On l’adore, Vincent Bouillard. Vraiment. Et pas seulement pour ses perfs : pour ses prises de position courageuses, son engagement sincère face aux enjeux climatiques, son humilité et son franc-parler. Sur uTrail, on suit son évolution, et on partage largement ses convictions. Sa victoire à l’UTMB 2024 a été une claque, une surprise que personne n’avait vue venir — et c’est ce qui le rend aussi attachant.
Mais ce week-end, c’est la Western States 100. Et là, on change complètement de registre. Terrain ultra-roulant, chaleur infernale, descente à bloc, stratégie millimétrée… Ce n’est pas exactement le format dans lequel Vincent a brillé jusqu’ici. Et face à lui, un certain Kilian Jornet, de retour sur cette course mythique, dans un contexte bien plus favorable que lors de leur duel à la Chianti. Alors même si on serait ravis de se tromper, il faut le dire franchement : sur le plan purement sportif, Jornet risque fort de prendre le dessus cette fois.
Vincent Bouillard
NNormal Kjerag
Vincent Bouillard
1. Le format ne lui est pas favorable
La Western States n’est pas une course de montagne classique. C’est une épreuve rapide et roulante, souvent qualifiée d’ultra « de vitesse », avec 161 km, 5 000 m de D+ et surtout 7 000 m de descente. Contrairement à l’UTMB, où la gestion des montées et de l’altitude prime, ici ce sont les relances, la capacité à courir sur sentier sec, chaud et poussiéreux qui font la différence.
Vincent Bouillard s’est surtout illustré jusque-là sur des formats alpins et techniques. À la Chianti Ultra Trail (120 km, +5 200 m D+) en mars 2025, il termine 3ᵉ en 10 h 27′ 57″, à seulement 30 s de Kilian Jornet (2ᵉ en 10 h 27′ 27″). Ils ont livré un duel serré dans les descentes, souvent côte à côte, avant que Jornet ne place son attaque décisive dans le dernier kilomètre . Le contexte ajoute à la performance : Jornet venait de devenir père pour la troisième fois seulement une semaine plus tôt, avec à peine deux heures de sommeil par nuit, et courait avant tout pour obtenir son Golden Ticket pour la Western States.
Sans ces contraintes familiales et cette gestion de course prudente, Jornet aurait probablement développé un rythme plus soutenu et pourrait facilement creuser l’écart dans un format plus rapide et chaud — comme la Western States où ses talents de coureur complet et sa vitesse sur longues distances devraient faire la différence.
2. L’expérience joue contre lui
C’est sa toute première participation à la Western States. Et comme le dit la tradition locale, « il faut une course pour comprendre la course ». Entre les ravitaillements gérés à l’américaine, les sections infernales de chaleur dans les canyons, et les rythmes imposés dès les premiers kilomètres, il est rare qu’un rookie l’emporte. Même Jim Walmsley, triple vainqueur, avait mis trois tentatives avant de dompter le parcours.
3. Une météo impitoyable
Chaque année, la Western States se transforme en fournaise. En 2025, la météo prévoit une fourchette de 35 à 45 °C sur la fin de journée, dans des zones peu ombragées. Ce ne sont pas les Alpes. Ce sont des steppes arides, des descentes rocailleuses, et une gestion de l’hydratation où chaque erreur peut être fatale.
Vincent n’a jamais couru dans un tel climat. Et l’acclimatation ne se fait pas en quelques jours. À moins d’un miracle, il y laissera des plumes.
4. Des rivaux affûtés et sur leur terrain
Kilian Jornet, bien sûr, sera l’attraction principale, même si son état de forme reste incertain après sa contre-performance à Broken Arrow. Mais d’autres noms comme David Roche (recordman d’un autre 100 miles aux USA), ou encore les Américains spécialistes du parcours viendront troubler le jeu.
Et ces derniers savent gérer la chaleur, les descentes techniques à haute vitesse, et les ravitos express. Ils ont le mode d’emploi.
On ne demande qu’à être surpris. On rêve d’un finish historique, d’un Français en tête au stade d’Auburn, en train de pulvériser les certitudes américaines. Mais en toute objectivité, ce ne sera sans doute pas encore pour cette année. Le style de course, le climat, et le manque de repères jouent trop contre Vincent Bouillard. Il apprendra, progressera… et reviendra plus fort. Peut-être dès 2026.
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Cet article ne remet pas en cause la valeur de l’athlète mentionné. Il s’agit d’une analyse factuelle, basée sur des éléments publics et sportifs, dans un esprit de respect et d’information.