Joyline Chepngeno disqualifiée : la Kényane perd Sierre-Zinal et l’OCC pour dopage. L’OCC est une course de 57 km – allongée à 61km en 2025 en raison du parcours de repli activé pour cause de météo – , organisée dans le cadre de l’UTMB.
Notre video sur ce nouveau cas de dopage
Contrôlée positive au triamcinolone acétonide après sa victoire à Sierre-Zinal, Joyline Chepngeno a été suspendue deux ans par l’Athletics Integrity Unit. Ses résultats depuis le 9 août 2025, dont sa victoire à l’OCC de l’UTMB, sont annulés. Podiums réattribués, sponsor en retrait, sanctions inédites contre son entraîneur : retour détaillé sur une affaire qui secoue le trail.
La trajectoire fulgurante de Joyline Chepngeno stoppée net
Le 9 août 2025, Joyline Chepngeno franchit en vainqueure la ligne d’arrivée de Sierre-Zinal, au terme d’une course dominée avec assurance. Trois semaines plus tard, elle s’impose encore à l’OCC, l’une des épreuves phares de l’UTMB Mont-Blanc. En l’espace d’un mois, son nom s’impose comme celui d’une nouvelle star du trail kényan.
Mais ce récit de conquête est rattrapé par un contrôle antidopage effectué à Sierre-Zinal. L’échantillon prélevé est analysé au laboratoire accrédité de Cologne : la molécule détectée, la triamcinolone acétonide, est interdite en compétition. Le 1er septembre, l’Athletics Integrity Unit (AIU), organe indépendant de World Athletics, notifie l’athlète. Le 9 septembre, la sanction tombe : deux ans de suspension, et annulation de tous ses résultats obtenus depuis le 9 août.
La chronologie des faits
– 9 août 2025 : victoire de Chepngeno à Sierre-Zinal, contrôle antidopage sur place.
– Fin août 2025 : victoire à l’OCC, UTMB Mont-Blanc.
– 1er septembre : notification par l’AIU d’un test positif à la triamcinolone.
– 8 septembre : lettre de Chepngeno à l’AIU : elle explique avoir reçu une injection en juillet pour soulager un genou douloureux.
– 9 septembre : décision officielle : suspension deux ans (jusqu’au 8 septembre 2027), annulation des résultats depuis le 9 août, publication publique.
– 9 septembre : communiqué de Sierre-Zinal : podium réattribué, sanctions élargies à son coach Julien Lyon et aux Milimani Runners.
Cette séquence, très resserrée, explique le choc pour le milieu du trail : deux victoires majeures rayées en un mois, et des podiums bouleversés.
Les podiums réattribués
À Sierre-Zinal, le podium féminin devient :
1. Caroline Kimutai (Kenya)
2. Katie Schide (États-Unis)
3. Maude Mathys (Suisse)
À l’OCC, ce sont désormais :
1. Miao Yao (Chine)
2. Judith Wyder (Suisse)
3. Maude Mathys (Suisse)
Pour Maude Mathys, double championne d’Europe de montagne et habituée aux podiums de Sierre-Zinal, ces réattributions lui offrent deux médailles supplémentaires. Ironie de l’histoire : Mathys avait elle-même été pointée du doigt en 2015 pour un avertissement médical lié à un traitement de fertilité, sans suspension. Dix ans plus tard, elle hérite de deux podiums perdus par une autre athlète sanctionnée. Son cas illustre à la fois la fragilité des carrières et la rigueur croissante des instances.
Qui fait quoi en matière d’antidopage ?
Pour comprendre tout cela, il faut distinguer plusieurs acteurs.
- La WADA (World Anti-Doping Agency / AMA) : définit chaque année la liste des substances interdites et les standards mondiaux.
- L’AIU (Athletics Integrity Unit) : organe indépendant de World Athletics, chargé de traiter les cas concernant l’athlétisme et ses disciplines associées, dont le trail et la course en montagne. C’est elle qui a sanctionné Chepngeno.
- Les agences nationales (ex. Swiss Sport Integrity) : réalisent les contrôles sur le terrain, ici à Sierre-Zinal, et envoient les échantillons à des laboratoires accrédités.
- Les AUT (Autorisations d’Usage à des fins Thérapeutiques) : permettent à un athlète d’utiliser légalement une substance interdite, à condition de déposer une demande justifiée à l’avance. Chepngeno n’en avait pas fait la démarche.
C’est l’absence d’AUT, combinée à une injection interdite en compétition, qui explique sa suspension.
Réactions fermes
La réaction de Salomon, sponsor de Chepngeno depuis le printemps 2025, a été immédiate : rupture du partenariat. Du côté de Sierre-Zinal, les organisateurs ont frappé fort. Dans leur communiqué du 9 septembre, ils confirment la disqualification, interdisent Chepngeno pendant deux ans, et surtout sanctionnent son entraîneur Julien Lyon ainsi que toute son équipe, les Milimani Runners : bannissement des prochaines éditions, remboursement des frais engagés et possibilité de dédommagement pour atteinte à l’image.
Une mesure exceptionnelle dans le trail, qui élargit la responsabilité au-delà de l’athlète pour toucher l’encadrement.
Volontaire ou erreur ?
La grande question, dans tout dossier antidopage, est celle de l’intentionnalité. L’AIU a retenu qu’il n’existait pas de preuve que Chepngeno ait cherché volontairement à améliorer sa performance. Elle a reconnu une injection reçue en juillet pour un genou douloureux. La sanction appliquée est donc la sanction “médiane” : deux ans. Si l’intentionnalité avait été retenue, elle aurait écopé de quatre ans.
À ce niveau de compétition, où les athlètes sont entourés de professionnels et soumis à des règles bien connues, l’argument de l’erreur devient plus difficile à défendre, en particulier lorsque plusieurs cas similaires se répètent dans un même contexte.
Un coup dur pour le trail kényan
Ce n’est pas la première fois que le Kenya est touché à Sierre-Zinal. En 2022, Mark Kangogo avait perdu sa victoire pour dopage (norandrostérone et triamcinolone), et Esther Chesang avait également été sanctionnée pour la même molécule. Avec Chepngeno, c’est la troisième disqualification en trois ans, toujours sur la même course.
Sierre-Zinal concentre ces révélations car c’est l’une des rares épreuves à mettre en place des contrôles systématiques, en lien avec Swiss Olympic et la WADA. L’impression d’une série noire traduit en réalité un renforcement des contrôles, là où d’autres épreuves restent peu testées.
Le signe d’un virageL’affaire Chepngeno dépasse la disqualification d’une athlète. Elle marque l’entrée du trail dans une ère de rigueur : contrôles réguliers, sanctions rapides, sponsors vigilants, organisateurs qui vont jusqu’à sanctionner un coach et une structure entière. Pour beaucoup, c’est le signe que le trail quitte l’illusion d’un sport “propre” par nature et se rapproche des standards des autres disciplines d’endurance. Le trail grandit, parfois dans la douleur.
Lire nos précédents articles sur l’OCC et l’UTMB
- UTMB 2025 : la victoire d’ASICS… et la défaite de Salomon
- Résultat UTMB : Walmsley et Chepngeno s’imposent sur une OCC 2025 dantesque
- Le titre « L’UTMB éclaboussé par une affaire de dopage » ne vise pas à mettre en cause l’organisation de l’UTMB elle-même, mais à souligner que l’épreuve de l’OCC, intégrée au programme officiel de l’événement, a été impactée par la disqualification d’une athlète pour dopage. Cette formulation reflète les répercussions indirectes mais réelles que ce type d’affaire peut avoir sur l’image globale de la compétition.