Témoignage Trans Aubrac 2025
Nous avons reçu ce témoignage anonyme suite à notre article sur la Trans Aubrac 2025. Trois amis engagés sur le 108 km racontent avoir terminé la course dans un état d’épuisement extrême. L’un d’eux, en hypothermie et en hypoglycémie, a perdu toute lucidité avant de s’effondrer dans un buron transformé en abri d’urgence, où des dizaines de traileurs ont trouvé refuge.
Ce retour de terrain prend d’autant plus de sens que, depuis la parution de notre premier article, l’organisateur de la course nous a publiquement accusés sur les réseaux sociaux de manquer de rigueur journalistique. Ce témoignage vient pourtant conforter, par les faits vécus, la question légitime que nous avons soulevée : fallait-il maintenir la course face à de telles conditions météorologiques ?
Trans Aubrac
Témoignage Trans Aubrac
« Je pensais avoir l’équipement, et pourtant… »
Le témoin anonyme nous écrit depuis le calme revenu, mais encore choqué. Habitué aux ultras plus techniques, il ne s’attendait pas à vivre l’enfer sur les derniers kilomètres de la Trans Aubrac 2025.
« J’ai fini les 7 derniers km en hypothermie et hypoglycémie, en grelottant, perte de lucidité… J’ai vraiment pensé que ça pouvait s’arrêter là pour moi. »
Avec ses deux compagnons de course, il a tenté de lutter contre le froid, mais le corps a fini par lâcher. Un des coureurs s’est même effondré dans un buron, où une trentaine d’athlètes se sont réfugiés sous des couvertures de survie.
« On était tous dans un état de survie. Si on s’arrêtait plus de 5 minutes, la température du corps baissait trop vite. »
Un manque d’encadrement sur le point critique
Ce coureur ne souhaite pas accabler l’organisation. Il reconnaît la difficulté d’un tel événement, la bonne volonté des bénévoles et son propre manque d’anticipation. Mais il pointe un manquement stratégique :
« Il aurait fallu qu’à la sortie d’Aubrac, une personne nous filtre ou nous contrôle nos équipements, à minima nous sensibilise. Là, au Buron, il n’y avait personne. Et c’était clairement le point critique. »
Un appel de suivi leur a été passé à 00h pour savoir s’ils avaient franchi ce passage. Trop tard pour une vraie prise en charge.
« On nous a dit que c’était juste de la ‘bobologie’. Mais personne ne serait venu nous chercher à temps sous les rafales de neige. »
« On n’était plus lucides »
Le message est d’autant plus fort qu’il ne cherche pas la polémique. Le coureur insiste sur le fait qu’il ne jette pas la pierre à l’organisation, mais souhaite alerter pour éviter un drame à l’avenir.
« Ils avaient averti, mais la chute brutale de température nous a piégés. On ne s’est pas sentis capables de s’arrêter dans ces rafales, on n’était simplement plus lucides. »
Il conclut en rappelant qu’il reste responsable de son équipement et que l’expérience lui servira. Mais il partage ce vécu pour qu’on en tire des leçons collectives.
Ce témoignage confirme les inquiétudes soulevées par les nombreux abandons. Sans remettre en cause la passion ni l’engagement des bénévoles, il appelle à une réflexion sur le seuil d’alerte à ne pas dépasser et les points de contrôle vitaux à mieux sécuriser.
MISE À JOUR
Suite à la première publication, le témoin nous a apporté plusieurs précisions. Contrairement à ce qui avait été initialement compris, l’un des membres de leur groupe, pourtant expérimenté et bien équipé, avait pris de l’avance… mais a lui aussi dû abandonner dans le buron, les mains gelées malgré ses gants. Ce sont donc bien deux coureurs en grande difficulté qui ont terminé la course dans des conditions critiques.
Il tient aussi à préciser que dans ce buron transformé en abri d’urgence, des systèmes de chauffage étaient présents, ce qui a permis à de nombreux coureurs de se réchauffer. Enfin, il ajoute que certains participants, mieux préparés ou mieux équipés, ont semble-t-il réussi à franchir cette section sans incident majeur. Ce qui renforce l’idée que les écarts d’équipement ou de résistance ont joué un rôle central dans la gestion des dernières heures de course.
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