En cette fin d’année, plusieurs traileurs français ont pris la direction de destinations situées à des milliers de kilomètres de l’Europe pour conclure leur saison.
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Des voyages spectaculaires, largement relayés sur les réseaux sociaux, qui interrogent autant par leur dimension sportive que par leur coût environnemental.
Pourquoi ces athlètes explosent leur empreinte carbone en fin d’année
Des finales de trail à l’autre bout du monde
Le cas le plus visible est celui de Ludovic Pommeret, qui s’est envolé pour la Polynésie française afin de participer à la première édition du Tahiti Moorea Ultra Trail, finale de la Ligue Ultra. Arrivé à Tahiti après environ 22 heures de vol, il dispose de quelques jours pour encaisser le décalage horaire et le choc climatique avant de s’élancer sur un ultra de 85 km et 4 000 m de D+. Arthur Joyeux-Bouillon, également engagé, a suivi le même itinéraire. Les images diffusées montrent un accueil festif et une immersion culturelle immédiate, mettant en scène un exotisme assumé.
Pendant ce temps, Clément Deffrenne a pris la direction d’Oman pour une course disputée en pleine chaleur désertique. Ces déplacements interviennent en toute fin de saison, après une année déjà bien remplie, et reposent sur des vols long-courriers, souvent multi-escales.
Tous ces faits sont publics, documentés, assumés. Ils illustrent la façon dont le trail international se déploie désormais à l’échelle planétaire, avec un coût carbone rarement questionné publiquement.
Cas concrets
Empreinte carbone de Ludovic Pommeret (trail uniquement) : 11 tonnes contre 2 recommandées
Résidant en France, Ludovic Pommeret a pris l’avion en 2025 pour participer à la Hardrock 100 (États-Unis), à la Diagonale des Fous (La Réunion) et au Tahiti Moorea Ultra Trail. Ces seuls déplacements représentent environ 11 à 12 tonnes de CO₂, uniquement pour le transport aérien, soit environ 5 à 6 fois l’empreinte annuelle recommandée (2 tCO₂ par personne).
Empreinte carbone de Clément Deffrenne (trail uniquement) : 11 tonnes contre 2 recommandées
Résidant à l’île Maurice, Clément Deffrenne a pris part en 2025 à des courses en France, en Amazonie, à Berlin et à Oman. Rien que ces allers-retours intercontinentaux représentent environ 11 à 12 tonnes de CO₂, soit 5 à 6 fois le seuil annuel soutenable.
Pourquoi ces choix ?
Le trail est aujourd’hui un sport mondialisé. En quelques années, il est passé d’une pratique locale à un circuit international structuré, avec des finales réparties sur plusieurs continents. La fin d’année concentre souvent les épreuves “prestige”, vécues comme l’aboutissement d’une saison.
Pour les athlètes en recherche de visibilité ou engagés dans une logique de performance, ces courses peuvent répondre à des attentes contractuelles ou à des objectifs de classement. Mais ce n’est pas toujours le cas.
À ce titre, certains profils interrogent.
Ludovic Pommeret, vainqueur de toutes les grandes courses, n’a plus rien à prouver sportivement. Officiellement retraité de sa carrière professionnelle, il reste ambassadeur pour Hoka. Qu’est ce qui l’oblige à se rendre à l’autre bout du monde. Sa participation à une épreuve à Tahiti relève de quel impératif. Il s’agit, a priori, d’un choix personnel, assumé comme tel.
Clément Deffrenne, de son côté, a quitté son emploi salarié pour se consacrer à une activité indépendante de créateur de contenu autour du trail. Son déplacement à Oman, comme ses précédents voyages en Amazonie ou en Europe, s’inscrit là aussi dans une dynamique personnelle, éditoriale, médiatique — mais sans obligation compétitive formelle.
Ces exemples rappellent que, dans certaines situations, les déplacements longue distance ne répondent pas à une nécessité extérieure, mais relèvent de choix individuels pleinement assumés, inscrits dans une logique de valorisation de l’image, d’expérience ou de contenu. Cela ne les rend pas illégitimes, mais souligne une réalité : l’empreinte carbone générée dans ces cas ne découle pas d’une contrainte sportive ou professionnelle identifiable, mais bien d’une trajectoire personnelle dans un univers de plus en plus tourné vers la mise en scène et l’internationalisation du trail.
Le poids décisif de l’avion
Un aller-retour entre la France et Tahiti représente plus de 5 tonnes de CO₂. Celui vers la Réunion ou Oman, entre 1,5 et 3 tonnes. À titre de comparaison, l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 suppose de rester sous les 2 tonnes annuelles… toutes activités confondues.
Ces déplacements pèsent bien plus lourd que tout le reste : entraînement, alimentation, matériel ou trajets du quotidien. C’est le transport aérien, et lui seul, qui fait exploser l’empreinte carbone du trail.
Un sport de nature… pris dans ses contradictions
Le trail continue de se raconter comme un sport simple, proche de la terre, respectueux des paysages. Mais la logique actuelle – circuits globaux, finales exotiques, storytelling sur Instagram – repose sur des choix qui contredisent cette image.
Finir l’année à Moorea ou à Oman, c’est aussi incarner une forme de paradoxe : courir en pleine nature, mais pour cela, prendre l’avion à l’autre bout du monde. Ce paradoxe n’est pas individuel. Il est structurel.
📌 Données clés sur l’empreinte carbone
🎯 Objectif soutenable : 2 tonnes de CO₂ par an et par personne
🌍 Moyenne en France : 8 à 9 tonnes par an
🛫 Un aller-retour long-courrier : 3 à 6 tonnes de CO₂ selon la destination
🏃♂️ En trail : un seul déplacement intercontinental suffit à dépasser l’objectif annuel
En résumé, on est devant un problème systémique, pas moral
Personne ne dit que ces athlètes sont “en faute”. Ils répondent à une logique d’invitations, de performances, de storytelling. Mais le système dans lequel ils évoluent, lui, pose question.
Le trail est-il prêt à assumer les conséquences climatiques de sa mondialisation ? Va-t-on continuer à organiser des finales aux antipodes chaque décembre ? Ou faudra-t-il repenser ce modèle pour rester fidèle aux valeurs que la discipline revendique ?
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