Lors de l’édition 2025 du marathon de Paris, les organisateurs ont supprimé les bouteilles d’eau sur les ravitaillements, au nom de la lutte contre les plastiques à usage unique. Si la mesure peut sembler aller dans le bon sens, elle a aussi suscité une vague de critiques. Entre nécessité écologique et contraintes sportives, comment concilier ambitions environnementales et réalité du terrain ?
marathon de paris
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marathon de paris : Au départ, l’idée semble évidente : dans une époque marquée par l’urgence climatique, difficile de justifier l’usage de centaines de milliers de bouteilles en plastique pour quelques heures de course.
Alors, pour l’édition 2025, le marathon de Paris a dit stop. Finies les petites bouteilles individuelles sur les ravitaillements. À la place, des gobelets en carton, des fontaines d’eau, et surtout une incitation forte à ce que chaque coureur vienne avec son propre contenant.
Mais très vite, les débats ont éclaté. Car si certains y voient un progrès symbolique, d’autres dénoncent une mesure déconnectée des réalités du terrain, voire un cas d’écologie de façade, aussi appelée greenwashing. Les réseaux sociaux se sont enflammés, entre applaudissements et indignation.
Alors, que penser de cette évolution ? Et plus largement, à quoi pourrait ressembler une vraie transition écologique dans le monde des grandes courses sur route ?
Une goutte d’eau dans l’océan… logistique
En supprimant les bouteilles, les organisateurs ont voulu marquer un tournant. L’image est forte, et dans une société attentive aux symboles, elle frappe juste. Mais sur le fond, son impact reste modeste. En moyenne, sur un marathon international, les déplacements des participants représentent entre 80 et 90 % des émissions de gaz à effet de serre totales de l’événement. Les bouteilles, elles, ne représentent qu’une infime portion de cette empreinte. Or c’est justement parce qu’on les voit — jetées au sol, empilées en bord de route — qu’elles focalisent l’attention. C’est la partie émergée de l’iceberg. Mais supprimer ce qui est visible ne revient pas à traiter ce qui est significatif.
C’est ici que le greenwashing peut s’insinuer : en affichant une mesure visuelle, tangible, facile à communiquer, on donne le sentiment d’agir… tout en laissant intactes les causes profondes du problème.
Tous les gestes comptent ? Vraiment ?
On entend souvent que “chaque petit geste compte”. Et il est vrai que s’équiper d’une flasque réutilisable, éviter un déchet plastique ou refuser un t-shirt inutile a du sens. Mais attention à ne pas inverser la logique. Tous les gestes n’ont pas le même poids. Et surtout, les petits gestes individuels ne doivent pas dédouaner les grandes structures d’un changement systémique. Dire que chaque coureur est responsable de l’impact écologique d’une course, c’est faire peser une responsabilité individuelle sur des enjeux collectifs. Or, ce n’est pas le coureur qui décide du format, du lieu, du nombre de participants, du sponsoring, ni du modèle économique de l’événement.
C’est aussi là que la communication écologique peut déraper : à trop valoriser les petits gestes, on oublie qu’ils sont souvent conditionnés par des choix bien plus larges, faits en amont. Et parfois, cela devient un outil de greenwashing involontaire : on coche une case visible, mais on évite les sujets sensibles.
Par exemple en 2024, le gouvernement français et le WWF ont mis en place une charte d’engagement à destination des organisateurs d’événements sportifs.
Parmi les 15 mesures phares, plusieurs touchent directement à l’écologie :
– Réduction de 90 % du plastique à usage unique mis en circulation
– 90 % des déplacements en mobilité durable, et fin des trajets en avion de moins de 5 h remplaçables par le train
– Préservation de 100 % des sites naturels concernés, avec actions concrètes pour la biodiversité
– Maîtrise de 100 % de la consommation d’énergie et d’eau
Des objectifs ambitieux… qui n’ont pas été vraiment tenus par le Marathon de Paris. Ok pour le plastique des bouteilles, mais quid des déplacements, de la dépense d’énergie des écrans lumineux, de la communication web, etc ? Ces mesures à large échelle se trouvent vidées de leur substance si l’on se contente de gestes “visibles” comme enlever les bouteilles sans toucher aux flux de déplacement, à la surproduction, à l’artificialisation des espaces ou aux volumes de participants.
marathon de paris… Une bonne idée, mal orientée ?
Côté intentions, rien à dire. Il est sain qu’un organisateur prenne ses responsabilités. Et il est vrai que supprimer les bouteilles peut inciter certains coureurs à s’équiper de manière plus durable. Ce sont des signaux utiles. Mais encore faut-il que cela ait du sens à l’échelle du cycle de vie complet du matériel utilisé. Car un marathon n’est pas un trail, et les pratiques ne sont pas les mêmes. Les traileurs ont souvent déjà une ceinture ou un sac avec des flasques, qu’ils réutilisent à l’entraînement, en compétition ou au quotidien. Mais pour beaucoup de coureurs sur route, l’achat d’un équipement “écologique” représente un coût financier, une contrainte matérielle… et parfois un non-sens total.
Faire produire à l’autre bout du monde une flasque en plastique souple ou un sac en tissu synthétique (type polyester), uniquement pour s’en servir une fois, est probablement une aberration écologique plus grave que de consommer deux bouteilles recyclables sur un marathon. En voulant éviter un déchet visible, on risque de créer une chaîne de production opaque, polluante et injustifiée. C’est ce paradoxe qu’il faut interroger : remplacer le jetable par du “réutilisable” ne fonctionne que si l’objet est… réellement réutilisé.
Au-delà du matériel, c’est aussi l’équité sportive qui est en jeu : les élites disposent souvent d’une assistance dédiée, ont le droit aux bouteilles, pendant que les coureurs amateurs, parfois mal informés, font la queue aux fontaines ou galèrent avec un gobelet souple inefficace.
Repenser l’ensemble plutôt que corriger les détails
Si l’on veut vraiment faire évoluer les grands événements de course à pied, il faut regarder le plastique, mais également au-delà du plastique. Cela demande du courage, car cela touche au modèle même de ces courses de masse.
– Limiter le nombre de participants. Moins de coureurs, c’est moins de transport, de déchets, de bruit, de ressources mobilisées.
– Favoriser les coureurs locaux. Par des quotas ou des incitations. Cela réduit le tourisme carbone, et crée un ancrage territorial.
– Inciter au covoiturage et aux transports doux. Réductions SNCF, navettes mutualisées, parkings périphériques.
– Alléger les dotations. Moins de t-shirts produits en série, moins de médailles inutiles, moins de sacs à goodies.
– Travailler avec les partenaires. Sur leurs stands, leurs cadeaux, leurs emballages, leur présence même.
Ce ne sont pas des gestes spectaculaires. Mais ce sont des décisions structurelles, plus difficiles à vendre… et bien plus efficaces à long terme.
Vers une écologie exigeante, mais motivante
Ce débat sur les bouteilles illustre une tension bien plus large. Faut-il tout changer d’un coup ? Faut-il demander à chacun des efforts impossibles ? Certainement pas. Pourtant a-t-on encore aujourd’hui le luxe de faire autrement qu’un virage puissant ? Probablement pas non plus. Mais une chose est sûre, se contenter de gestes visibles parce qu’ils sont plus faciles à communiquer est certainement la pire idée qui soit.
Car ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas la bonne volonté, ni la capacité d’adaptation des coureurs. C’est une vision globale et pragmatique de la chose. Car toutes les données des sciences nous le disent : la question écologique devra passer par une part de décroissance, qui nous inclura toutes et tous. Alors ce dont on a besoin c’est d’une écologie qui ne divise pas entre les “bons” et les “mauvais”, mais qui crée l’envie de faire mieux, ensemble, tous embarqués dans la même course.
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