Quand des images de l’Everest envahi de détritus tournent sur les réseaux, la toile s’indigne : « Regardez jusqu’où l’humanité est tombée ! ». Pourtant, pas besoin d’aller au Népal pour trouver des sommets transformés en décharges à ciel ouvert. Des Pyrénées aux Alpes, nos massifs français sont eux aussi en train de craquer sous les déchets. Emballages, mouchoirs, bouteilles, papiers toilette, masques, canettes… Ce n’est plus un accident, c’est une tendance.
Le trail et la montagne en France, victimes de leur succès
Depuis quelques années, le trail running est en pleine explosion. C’est une bonne nouvelle. Mais ce succès a un coût : la pression humaine sur les sentiers explose. En été, certains itinéraires se transforment en autoroutes. Et quand le monde afflue, les mauvaises pratiques suivent.
Des croix sommitale ornées de cadenas « souvenirs », des sacs plastiques coincés dans les pierriers, des trognons de pommes jetés « parce que c’est biodégradable » (spoiler : ça ne l’est pas à 2500 m)… Et bien sûr, les fameux papiers toilettes planqués derrière les blocs de granit. Certains cols ou points de vue deviennent des zones d’accumulation permanente.
Le Canigó, le Mont-Blanc, le Ventoux : même combat
Ce n’est pas un pic isolé qui est concerné. Le Canigó dans les Pyrénées, symbole de la culture catalane, voit sa croix transformée en panneau d’expression artistique sponsorisé par Décathlon. Dans les Alpes, les abords du Mont-Blanc ou de la Mer de Glace deviennent des dépotoirs de luxe. Et sur le Ventoux, en plein été, on retrouve des sachets de gels, des bidons, et même des restes de pique-nique dans les combes.
La montagne française ne fait plus exception. Elle suit le même chemin que celui de l’Himalaya : elle devient consommée. Utilisée, exploitée, parfois souillée. Et ceux qui y vont ne se sentent plus toujours responsables de ce qu’ils y laissent.
Trail et responsabilité : on ne peut plus faire semblant
Le trail s’est construit sur des valeurs fortes : humilité, autonomie, respect de l’environnement. Mais aujourd’hui, soyons lucides : notre pratique contribue aussi à cette dégradation.
Combien de fois voit-on un emballage de barre énergétique oublié au bord d’un sentier ? Combien de coureurs utilisent des gels sans penser à où ils jetteront les opercules ? Combien laissent leurs déchets dans des sacs « qu’ils redescendront plus tard » ? On ne peut pas s’indigner des déchets au sommet de l’Everest si, en parallèle, on trouve normal de laisser un bout de plastique au sommet de la Croix de Chamrousse.
Même les bénévoles des courses en ont ras-le-bol. Certaines épreuves organisent aujourd’hui des « nettoyages post-trail » tant les sentiers sont jonchés après le passage de centaines de coureurs.
L’exemplarité n’est pas un supplément d’âme
Être en montagne, ce n’est pas juste courir. C’est cohabiter avec un espace fragile. Les refuges, les gardiens, les bergers, les autres pratiquants… tout le monde subit les dérives d’un tourisme sportif qui ne sait plus se regarder en face.
Il est temps d’arrêter de se raconter des histoires : la montagne française est elle aussi en train de devenir une montagne-poubelle. Et ce n’est pas un slogan. C’est un constat. La question est maintenant simple : est-ce qu’on continue à jouer les vierges effarouchées devant les images de l’Everest, ou est-ce qu’on se regarde un peu dans le miroir ?
FAQ – Pollution sur l’Everest : ce qu’il faut vraiment savoir
Pourquoi dit-on que l’Everest est devenu une « poubelle à ciel ouvert » ?
Parce que chaque année, plusieurs centaines d’alpinistes s’attaquent au toit du monde… et laissent derrière eux tentes, bouteilles d’oxygène vides, emballages plastiques, vêtements déchirés, cordes, batteries… Les conditions extrêmes rendent tout ramassage complexe. Résultat : certains camps d’altitude sont jonchés de détritus gelés depuis des années. Le camp 2 (6500 m) est notamment tristement célèbre.
Combien de déchets y a-t-il sur l’Everest ?
Selon le ministère du tourisme népalais, **plus de 11 tonnes de déchets** sont collectées chaque année depuis 2019, dans le cadre d’opérations de nettoyage. Mais ce chiffre ne reflète qu’une partie du problème : certains déchets sont profondément enfouis dans la glace ou trop dangereux à récupérer.
Quelles mesures ont été prises au Népal ?
Depuis 2014, le gouvernement impose à chaque expédition de redescendre **au moins 8 kg de déchets par personne**. Des amendes peuvent être infligées en cas de non-respect, mais dans les faits, les contrôles sont difficiles. Certaines ONG comme **SPCC (Sagarmatha Pollution Control Committee)** ou **Everest Cleaning Campaign** jouent un rôle essentiel sur le terrain.
Est-ce que la pollution menace l’environnement local ?
Oui. En plus de la pollution visuelle, certains déchets (métaux, plastiques, excréments humains) contaminent l’eau et les sols. Le **glacier de Khumbu**, crucial pour les villages en aval, est directement exposé à cette pollution.
Pourquoi continue-t-on de grimper l’Everest malgré ce problème ?
Parce que l’Everest fait rêver. C’est un business touristique colossal pour le Népal : **chaque permis coûte environ 11 000 $**. En moyenne, plus de 500 personnes atteignent le sommet chaque saison. Le mythe est plus fort que l’éthique… comme souvent.
Et en France alors ? Nos montagnes sont-elles épargnées ?
Pas du tout. Le Mont-Blanc, le Canigó, le Ventoux ou les Calanques voient des pics de fréquentation et de pollution chaque été. La différence, c’est qu’on en parle moins. Pourtant, les déchets s’accumulent aussi. Et c’est souvent plus hypocrite : on dénonce l’Everest, mais on ne voit pas les mouchoirs au bord de nos sentiers.
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