Résultat Tahiti Moorea Ultra Trail 2025
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Courir un ultra-trail sous 30 degrés à l’autre bout du monde en pleine crise climatique ? Voilà ce que propose la Ligue Ultra pour conclure sa saison. Une absurdité écologique, même si la performance de Yoann Lecauchois mérite d’être saluée.
Il a tout donné. Il a gagné. Et pourtant, quelque chose dérange. Ce samedi 20 décembre 2025, le Français Yoann Lecauchois, traileur de 43 ans originaire de la Manche, a remporté avec panache la finale de la Ligue Ultra à Tahiti. Une victoire qui vient couronner la plus belle saison de sa carrière, mais dans un cadre qui continue d’alimenter une polémique grandissante : l’empreinte carbone délirante d’une finale de trail… à 15 700 kilomètres des courses qualificatives.
Un aller-retour Paris – Papeete, c’est environ 4 tonnes de CO₂ par personne. Soit le double du budget carbone annuel recommandé par l’ADEME pour atteindre les objectifs climatiques. Pour un sport qui se veut proche de la nature, difficile de faire pire.
Résultat Tahiti Moorea Ultra Trail : victoire de Yoann Lecauchois en 10h54
Une victoire solide, mais un scénario cruel
La course tahitienne était censée être la grande fête de la Ligue Ultra. Elle aura été marquée par la chaleur accablante, des sentiers techniques, et un rebondissement de dernière minute. Sur les 78 km et 4 000 m de D+, Yoann Lecauchois a su gérer son effort, s’accrocher dans les portions humides et piégeuses, et profiter d’un coup du sort : le leader s’est perdu au km 62, laissant le Normand prendre les commandes.
« J’ai eu de la chance, il s’est perdu le pauvre », a-t-il reconnu à l’arrivée, avec l’humilité qu’on lui connaît. « Je me suis aussi perdu, mais pas autant. C’est la course, je suis triste pour lui… »
Lecauchois boucle l’épreuve en un peu moins de 11 heures, avec plus de 30 minutes d’avance sur son poursuivant. Une domination nette, même si le déroulé de la course laisse un goût mitigé. D’autant que plusieurs grands noms étaient au départ, dont Arthur Joyeux-Bouillon, auteur de plusieurs Top 10 à l’UTMB, qui termine ici seulement 4e.
Yoann Lecauchois, un coureur discret, régulier, performant
Avec cette victoire à Tahiti, Yoann Lecauchois signe son 7e succès de l’année, dont l’Ultra-Trail de Haute-Provence qui lui avait ouvert les portes de la finale. Son parcours 2025 force le respect : régulier, déterminé, sobre dans sa communication. Le genre de coureur qui avance loin des projecteurs, mais qui finit par imposer sa légitimité.
Il a d’ailleurs dédié sa victoire à son fils, Maxence, qui fêtait ses 15 ans ce même jour. Un moment de partage émouvant, malgré l’absence de ses enfants sur place. « J’espère que Max est fier de son papa. Moi, je suis fier de lui », a confié le vainqueur, visiblement touché.
Mais à quel prix environnemental ?
Et pourtant… une question plane, inévitable : fallait-il vraiment organiser une finale à Tahiti ? Fallait-il vraiment faire voler coureurs, staffs, médias et partenaires aussi loin pour clore une ligue 100 % française dans sa phase qualificative ?
Le discours officiel évoque la magie des paysages, l’implication locale, la compensation carbone (via nettoyage de plage ou participation financière). Mais soyons clairs : aucune demi-journée éco-citoyenne ne compense 4 tonnes de CO₂ par tête. Ce genre de justification relève davantage du storytelling que d’un engagement réel.
Dans un monde où même l’UTMB commence à être critiqué pour sa dérive logistique, envoyer une centaine de personnes à 15 000 km pour une finale “plus responsable” relève d’un greenwashing institutionnalisé.
Lecauchois gagne, le trail perd
Ce n’est pas Yoann Lecauchois qu’on vise ici. Il n’est ni responsable du calendrier, ni du lieu, ni de la structure du circuit. Il a gagné avec panache, dans des conditions difficiles, contre des adversaires de haut niveau. Il méritait sa place, il a mérité sa victoire.
Mais ce que révèle cette victoire, c’est l’hypocrisie structurelle du trail contemporain. Un sport qui aime se présenter comme sobre, montagnard, connecté à la nature, mais qui s’organise de plus en plus autour d’une logique mondialisée, carbonée, où prendre l’avion pour aller courir devient la norme — pire : une récompense.
Alors soyons clairs : nous sommes contre l’avion pour aller courir. Définitivement. Pas parce que Tahiti ne mériterait pas d’accueillir une course. Pas parce qu’il ne faudrait plus jamais traverser un océan. Mais parce que le trail, par essence, n’a pas besoin d’un vol long-courrier pour exister. C’est même tout le contraire. Quand on traverse 30 000 kilomètres pour poser les pieds sur un sentier, ce n’est plus du sport nature. C’est du marketing.
On nous dira que “ça développe le tourisme”, “ça fait connaître la Polynésie”, “c’est bon pour l’économie locale”. Mais ce discours ne tient plus. Il masque une réalité brutale : on utilise les coureurs comme argument de promotion, au mépris de l’urgence climatique. Et à ceux qui objectent “alors vous voulez interdire la Diagonale des Fous aussi ?”, on répond : non, mais on veut remettre du discernement. Il y a une différence entre une course née sur un territoire, profondément ancrée dans sa culture, et une finale artificiellement parachutée pour faire rêver avec du bleu turquoise et des drones.
Yoann Lecauchois est monté sur la plus haute marche. Mais ce podium, aussi mérité soit-il, s’est déroulé sur une scène qui dit tout du décalage entre ce que le trail prétend être… et ce qu’il est en train de devenir.
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