Les journalistes et les créateurs de contenu trail trop proches de la FFA, des marques, des distribteurs, des trails, des athlètes et leurs agents… où trouver une info fiable
La question n’est pas personnelle. Elle est structurelle : peut-on encore parler de presse libre lorsque ceux qui informent participent aussi à la gouvernance, à l’organisation et à l’économie du sport qu’ils couvrent ?
Le trail aime se raconter comme un sport libre, proche du terrain, affranchi des codes du sport institutionnel. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force et son attractivité auprès des amateurs. Mais à mesure que la discipline a grandi, un malaise s’est installé, plus discret, plus feutré, et pourtant central : celui de la confusion des rôles au sein de son écosystème médiatique.
Un écosystème où les frontières se brouillent
Des rôles multiples, souvent simultanés
Aujourd’hui, les frontières entre journalistes, organisateurs, instances fédérales, athlètes, marques et créateurs de contenu sont devenues poreuses. Trop poreuses. Les mêmes visages circulent d’un rôle à l’autre, parfois en même temps. Commenter une course le week-end, conseiller une institution le lundi, organiser un événement le mois suivant, puis produire un contenu présenté comme de l’information indépendante : cette accumulation de casquettes est devenue courante.
Le problème n’est pas l’engagement, mais la distance
Le trail s’est toujours construit grâce à des passionnés investis sur plusieurs fronts. Ce n’est pas en soi condamnable. Le problème commence lorsque cette proximité devient structurelle et empêche toute distance critique. Quand ceux qui racontent le trail sont aussi ceux qui le façonnent, le financent ou en dépendent économiquement, l’information cesse d’être un contre-pouvoir. Elle devient un prolongement du système qu’elle est censée observer.
Quand l’information se transforme en communication
Une critique devenue rare, parfois impossible
Dans ce contexte, la parole médiatique glisse souvent vers la communication. Les performances sont célébrées sans nuance, les décisions contestables relayées sans questionnement, les dérives minimisées ou passées sous silence. Non par complot, mais par connivence. Le milieu est restreint, tout le monde se croise sur les mêmes lignes de départ, dans les mêmes conférences, aux mêmes tables. Critiquer, c’est prendre le risque d’être mis à l’écart.
L’autocongratulation comme norme implicite
À force de proximité, un consensus mou s’installe. On se félicite entre soi, on valide les choix des uns et des autres, on évite les sujets qui fâchent. Le discours devient lisse, prévisible, rassurant pour l’écosystème, mais pauvre pour le public.
Les créateurs de contenu, entre influence et dépendance
Une visibilité massive, une indépendance fragile
Les nouveaux médias et créateurs de contenu occupent désormais une place centrale dans la visibilité du trail. Leur audience est réelle, parfois considérable. Mais leur modèle économique repose souvent sur des partenariats avec les marques, des dotations matérielles ou financières, et un accès privilégié aux événements. Cette dépendance pèse lourdement sur la liberté de ton.
Le silence comme stratégie de survie
Dans ces conditions, l’esprit critique devient un luxe. Dire ce qui dérange peut fermer des portes. Se taire est souvent plus rentable que d’analyser. Le contenu reste positif, consensuel, calibré pour ne froisser personne. L’information devient un outil d’influence plus qu’un espace de débat.
Les grands oubliés : les traileurs amateurs
Ceux qui financent le système
Ce sont pourtant les pratiquants ordinaires qui paient l’essentiel : inscriptions de plus en plus chères, matériel, déplacements, hébergements. Ce sont eux qui cherchent à comprendre ce qui se joue derrière les discours officiels, les annonces enthousiastes et les récits héroïques.
Une information lissée, peu utile
Face à eux, le paysage médiatique propose trop souvent une information autocentrée, promotionnelle, unanimiste. Peu d’enquêtes, peu de contradictions, peu de voix dissonantes. Le traileur amateur est informé, mais rarement éclairé.
Pour une information adulte et assumée
Critiquer, ce n’est pas dénigrer
Informer, ce n’est pas attaquer. Questionner, ce n’est pas nuire. Critiquer, ce n’est pas trahir un sport. C’est au contraire le respecter. Un écosystème sain accepte la contradiction, la transparence sur les conflits d’intérêts et la pluralité des points de vue.
Clarifier les rôles pour restaurer la confiance
Le problème n’est pas de désigner des coupables, mais de poser un cadre. Dire qui fait quoi. Qui finance qui. Qui dépend de qui. Assumer les liens plutôt que les dissimuler. Sans cette clarté, la confiance s’érode.
Le trail a grandi, son traitement médiatique doit suivre
Le trail n’est plus un sport marginal. Il est structuré, médiatisé, économiquement puissant. Son traitement médiatique doit évoluer en conséquence. Tant que l’information restera prisonnière de la connivence et de la dépendance, elle ne remplira pas pleinement son rôle. Et un sport qui refuse le regard critique finit toujours par se raconter une histoire qui ne correspond plus à la réalité.





