sont au-dessus de la concurrence. On a l’ultra terrestre catalan Kilian Jornet, le vigneron François D’Haene, et l’ancien pistard surdoué Jim Walmsley. Jornet a longtemps été un monstre sur le long, puis il est devenu expert sur le court. François d’Haene est lui intouchable sur le long (et n’a pas encore montré l’étendue de son talent sur le court). Jim Walmsley est un monstre sur le long et le court (et a des stratégies de grand psychopathe qui sont tout simplement admirables).
Entre ces trois là et le reste de la concurrence, il y a un léger vide. Juste après, on va retrouver des athlètes comme Pau Capell, Xavier Thévenard, Ludovic Pommeret, Davide Magnini, Stian Angermund Vik, Grégoire Curmer ou Benoit Girondel (j’en oublie quelques uns, mais vous voyez l’idée).
On ne va pas se mentir, à l’heure actuelle, c’est difficile d’imaginer que Xavier Thévenard soit meilleur que Kilian Jornet. Les deux ont le même âge, mais tant dans le palmarès que dans la communication que dans la réflexion extra-sportive, le catalan le surpasse dans absolument tous les domaines (il n’y a pas match, en fait). Après, vu qu’on a découvert que finalement, Xavier Thévenard s’en fichait des records, c’est peut-être normal.
GR20 : Xavier Thevenard a battu le record de Kilian Jornet
Et pourtant, si Xavier Thevenard n’est pas parvenu à battre le record de François D’Haene sur le GR20, il a réussi à battre celui de Kilian Jornet de presque une demi heure, éjectant par là même Kilian du podium des recordmen.
Est-ce qu’il faut en conclure que Xavier est devenu meilleur que Kilian sur de l’ultra ? D’un point de vue purement comptable et contextuel, on peut dire que oui. En tout cas, c’est ce que se sont dites les groupies du jurassien. Et en soi, ce n’est pas tout à fait faux. Après, voyons d’un peu plus près les choses, ça montrera que ce n’est pas aussi simple que ça.
Une question d’âge
Comme on le disait plus haut, Kilian Jornet et Xavier Thévenard ont le même âge, à savoir 32 ans (le catalan est de fin 87 et le jurassien est de début 88). Et pourtant, Kilian Jornet a fait son temps sur le GR20 il y a plus de dix ans, plus précisément quand il avait 22 ans. Ce qui rend la performance du catalan encore plus impressionnante selon moi (sachant qu’à l’aurée de la vingtaine, on performera plus facilement sur du court que sur du long).
Une question de gestion de course
En suivant la course de Xavier, on a vu que dans la partie nord du GR20, donc la plus technique, il avait relativement bien assuré, avant de subir la chaleur dans l’après-midi. Ce coup de chaud aura finalement été fatal au jurassien, d’autant que la même mésaventure se sera répétée sur la fin de la course, le poussant à l’explosion.
Quand on regarde les compte rendus du record de Kilian, la gestion semble avoir été meilleure. Un extrait du Corse Matin de l’époque dit ceci :
« Parti de Calenzana lundi à 3 h 55, Kilian Jornet, un étudiant espagnol de 21 ans, est arrivé hier à Conca, quelques secondes avant 13 heures. Il aura parcouru près de 200 km, avec 14 500 m de dénivelé positif, le tout sans dormir (…)
Au soir du premier jour de course, à Vizzavona, le coureur catalan avait déjà une bonne avance sur le record. C’est là qu’il a effectué la plus longue pause : 20 minutes pour se restaurer, se reposer et se détendre. Il devait absolument reprendre des forces avant d’attaquer la course de nuit, certainement la partie la plus éprouvante. (…) Hier matin à Conca, il se murmurerait déjà que le record serait explosé, car Kilian Jornet ne baissait pas de rythme. Bien au contraire, il puisait dans ses ressources pour mettre toutes les chances de son côté. Ceux qui l’ont vu courir dans les passages caillouteux, sauter de rocher en rocher tel un mouflon ou affronter les sommets encore enneigés ne tarissaient pas d’éloges sur les capacités physiques de celui qui allait devenir le conquistador de la montagne corse. (…) Après avoir passé un coup de fil à sa mère en Espagne, Kilian Jornet, à peine essoufflé, les pieds et le corps meurtris mais le coeur rempli de joie, n’a pas hésité à répondre aux journalistes : « C’est un parcours très technique qui demande une concentration permanente. C’est ce que j’ai fait de plus difficile jusqu’à aujourd’hui. Je tiens surtout à remercier les coureurs corses qui sont venus m’accompagner et m’encourager, notamment Pierrot Santucci qui était déjà là à Vizzavona et qui m’attendait à l’arrivée. Cela m’a beaucoup aidé ».
Après, Xavier ayant battu le record du catalan, il lui reste celui de d’Haene, à moins que Kilian ne se dise que ça pourrait être chouette de retenter l’aventure ? On aimerait bien mais malheureusement on n’y croit peu…