Il y a dans le monde du trail un attachement particulier aux chronos.
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Les records rassurent, ils donnent une échelle, permettent de situer une performance. Sur une course aussi emblématique que la SaintéLyon, c’est presque devenu un réflexe : on regarde qui a couru le plus vite, en combien de temps, et on brandit ça comme un titre. Sauf que ce réflexe est faux.
Car sur cette épreuve de nuit, qui relie Saint‑Étienne à Lyon depuis plus de 70 ans, la notion même de record n’a plus aucun sens.
Ou plutôt, elle a été vidée de sa cohérence par l’évolution constante du parcours, du matériel, des formats et des conditions.
On parle toujours de Jean‑Franck Proietto. Et à juste titre. En 1994, il boucle la SaintéLyon en 4h19min55s, un chrono d’exception sur l’ancien parcours de 63 kilomètres. Chez les femmes, c’est Béatrice Reymann qui signe la marque de référence en 5h09, un an plus tôt. Ces temps n’ont jamais été battus. Mais peut‑on encore les considérer comme des “records” ?
Pas vraiment.
Depuis ces années-là, tout a changé.
Références trail

Le parcours de la SaintéLyon a été rallongé à près de 80 kilomètres.
Le dénivelé est plus important. Les portions techniques sont plus nombreuses. Les sentiers remplacent peu à peu les routes. Même les horaires de départ et la météo changent la donne. Ce que Proietto a accompli reste grandiose. Mais ce n’est plus le même terrain de jeu.
Aujourd’hui, ce sont des coureurs comme Sébastien Spehler (5h04 en 2015) ou Maud Gobert (plusieurs victoires en moins de 6h30) qui établissent les références. Des chronos impressionnants, dans des conditions autrement plus complexes, souvent sous la neige, la pluie ou le verglas. Ces performances méritent d’être saluées. Mais les comparer à celles de l’époque Proietto, c’est ignorer la réalité de l’évolution du trail.
Chaque édition est unique. Certaines années, le parcours passe par Sainte-Catherine ; d’autres fois, il l’évite. Parfois, c’est la boue qui ralentit tout le monde. D’autres fois, le gel. Il n’y a pas de constance. Il n’y a pas de terrain neutre. Et donc, il n’y a pas de record au sens strict.
Plutôt que de chercher à “battre” un chrono vieux de 30 ans, les coureurs devraient être célébrés pour leur capacité à affronter les conditions du jour.
À s’adapter à une météo capricieuse. À traverser la nuit, le froid, la fatigue. À braver une course qui commence à 23h30, dans le silence d’une ville endormie, pour rejoindre les lumières de Lyon avant l’aube.
La performance d’un Spehler ou d’une Blandine L’Hirondel ne se lit pas dans une comparaison numérique. Elle se mesure à la densité du plateau, à la météo de l’année, à la technicité du tracé, à la gestion de course. Et ça, aucun “record” ne peut vraiment le traduire.
Parler de record sur la SaintéLyon, c’est vouloir figer une course qui ne tient jamais en place. C’est réduire l’histoire d’une nuit glacée à une simple ligne dans un tableau Excel. Ce qui compte, ce n’est pas de battre Proietto ou de courir en moins de 6h. C’est d’oser s’élancer dans cette nuit interminable. De tenir. D’arriver.
En résumé, la SaintéLyon, ce n’est pas une course contre les autres.
C’est une course contre soi‑même, contre le froid, contre l’abandon. Et ça, aucun chrono ne le dira jamais.
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