Journal d’un confiné, J20 à J27
C’est assez hallucinant de voir à quel point les états d’âmes fluctuent. Au début, je pensais que la météo influencerait ça, mais des fois, quand il fait nuageux, je me sens euphorique et optimiste et a contrario, des fois, il a beau faire un grand soleil, je me dis que l’humanité est foutue et qu’on va tous crever.
Hier, je suis tombé sur un article un peu provocateur qui évoquait la haine actuelle du coureur par les collabos. Je ne vais pas revenir sur le contenu, car ça mériterait un article à part entière, mais le coureur en 2020 est-il la nouvelle sorcière du Moyen Age, ou le nouveau juif des années 30 ? En tout cas, les vieux réflexes se dirigent vers cette frange de la population. Toujours un petit groupe en ennemi commun, c’est bien la preuve que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.
Malgré tout, et paradoxalement, j’ai l’impression que le confinement nous rapproche plus qu’il ne nous éloigne, car mine de rien, on se rend compte à quel point on est tous connectés les uns aux autres. Car quand on liste juste les fonctions nécessaires à la gestion minimale de l’état, on en trouve une flopée. Egalement, on se remet à considérer des domaines qui n’étaient pas importants (certaines fonctions qui avaient tendance à être dévaluées et sans lesquelles on serait complètement à terre aujourd’hui). Et enfin, on redécouvre des franges de la population auxquelles on ne pensait pas ,ou plus : 780.000 personnes en EHPAD en France, et plus de 2 millions de plus de 85 ans. Je n’aurais jamais pensé qu’il y en avait autant.
A la fin de l’hiver, je me disais vivement le printemps. Au début du printemps, je me suis dit vivement l’été. On n’est pas au milieu du printemps que je me dis déjà vivement l’automne ; car pour l’été, visiblement, ça commence à sentir le sapin. Les courses sont toutes renvoyées au 29 août minimum (du moins les plus grosses) et jusque début décembre. Est-ce que ça suffira ? J’aimerais beaucoup. Je sais qu’en Belgique, on parle de ré-autoriser en août les événements de moins de 500 personnes (on lit parfois 100, mais aussi parfois 1000)… Est-ce que ce n’est qu’un faux espoir, mal placé de surcroît ?
Une autre question me vient alors… Est-ce qu’on sera plus en danger après un ultra, vu la fragilité de notre système immunitaire pendant les quelques jours qui suivent ? Est-ce qu’on sera des cibles privilégiées pour le covid ? Soit si on ne l’a pas eu, ou même si on l’a déjà eu, d’ailleurs (vu qu’on ne sait toujours pas si on peut l’avoir plusieurs fois).
Une date de début de déconfinement est arrivée en France, une date à venir en Belgique. Et d’un coup, on va passer du paternalisme (imposé avec le confinement) à plus d’autonomie (chacun sera responsable, ou du moins aura plus de responsabilités). Et on dirait que ça fait peur à beaucoup. Et oui les gars, tout le monde va avoir son rôle à jouer. Là, beaucoup pourront dire que c’est en opposition avec l’envie, le besoin, le désir qu’on a de reprendre le trail et la compétition (car dans le genre bouillon de culture, des dizaines de coureurs suants à moins d’un mètre les uns des autres, ça craint). Cependant, je ne pense pas. Car avoir son rôle à jouer, c’est (et ça n’engage que moi, hein) reprendre sa vie d’avant en y insufflant des nouveautés. Quand on est un sur trail ou sur une course (quoi que c’est un peu moins vrai sur le trail), on pense à soi en priorité ; désormais, on devra penser à l’Autre avec un grand A. Alors oui, on continuera d’être seuls, et c’est aussi ce qu’on cherchera, mais ça ne devra pas empêcher qu’on respecte des gestes barrières au nom de l’altérité. Est-ce que ça doit passer par des sas de départ plus grands, des sas de départ où on devrait tous porter un masque ? Aucune idée, mais il est hors de question que j’arrête de vivre mes passions, et il est hors de question que je ne remplisse pas ma part de citoyenneté Et ceux qui estiment que l’un doit forcément aller sans l’autre, franchement, qu’ils la ferment à tout jamais.
Quoi qu’on fasse, la confiance des citoyens sera indispensable, et vu la défiance par tous les beaufs un peu bas de plafond qui donnent un avis qu’on ne leur demande, ça va être difficile. Mais pas impossible. Quand on voit que les statisticiens et virologues expliquent que c’est normal que la courbe de mortalité ait un décalage de quelques semaines avec les infections, et que ces beaufs restent sur « gneuh gneuh gneuh, pourquoi les morts ne baissent pas… on nous manipule, gneuh gneuh gneuh », bah ça va pas être simple. C’est quand même pas compliqué à comprendre, c’est de la pure logique. Après, que peut la logique face à de l’inintelligence parfois abyssale ?
Il y a un point qui continue de m’interroger, c’est le rapport qu’on a au concept de gravité de la maladie. Au début, beaucoup de spécialistes ont parlé d’une grippe. Et avec du recul, ça montre peut-être la vision qu’on avait de note rapport à la société. A la base, pour moi, une maladie est grave selon les dommages qu’elle peut causer à quelqu’un. Et avec le covid (et toutes les mesures qui ont été prises), on s’aperçoit que la gravité n’est pas tant dans la létalité, mais dans la contagiosité. Et effectivement, une maladie qui a 30% de létalité, mais qu’il est très difficile d’attraper sera beaucoup moins grave qu’une maladie qui a une létalité inférieure à 1% (comme ça semble être le cas pour lecovid) mais une contagiosité dingue. Car 1% d’une maladie qui touche 20 millions de personnes, bah ça fait 200000… Alors peut-être que la gravité est celle d’une grosse grippe (car on a tendance à l’oublier, mais la grippe est quand même assez grave), voire d’une très grosse grippe, mais si la contagiosité est beaucoup plus importante, d’un seul coup, ce n’est pas la même chose. Si la grippe était aussi contagieuse que le covid, elle ferait probablement aussi beaucoup de morts, non ?
Enfin, en regardant des statistiques prises sur les actes de décès des personnes en France, la moyenne d’âge des gens qui ont malheureusement succombé à ce virus était de 81 ans… Essayons de garder ça en tête…