À plus de 5 000 mètres d’altitude, au cœur des vents himalayens, l’Everest Sky Race a fait son grand retour après dix ans d’absence. Mais une question s’impose : pourquoi organiser un trail ICI ?
Explorer une planète qu’on contribue à abîmer
Depuis toujours, les Sherpas arpentent les vallées du Khumbu. Chaque année, des milliers de marcheurs rejoignent le camp de base de l’Everest. Mais là, il ne s’agit plus de randonner. Il s’agit de courir. De chronométrer. D’installer une course à étapes à plus de 5 000 mètres, sur des chemins rendus vulnérables par la fréquentation, le réchauffement, et parfois les déchets laissés derrière.
L’Everest Sky Race se rêve comme une épopée. 280 kilomètres annoncés, 17 000 mètres de D+, des cols à 5 300 mètres, l’Island Peak (6 189 m) en option… Mais en 2025, la quête d’aventure peut-elle encore se justifier si elle repose sur l’usage massif de l’avion, sur des kilomètres de logistique déployée dans un milieu fragile, et sur une glorification de la performance individuelle ?
On ne peut plus explorer la planète comme si elle était infinie. Explorer pour bousiller, ça n’a pas de sens. Courir là-haut, c’est bien. Mais à quel prix ?
L’organisation limite l’Everest Sky Race à 40 participants, dont seulement 30 % sont Népalais.
Le reste vient d’Europe, avec des trajets aériens longs et une logistique assistée (porteurs, guides, lodges). Chaque coureur consomme en moyenne plus de 1 tonne de CO₂ pour l’aller-retour Paris-Kathmandu. Le Népal délivre déjà plus de 1 200 permis annuels pour l’Everest, générant jusqu’à 10 tonnes de déchets par saison sur l’axe Lukla–camp de base.
Cette Sky Race s’ajoute à une zone déjà saturée, malgré un encadrement local renforcé.
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Pourquoi y aller ?
Certains participants évoquent une quête intérieure, une volonté de relier sport, spiritualité et nature. D’autres cherchent le défi ultime, loin des grandes messes marketing du trail mondial. Et c’est vrai : cette course n’a rien de banal. Elle est rude. Technique. Engagée. Elle requiert acclimatation, résilience, esprit d’équipe. Mais faut-il aller aussi loin – au propre comme au figuré – pour vibrer ?
En 2025, on peut comprendre qu’un traileur rêve de l’Himalaya. Mais organiser un événement codifié, balisé, chronométré, à cet endroit précis, dans ce contexte climatique, soulève des doutes. Si même le trail devient un prétexte pour du tourisme sportif carboné, où est la ligne rouge ?
Participer à l’Everest Sky Race 2025 coûte entre 3 000 et 4 500 €
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Le tarif exact dépend des options choisies : vol international inclus ou non, nombre de jours sur place, extension au Mera Peak. L’inscription seule est estimée autour de 2 800 à 3 200 €, à laquelle s’ajoutent les vols (environ 900 € depuis Paris), l’assurance obligatoire (environ 150 €), les transferts, l’équipement haute montagne et les frais d’acclimatation. Pour un coureur occidental, le budget global peut dépasser 4 500 €.
Cette somme ne comprend pas l’impact carbone du voyage, estimé à plus de 1 tonne de CO₂ pour l’aller-retour en avion.
Une course ou une expédition ?
L’Everest Sky Race n’est pas un trail classique. C’est une aventure. Un trek d’altitude survolté. Une expédition déguisée en compétition. On y part pour 20 jours. On s’y engage avec une équipe locale, un encadrement médical, des yaks et des porteurs. On dort en lodge, parfois sous tente, dans des zones peu accessibles. La frontière entre sport et voyage est floue. Et c’est bien ce qui rend ce format aussi unique… et aussi critiquable.
On ne peut pas reprocher à ceux qui participent de rêver. Mais on peut questionner le modèle qu’on reproduit. Est-ce encore du trail ? Ou bien une niche d’ultra-privilégiés capables de vivre un fantasme à haute altitude, sans assumer collectivement l’impact de leur passage ?
L’Everest Sky Race n’est pas un trail comme les autres
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C’est une traversée des sommets, une immersion au-delà des limites, mais aussi une épreuve qui interroge notre rapport à la performance, à la nature et au sacré. Entre fascination et dérive, la question reste posée.
Résultat, compte rendu et classement de la 10e édition de l’Everest Sky Race ?
Prévue du 17 octobre au 4 novembre, la course a été raccourcie en raison du cyclone Montha. Au lieu de 280 kilomètres, les participants ont bouclé 175 kilomètres pour 11 000 mètres de D+, répartis sur 12 étapes (9 chronométrées, 3 de liaison). Malgré des conditions météo très difficiles – vents violents, neige, pluie – les 40 partants sont tous arrivés au bout. Un exploit collectif rare à ces altitudes.
Le parcours longeait les crêtes et vallées du Solukhumbu, avec vues sur le Lhotse, l’Ama Dablam, le Makalu. Plusieurs cols dépassaient les 5 000 m. Et pour les plus audacieux, une extension alpinisme leur a permis de gravir le Mera Peak (6 476 m) en conditions hivernales. Huit coureurs y sont parvenus, dont Fleury Roux et Magali Mellon.
Les résultats : les locaux au sommet
Le Népalais Upendra Sunuwar s’impose en 28 h 29, devant le Français Jérémy Yvinec (29 h 23) et la Népalaise Ang Furba Sherpa (29 h 40). La Française Mahauld Granier termine 4e. Cinq Népalais figurent dans le top 10, dont Chhoki Sherpa et Ashok Baram. À noter : quatre femmes dans le top 10, une rareté sur ce type de format extrême.
Le « Challenge de la Sportivité » a été attribué à Lucas Furet, 9e, qui a également poursuivi l’aventure jusqu’au Mera Peak. La liste complète des finishers montre aussi une grande variété d’origines – France, Grèce, Japon – preuve que l’attrait de cette course dépasse les frontières, même au prix de plusieurs tonnes de CO₂.
La prochaine édition est prévue en 2027. Deux autres formats sont déjà annoncés : le Mandala Spirit en 2026, et une nouvelle Great Himal Race en 2028. L’Himalaya est vaste. Mais fragile. Et même les sentiers les plus élevés ne sont jamais au‑dessus des critiques.
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