… et il a raison !!
François d’Haene passe son confinement dans le Beaufortain
On ne vous fera pas l’offense de vous présenter François D’Haene. Dans le cadre du confinement, lEquipe a sorti un article sur François d’Haene retraçant un peu son quotidien de confiné.
“Le confinement, nécessaire à la lutte contre la crise sanitaire du COVID-19, est une épreuve pour nous tous. En ce qui me concerne, s’il est vrai qu’en tant qu’amoureux de la montagne, il m’est parfois difficile de rester confiné à la maison, je m’y tiens. Il faut dire aussi que je suis loin d’être à plaindre. J’ai la chance d’être encore dans le Beaufortain, là où je passe tous mes hivers.”
On est d’accord qu’être confiné dans le Beaufortain est toujours plus agréable que de l’être dans la banlieue de Valenciennes (enfin, je suppose…) Ceci dit, là où énormément de gens se diraient que le fait de ne croiser personne peut leur permettre de sortir un peu plus que ce qui est autorisé, François joue le jeu (tout en reconnaissant que ce n’est pas simple).
<h2<François d’Haene vit lentement pendant le confinement
“J’y suis avec ma famille, ma femme et nos trois enfants. Nous pouvons profiter du jardin, sortir un peu. Nous cuisinons beaucoup aussi, différemment, en prenant vraiment le temps. Puis, ma femme et moi, sommes des passionnés de bons vins. Alors, nous nous accordons quelques dégustations (nous consommons bien sûr avec modératon) pour accompagner un bon dîner. Une vie pleine de douceur.Mais il est vrai que cela modifie en profondeur l’organisation de la vie d’un sportif de haut niveau. Habituellement, je passe entre trois et cinq heures par jour en montagne à m’entraîner. Je réalise entre 10 000 et 15 000 mètres de dénivelé positif par semaine. Depuis 15 jours, mon compteur affiche 0. Ce n’est pas évident, cela bouscule mon équilibre : j’ai perdu ces longs moments d’évasion qui me permettent chaque jour de m’échapper.”
Ce que je trouve chouette, c’est que François donne envie d’adopter un mode de vie comme le sien, rien qu’avec la manière dont il le décrit. Il ne fait pas la morale, ne donne aucun conseil, raconte juste comment il vit. Et de mon point de vue, l’endroit où il se trouve n’a finalement que peu d’influence.
Alors oui, tout le monde n’a pas la chance d’avoir un jardin et un panorama comme ils ont sûrement. Mais cuisiner beaucoup en prenant le temps et en dégustant un bon vin, c’est un peu plus accessible. Je trouve que l’utilisation qu’il fait du mot douceur est très important, car il la rapproche du fait de vivre lentement.
Et pour le trail ? Et bah François ne s’en cache pas, il ne fout rien pour le moment, et il a tout à fait raison ! Comme il l’écrit, le confinement change beaucoup de choses pour lui. Forcément, passer de plusieurs heures par jour en montagne à 0 km en 15 jours, je conçois bien volontiers que ça puisse perturber un peu le quotidien. D’autant que vu la période de l’année, François reprenait à peine après sa coupure annuellle hivernale.
Alors oui, ce n’est pas évident, ça ne l’est pour personne. Mais comme dit François, « Il n’est pas question de faire comme si de rien n’était. Pas question de prendre le moindre risque qui pourrait occasionner l’intervention des secours et solliciter un système de santé déjà au bord de la rupture. »
François d’Haene ne veut pas remplacer le trail par du fitness
Il profite de ce temps pour prendre du recul par rapport à sa pratique, et il concède volontiers que c’est une chance « que le quotidien particulièrement rempli de sportif de haut niveau nous refuse parfois. »
Ce qui est assez intéressant, c’est quand il compare sa façon de vivre le confinement à celle d’autres coureurs qui redoublent d’imagination : « Je peux comprendre ceux qui continuent à s’entraîner dur à la maison. C’est leur esprit de compétition qui les pousse avant tout dans leur pratique. Chacun ses motivations. De mon côté, je ne ressens pas cette urgence et, surtout, cet appétit pour les exercices de fitness. Ils n’ont jamais vraiment fait partie de ma pratique : je fais ce sport pour passer du temps en montagne, pas sur un tapis de gym. Et tant pis si ce n’est pas idéal. »
Alors, soyons clairs, je ne pense pas qu’il s’agit d’un tacle ou d’un quelconque complexe de supériorité. C’est juste que François a une conception beaucoup plus hédoniste du trail et bien moins axée sur la compétition. Pour ceux qui, comme moi, ont été bercés par Dragon Ball Z, François D’Haene c’est un peu Sangohan ; il s’en fiche de la compétition, et pourtant, malgré tout, pas un ne lui arrive à la cheville (dans ce cas, qui est Végéta?). Est-ce parce qu’il a des capacités naturelles absolument exceptionnelles qu’il peut se permettre de vivre sa pratique comme ça ? Il y a des chances (d’ailleurs, seuls lui, Jornet et Walmsley dans une moindre mesure la vivent ainsi, montrant bien qu’ils sont dans une autre dimension).
Et quid s’il sort moins fort du confinement ? Un risque qu’il accepte de prendre : « Car je sais bien que cette activité physique proche de 0 risque de me faire sortir du confinement moins en forme qu’il le faudrait pour un début de saison. C’est un risque que j’assume de prendre. Je fais le strict minimum pour rester mobilisé et c’est tout. Et même si je suis moins bon cette année, il y aura d’autres saisons et surtout, il y en a eu d’autres avant. Cela ne m’inquiète pas. En attendant, je me repose et ça fait du bien. »
Mine de rien, c’est un sacré message d’optimisme. Comme dit le proverbe (que je viens d’inventer), c’est important de savoir regarder à l’horizon quand on a les pieds dans la m***… Ok, on en fait moins (François le premier), on sera moins bons cette année, mais ça ne doit pas être une fatalité.
François d’Haene est bien conscient qu’il a un devoir d’exemplarité
« Si j’avais un message pour vous, vous qui êtes comme moi des amoureux de la montagne et de l’effort d’endurance, il serait le suivant : ce n’est pas le moment d’aller en montagne. Je ne suis pas là pour juger qui que ce soit, mais si nous, traileurs de haut niveau, sommes capables de rester tranquillement à la maison avec la quantité de pratique qui rythme normalement notre quotidien, je me dis que c’est faisable et qu’on peut tous s’y tenir ! »
Forcément, on aura tendance à se dire que si les élites arrivent à s’arrêter, on n’a aucune excuse quand on dit que nous, on n’en est pas capables. François montre ainsi sans le vouloir que ceux qui continuent à faire quasiment comme si de rien était (ou ceux qui courent dans leurs caves ou dans leurs maisons) ont peut-être un petit problème de bigorexie qu’il serait pas inutile d’étudier.
On entend partout qu’il vaut mieux éviter de faire du sport intense pour le moment et se limiter à de l’endurance très fondamentale. Alors forcément, un message comme celui de François est beaucoup plus pertinent et audible que ceux des traileurs (surtout amateurs, d’ailleurs) qui vont continuer de courir des dizaines de kilomètres et se mettre en danger.