On a l’impression, en France, que chaque ouverture d’inscriptions tourne à la catastrophe.
Les serveurs de l’Ultra Marin saturent en quelques minutes, le tirage au sort de l’UTMB laisse des milliers de coureurs frustrés, les files d’attente numériques de certaines épreuves deviennent des sujets de conversation récurrents, et le moindre dysfonctionnement technique déclenche une avalanche de critiques. Tout semble compliqué, mal pensé, trop restrictif. Pourtant, la situation change complètement de perspective dès que l’on observe ce qui se passe aux États-Unis. Car dans le monde du trail américain, la difficulté à obtenir un dossard dépasse de loin tout ce que nous connaissons en France, au point que la Western States 2026 symbolise aujourd’hui l’une des inscriptions les plus inaccessibles de la planète running.
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Les chiffres qui prouvent que la Western States est un cas à part
Pour l’édition 2026, les candidats ont cumulé 93 003 tickets dans la loterie officielle, un chiffre qui ne correspond pas au nombre de personnes inscrites mais au total de chances mises dans l’urne, certaines personnes patientant depuis dix ans et possédant plusieurs dizaines de tickets. Face à cette montagne de probabilités, seules 254 places étaient tirées au sort. Sur un plan individuel, la chance d’obtenir un dossard devient donc infinitésimale. Et lorsqu’on considère le nombre réel de candidats, soit 11 328 coureurs pour 369 dossards toutes catégories confondues, on comprend que la Western States fonctionne sur un modèle radicalement différent du système européen. Le taux d’accès global dépasse à peine les 3 %, ce qui n’a aucun équivalent en France.
Un problème qui dépasse le trail et touche tout le running américain
Les marathons américains comme laboratoire de la rareté
Ces difficultés d’inscription ne sont pas propres aux ultras de montagne. Elles suivent une logique déjà visible depuis des années dans les grands marathons américains. New York fonctionne par tirage au sort avec des probabilités extrêmement faibles. Chicago limite drastiquement ses entrées. Boston impose des chronos minimums tellement sévères qu’ils écartent de facto la majorité des coureurs, même entraînés. Cette culture de la rareté, profondément ancrée dans le running américain, influence directement la manière dont les ultras gèrent leurs inscriptions. La Western States n’est donc pas une exception : elle est le reflet d’un système national qui fait de la raréfaction un mode de régulation.
Une architecture sportive qui favorise l’élite
Contrairement à l’Europe où les grandes courses cherchent à accueillir un maximum de participants pour démocratiser la pratique, le modèle américain privilégie les athlètes rapides, les qualifications difficiles et les quotas serrés. Les Golden Ticket Races reflètent cette philosophie : seuls les meilleurs obtiennent un accès direct, laissant très peu de places au coureur amateur. L’inscription n’est pas conçue pour satisfaire la masse, mais pour réserver le terrain aux plus performants. Le trailer américain “lambda”, même motivé, n’a tout simplement pas les mêmes chances que son équivalent français.
Les raisons structurelles qui rendent les courses américaines si difficiles d’accès
Un territoire immense… mais très peu de courses autorisées
On pourrait croire qu’un pays aussi vaste que les États-Unis offrirait un nombre quasi infini de trails majeurs. La réalité est strictement inverse. Les autorisations fédérales, les contraintes écologiques, les règles des parcs nationaux, les assurances hors de prix et les restrictions imposées par les agences gouvernementales limitent fortement le nombre d’épreuves possibles. Le calendrier américain repose sur une poignée de courses iconiques, ce qui crée une congestion naturelle : beaucoup de coureurs, très peu de places.
Une dispersion géographique qui concentre la demande
La population de trailers américains est très importante, mais répartie sur un territoire gigantesque. Résultat : tout le monde se tourne vers les mêmes événements, souvent situés dans l’Ouest. Là où l’Europe diversifie son offre avec des dizaines de courses de 80 à 170 km par saison, les États-Unis s’appuient sur un noyau réduit d’épreuves mythiques comme la Western States, la Hardrock ou la Leadville. Cette concentration transforme chaque inscription en combat statistique.
Une culture de la limitation volontaire
Là où les organisations françaises tentent d’augmenter les capacités d’accueil, même si cela implique des complications logistiques, les organisateurs américains misent sur la préservation des sentiers et des écosystèmes. Limiter le nombre de participants est un choix assumé, presque identitaire. Mais ce choix se heurte à l’explosion de la pratique, créant un écart gigantesque entre la demande et l’offre.
En résumé, la France râle, l’Amérique renonce
En France, les polémiques sur les inscriptions ne sont jamais agréables, mais elles restent gérables. La plupart des coureurs finissent par trouver une course, une alternative, une solution. Aux États-Unis, la situation est plus radicale : la plupart des coureurs ne courront jamais la Western States, non pas parce qu’ils ne le méritent pas, mais parce que les probabilités sont contre eux. La France connaît des dysfonctionnements ponctuels. Les États-Unis vivent avec un système verrouillé par essence. La prochaine fois qu’un serveur sature pour un dossard français, il suffira de jeter un œil aux 93 003 tickets de la Western States pour relativiser : ici, nous râlons. Là-bas, ils attendent pendant des années.
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