Transat Café L’Or en direct – Jour 5
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Mathieu Blanchard en grande difficulté : « Je suis vidé, sans force, j’encaisse »
La Transat Café L’Or n’est pas qu’un défi stratégique. C’est une épreuve physique et mentale d’une rare intensité. Et ce cinquième jour de course vient cruellement nous le rappeler. À bord de MSIG Europe, Mathieu Blanchard touche ses limites. Terrassé par le mal de mer, privé d’alimentation, il livre un témoignage bouleversant sur les conditions vécues à bord. En mer, il n’y a pas de filtre. Juste la vérité nue.
Mais avant de s’effondrer physiquement, Mathieu Blanchard avait une raison forte d’être là. On ne se lance pas dans une traversée de l’Atlantique par hasard, encore moins quand on vient du monde du trail. Il faut une motivation puissante, un appel intérieur, un besoin de se confronter à autre chose. À l’océan, au silence, à l’inconnu.
Un ultra-traileur sur un IMOCA : pourquoi il fait ça ?
Mathieu Blanchard n’est pas là par hasard. L’homme a l’habitude de repousser ses frontières : UTMB, aventures extrêmes, défis en haute altitude… mais jamais il n’avait affronté l’océan. Cette traversée, il l’a choisie comme un nouveau terrain d’exploration. En embarquant avec Conrad Colman, navigateur chevronné, il voulait vivre le large, découvrir une autre discipline, et tester sa résilience ailleurs que sur les sentiers.
Mais la mer ne pardonne pas l’inexpérience. Et dès les premiers jours, le choc est rude.
Le mal de mer comme point de rupture
Depuis le départ, MSIG Europe navigue « au près », c’est-à-dire face au vent, dans une mer formée. Chaque vague est une secousse.
🌊 Le mal de mer n’est pas une fatalité (et oui, on peut l’anticiper)
On croit souvent que le mal de mer est inévitable, surtout lorsque le bateau navigue « au près », face au vent. C’est faux. Même dans une mer secouée, les navigateurs expérimentés anticipent et limitent fortement les nausées. Le corps peut apprendre à supporter le mouvement, comme il apprend à encaisser le dénivelé en trail.
Ce qui fonctionne réellement :
• Prévention médicale : patchs anti-nausée (type Scopoderm), comprimés (Mercalm / Nausicalm). Ils doivent être posés avant que les symptômes arrivent, pas après.
• Alimentation adaptée : petites portions salées, jamais sucrées, jamais grasses. Grignoter en continu évite la vidange gastrique.
• Hydratation fractionnée : boire plusieurs petites gorgées souvent, jamais un gros volume d’un coup.
• Position du regard : toujours regarder l’horizon, jamais les écrans dans la cabine. Le cerveau doit synchroniser ce qu’il voit avec ce qu’il ressent.
• Habituation progressive : les skippers expérimentés passent les premières heures dehors, la tête au vent, pour que le cerveau « comprenne » le mouvement.
Ce qui aggrave le mal de mer :
• Rester enfermé dans le bateau (champ visuel fixe = cerveau perdu).
• Lire, manipuler des écrans ou des cartes (désynchronisation sensorielle).
• Se lever trop vite, ou faire des gestes brusques.
• Être à jeun trop longtemps : le ventre vide favorise les vomissements.
Le mal de mer n’a rien à voir avec le courage ou le mental. C’est un conflit neurologique : les oreilles internes disent « ça bouge », les yeux disent « ça ne bouge pas ». Le cerveau panique… et déclenche la nausée comme mécanisme de défense.
Mathieu Blanchard, lui, a été plongé directement dans la tempête et dans un mode de navigation parmi les plus violents pour un débutant. Pas de phase d’adaptation, pas le temps de se régler, pas d’exposition progressive. Résultat : son corps a saturé.
C’est donc un fait : on peut anticiper le mal de mer, mais pas quand on découvre la voile dans une dépression à cinquante nœuds.
Chaque geste devient pénible. Et pour Mathieu Blanchard, c’est un calvaire.
Il en parle avec franchise dans son journal de bord :
« Je suis beaucoup malade. J’ai vomi pendant des heures, j’étais couché par terre, misérable. »
« J’ai l’impression d’être en week-end d’intégration étudiant, avec la gueule de bois en permanence. »
L’humidité, le froid, les nausées, la fatigue… tout s’accumule. À bout de forces, il peine même à se déplacer sur le bateau :
« Juste me déplacer, c’est compliqué. »
Pendant plus de deux jours, il ne garde aucun aliment. Il le dit lui-même :
« Je donne tout ce que j’ai pour aider Conrad dans les manœuvres, même si ce n’est pas grand-chose. »
Conrad Colman : lucide et solidaire
À bord, Conrad tient bon. Dans un message audio empreint de sincérité, il décrit la situation sans détour :
« C’est un peu deux salles, deux ambiances. Moi, j’ai la banane… mais Mathieu est BHS. »
(BHS, pour « Bouffé Hors Service », dans le jargon de bord.)
Malgré la difficulté, Conrad garde un regard bienveillant et admiratif :
« Hier, Mathieu m’a dit : vous, les navigateurs, vous êtes fous. »
Pour lui, cette aventure est aussi l’occasion de voir son quotidien avec les yeux d’un autre. Une passerelle entre la montagne et l’océan, entre l’ultra et la course au large. Une fraternité se construit dans l’adversité, et leur duo tient bon, même déséquilibré.
Le tournant météo : espoir à l’horizon
Après plusieurs jours de galère, la météo bascule enfin. La dépression est derrière eux, le vent tourne, et MSIG Europe file plein Sud vers les Canaries. Les voiles se redéploient, l’air se réchauffe, et le moral remonte doucement.
Conrad, toujours aussi combatif, résume la situation :
« Le pire est passé. Je largue les ris, on remet de la puissance dans le bateau ! »
Au classement IMOCA, le duo pointe désormais en 18e position, mais ce qui compte, c’est la dynamique. Une dorsale anticyclonique ralentit les leaders, et leur route au large du Portugal pourrait leur permettre de recoller au peloton. La course n’est pas finie, elle se joue encore.
Une immense leçon d’humilité
Dans une autre vidéo publiée ce jour, Mathieu Blanchard parle sans filtre :
« Je ne suis plus grand-chose ici. J’encaisse. La mer et le bateau me donnent une immense leçon d’humilité. »
Ces mots résonnent fort. Parce qu’ils viennent d’un homme habitué à l’effort, à la douleur, au dépassement. Mais ici, en mer, tout est différent. Pas de chrono, pas de public, pas de finish line. Juste un corps à bout et un océan indifférent.
Et si cette course ne fait pas briller Mathieu aujourd’hui, elle le transforme. Profondément.
Résumé du jour : deux vitesses, un seul cap
Conrad Colman continue de porter l’équipage. Mathieu Blanchard, lui, tente de remonter la pente. Chaque minute passée vers le Sud leur apporte un peu plus de répit. Et peut-être que dans ce nouvel air, plus chaud, plus stable, un second souffle viendra.
Ce Jour 5 ne marque pas une victoire. Mais un point de bascule. Celui d’un homme qui, en perdant pied, trouve un autre ancrage. Et peut-être une autre façon de courir… en mer.
Transcriptions des déclarations publiques de Mathieu Blanchard
(0:00) C’est vendredi 31 octobre, bon ça fait maintenant trois jours que je suis (0:05) sacrément malade, impossible de bouffer dès que je mange un truc, je repeins le (0:09) bateau. Ma foi, c’est pas si mal, ça change un peu la déco. J’ai l’impression (0:13) d’être en week-end d’intégration étudiant là avec la gueule de bois en (0:16) permanence et donc en gros la raison technique c’est que, outre le fait que je (0:21) suis vraiment débutant, c’est que depuis le début on fait quasiment que du pré (0:24) dans une mer très formée, en gros on va contre le vent plutôt que de la (0:29) borde arrière et qui te pousse et ça c’est vraiment dur, tu te prends toutes (0:32) les vagues de face, ça te démonte.
Et ce qui est super dur c’est qu’à force de (0:36) pas manger et pas boire, je m’épuise. Juste de se déplacer sur le bateau c’est (0:41) compliqué mais bon voilà je me bats avec le peu de force que j’ai au moins (0:45) pour aider Conrad dans les manœuvres. Je donne tout ce que j’ai mais même si (0:49) c’est pas pas grand chose.
Et le petit truc positif qu’on a aujourd’hui là c’est (0:53) qu’on sent qu’on descend vers le sud parce que l’air se réchauffe et ça fait (0:57) du bien déjà au moins de plus geler.(0:00) Journal de bord, je ne sais plus quel jour on est, je suis beaucoup malade. (0:04) Je n’ai pas envie de jouer les super-héros et d’être transparent. (0:07) La tempête d’aujourd’hui, ça m’a explosé, ça m’a décalqué.
(0:10) Je commence à me sentir très mal, puis d’énorme mal de mer. (0:15) Ça a été vomiteux pendant des heures et des heures. (0:17) Couché par terre, j’étais misérable.
(0:20) Je relève un peu la tête ce soir pour faire du calme et je suis encore cuit. (0:25) L’humidité permanente, le froid, les nausées, je n’ai plus de force. (0:28) C’est difficile de se déplacer sur le bateau au milieu de ces grosses vagues.
(0:33) Franchement, les skippers solitaires, vous êtes tous des guerriers et des guerrières. (0:36) J’hallucine comment vous faites de tenir dans ces conditions. (0:40) Surtout Conrad, qui a fait une totale journée en solitaire.
(0:44) C’est vraiment dur pour moi de vous sentir comme une type comme ça. (0:48) J’espère maintenant qu’une chose, que de meilleures journées arrivent.
Sources






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Mention éditoriale :
Cet article repose sur les publications publiques de Mathieu Blanchard et de son coéquipier Conrad Colman, diffusées via les canaux officiels de la Transat Café L’Or (vidéos, audios, stories, cartographie live). Le titre « Mathieu Blanchard au plus mal » reflète l’état de santé décrit par l’athlète lui-même dans ses journaux de bord. Il ne s’agit pas d’un jugement personnel ni d’un commentaire médical, mais d’un résumé journalistique fidèle à ses propres mots.
Le contenu vise à informer et à faire comprendre la réalité physique d’un défi extrême en mer, avec respect, précision et contextualisation. uTrail salue le courage de l’ensemble des participants à la Transat, et notamment la transparence de Mathieu Blanchard, dont les partages contribuent à mieux faire connaître les exigences de la course au large.







