Mathieu Blanchard souffre à bord de MSIG Europe, pendant que les vainqueurs sabrent le rhum en Martinique
Acheter le livre de Mathieu Blanchard
Transat Café l’OR – Depuis le 26 octobre, il navigue vers l’inconnu. Quinze jours plus tard, le 9 novembre, il n’en voit toujours pas le bout. À bord de MSIG Europe, le duo formé par Mathieu Blanchard et Conrad Colman en bave.
Loin, très loin derrière les premiers IMOCA déjà arrivés en Martinique, ils continuent de lutter, jour après jour, dans des conditions éprouvantes. Et pour Mathieu, l’un des meilleurs ultra-traileurs français, cette traversée tourne à l’épreuve physique et mentale.
« Ma Garmin me montre des datas santé cata depuis dix jours », lâche-t-il, visiblement inquiet. « Je ne sais pas si je serai encore capable de courir en arrivant. » Le corps parle, et il ne ment pas. Retour sur une traversée pas comme les autres.
MSIG Europe, un bateau à la traîne mais un duo tenace
Quand Jérémie Beyou et Morgan Lagravière ont franchi la ligne d’arrivée au large de Fort-de-France le 7 novembre après 11 jours de course, Mathieu Blanchard n’était encore qu’à mi-parcours.
Sur son bateau, les avaries continuent de s’accumuler
Depuis le départ, l’IMOCA MSIG Europe accumule les galères. Tout a commencé dès la première nuit, avec une panne du pilote automatique. Un incident critique pour un bateau de course au large, surtout en duo. À peine le temps de souffler qu’un autre coup dur frappe : le radar est arraché, forçant le duo à faire escale à Roscoff pour réparer. L’équipage perd un temps précieux, pendant que la tête de course s’envole déjà vers le large.
Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là. Après quelques jours de navigation, le bateau est renversé par une grosse vague. Il se couche violemment. Conséquence immédiate : la voile avant est déchirée et rendue inutilisable. L’intérieur du bateau est inondé. Les conditions à bord deviennent rapidement infernales. « C’est vraiment un sauna ce bateau », résume Blanchard. Dans cette atmosphère suffocante, les poissons volants s’infiltrent partout, jusque dans les moindres recoins, ajoutant à la fatigue mentale une ambiance d’insalubrité permanente. Et pour couronner le tout, les systèmes de communication et de navigation sont constamment sous tension.
Ce contexte transforme la traversée en une épreuve de survie. Alors que les leaders — Charal, 11th Hour Racing, MACIF — ont rejoint Fort-de-France en une dizaine de jours, Mathieu Blanchard et Conrad Colman n’en sont qu’au deux tiers du parcours. Ils font le dos rond, avancent comme ils peuvent, mais chaque manœuvre devient une lutte. « Je m’étais projeté sur 15 jours. Ça fera plutôt trois semaines au final », souffle Mathieu dans une vidéo. Et cette semaine de plus change tout. « Je m’inquiète pour mon corps », répète-t-il avec la lucidité d’un traileur qui connaît ses limites.
Ce n’est plus une course, c’est un film catastrophe dont il ne voit pas encore la fin. « Je ne sais pas si je serai encore capable de courir en arrivant », glisse-t-il. Même sa montre Garmin clignote rouge depuis dix jours. Mais il tient. Il apprend. Et il continue de raconter, sans filtre, l’histoire d’un ultra marin comme aucun autre.
Pourquoi il fait ça ? Une traversée entre défi personnel et message collectif
Mathieu Blanchard ne quitte pas le trail. Il l’élargit.
Cette traversée de l’Atlantique n’est pas un détour, ni un coup de com’. C’est le prolongement naturel d’un parcours entamé dans la jungle de Koh-Lanta, poursuivi sur les sentiers de l’UTMB, et désormais projeté vers le large. Il ne cherche pas un podium, encore moins une performance à tout prix. Ce qu’il veut, c’est rester fidèle à son fil rouge : aller là où le corps n’est jamais allé, et y tenir.
Avec Conrad Colman, navigateur chevronné et finisher du Vendée Globe, il a formé un duo improbable mais cohérent : un pacte d’endurance, une double transmission.
Dans un premier temps, Blanchard apprend de Colman les règles impitoyables de l’océan. À l’arrivée, c’est lui qui deviendra coach trail pour son co-skipper. La montagne après la mer. Une boucle. Une vraie aventure croisée.
Il ne s’agit pas d’une reconversion, mais d’un changement d’échelle. Il passe du dossard au ciré. Et si son corps commence à accuser le coup, s’il confie que « sa Garmin affiche des datas santé kata depuis dix jours », c’est parce que cette Transat est un ultra d’un autre genre : pas de balises, pas de ravitaillements, juste le vent, les vagues, la solitude, et la fatigue qui s’accumule. Une épreuve de résistance, pas une course contre la montre
En face, les machines à gagner déroulent
Sur les autres IMOCA, c’est une autre histoire. Charal s’est imposé avec brio : 5 467 milles nautiques parcourus à une vitesse moyenne de 19,25 nœuds. Beyou et Lagravière ont tout maîtrisé, jusqu’à la dernière nuit. Même chose pour 11th Hour Racing, 2e, qui signe un podium historique avec la présence de Francesca Clapcich, première femme à figurer sur le podium depuis vingt ans. Derrière, MACIF Santé Prévoyance complète le trio. Trois IMOCA récents, optimisés pour les alizés, menés par des duos expérimentés et affûtés.
Mathieu, lui, continue d’apprendre, de prendre la mer comme elle vient, et d’en baver. Il est loin derrière, mais il tient. Il ne poste pas des vidéos léchées depuis le pont arrière, il filme sa fatigue, son visage buriné, ses mains abîmées. Et il répète une phrase qui en dit long : « Je ne sais pas si je serai encore capable de courir en arrivant. »
En résumé, il reste encore sept jours à tenir
Le moral tient grâce à l’humour. Malgré la situation, il ironise sur les poissons volants, l’odeur suspecte à bord, et les marins déjà à l’apéro. Il sait qu’il lui reste encore une semaine en mer. Il sait aussi que cela ne sera pas simple. Mais il tient. Et à travers lui, c’est toute une communauté de coureurs, de traileurs, de passionnés d’ultra qui découvre ce que veut dire tenir la barre quand tout tangue.
Dans quelques jours, il posera le pied sur la terre ferme. Peut-être fatigué. Peut-être incapable de courir. Mais riche d’une expérience rare. Loin des podiums, mais au cœur de l’essentiel.
Transcription de la story de Mathieu Blanchard
(0:00) Samedi soir, désolé j’ai manqué le volcan d’hier.
(0:02) On a eu un gros souci, le bateau s’est fait renverser par une grosse vague et il s’est couché.
(0:08) Et on a complètement explosé notre grande voile d’avant, le spi.(0:11) Les premiers IMOCA sont arrivés hier en Martinique.
(0:14) C’est fou la vitesse à laquelle ils vont ces bateaux à foils.
(0:17) Je les imagine déjà en train de se taper des acras et des petits ponchs,
(0:20) pendant que nous, on cuit au soleil dans notre bulle de carbone.(0:24) C’est vraiment un sauna ce bateau.
(0:26) En plus il y a ces poissons volants qui se crachent non-stop partout.
(0:29) Ils se cachent dans tous les petits recoins.(0:30) Je peux vous dire que c’est un petit enfer l’odeur de sauce gnoc-miam à bord.
(0:34) On avance bien depuis deux jours, mais quand Conrad me dit qu’on en a encore pour sept jours,
(0:39) ça pique un peu le moral.
(0:40) Je m’étais projeté, moi, sur quinze jours.(0:42) Ça fera plutôt trois semaines au final.
(0:44) Je m’inquiète un peu pour mon corps et mon niveau de fatigue général.
(0:47) Une semaine de plus, ça fait une énorme diff.(0:50) D’ailleurs ma Garmin me montre des datas santé kata depuis dix jours.
(0:54) Je sais pas si je serai encore capable de courir en arrivant.
(0:56) Chaque chose en son temps, on verra plus tard.(0:58) Allez, belle soirée.
Lire aussi
- Pourquoi Mathieu Blanchard n’y arrive pas sur la Transat Café L’Or
- Transat Café L’OR en direct : Mathieu Blanchard est dernier(
- Transat Café L’Or en direct : le bateau de Mathieu Blanchard s’est retourné
- Mathieu Blanchard au plus mal sur la Transat Café L’Or
- Beaucoup de pannes : le bateau de Mathieu Blanchard pas au niveau






