Les inscriptions aux courses en sentier se vendent à une vitesse jamais vue. Mais cette popularité soudaine pourrait bien changer le visage du sport qu’on aime.
On en parlait la semaine passée, l’Alpenglow 100 a affiché complet en cinq heures. Boréalys Mont-Tremblant ? En une journée. Les courses québécoises et canadiennes populaires disparaissent des plateformes d’inscription plus vite qu’une paire de billets pour le spectacle de Taylor Swift.
Le trail est en feu au Canada. Et honnêtement, cela fait peur.
L’effet de mode qui inquiète
Parce que oui, c’est formidable de voir plus de gens découvrir la course en sentier. Plus de coureurs, ça veut aussi dire plus d’événements, plus de visibilité pour le sport, peut-être même plus d’investissements dans les sentiers et les infrastructures. Sur papier, c’est gagnant pour tout le monde.
Mais il y a un autre côté à cette médaille. Celui qu’on préfère ne pas trop regarder, mais qui existe quand même.
Quand une course affiche complète en quelques heures, ça crée une pression énorme sur les coureurs. Fini le temps où l’on pouvait prendre quelques jours pour réfléchir à son inscription. Maintenant, c’est une course dès l’ouverture des inscriptions. Le phénomène est visible depuis des années en France. On hésite ? Trop tard, c’est complet.
La course aux inscriptions qui remplace la course elle-même
Cette frénésie risque de transformer l’expérience. Au lieu de choisir une course parce qu’elle résonne avec chacun, beaucoup finissent par s’inscrire par peur de manquer leur chance. On voit apparaître des coureurs qui s’inscrivent à des événements pour lesquels ils ne sont pas prêts, juste pour avoir leur place. Cela entraîne des places gâchées, une hausse des blessures, des départs qui pourraient ressembler à des marathons urbains et une atmosphère qui pourrait perdre une partie de son authenticité.
Et puis il y a la question des sentiers eux-mêmes. Le trail, c’est censé être une communion avec la nature, une façon de s’échapper des foules. Mais si cinq cents coureurs se retrouvent sur le même single track en même temps, n’y a-t-il pas un risque de perdre ce qui fait le charme du sport ? Sans parler de l’impact environnemental.
Le risque de perdre ce qui fait notre différence
Le trail au Canada n’a jamais été aussi populaire, c’est vrai. Mais cette popularité rapproche dangereusement du modèle européen ou américain. On commence à ressembler aux grandes courses de l’UTMB, avec leurs milliers de coureurs et leur ambiance de festival.
Est-ce vraiment ce que veulent les pratiquants ? Une des forces du trail canadien, jusqu’à maintenant, c’est ce côté accessible, humain. Des événements où l’organisateur peut encore échanger avec les coureurs, où les départs ne ressemblent pas à un sprint urbain, où l’on peut s’arrêter au ravitaillement sans se faire bousculer.
Ces courses existent encore. Mais si la tendance se maintient, combien de temps avant qu’elles affichent toutes complètes en quelques heures ? Avant d’embarquer sur un départ qui ressemble au marathon d’Ottawa, où il faut attendre avant de pouvoir vraiment courir ? Faudra-t-il se rabattre uniquement sur les courses plus sauvages comme l’UTCC ?
Trouver l’équilibre


Il ne s’agit pas de fermer la porte aux nouveaux venus. Le trail a besoin de sang neuf, de diversité, d’énergie fraîche. Mais il devient urgent de réfléchir à la manière de préserver la beauté de ce sport pendant sa croissance.
Peut-être que les organisateurs doivent limiter davantage le nombre de participants pour protéger les sentiers et l’expérience. Peut-être que l’ouverture des inscriptions par vagues pourrait éviter cette ruée incontrôlable. Il serait aussi temps d’arrêter de glorifier les courses sold out comme des symboles de succès, et de valoriser celles qui prennent le temps de bien faire les choses.
Parce qu’au final, si le trail devient une course aux inscriptions plutôt qu’une course en montagne, la popularité augmentera… mais l’authenticité risque de disparaître. Un sacrifice que beaucoup ne sont pas prêts à accepter.
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