Attendre la mort : le message d’adieu de Loury Lag sur le Spantik
Loury Lag sait qu’il risque sa vie. Mais plutôt que de se taire, il a choisi de parler. Depuis les pentes du Spantik, un sommet de plus de 7000 mètres dans le Karakoram pakistanais — cette chaîne de l’Himalaya qui abrite notamment le K2 —, l’alpiniste et vidéaste français a posté un message saisissant : entre déclaration d’amour, mise en scène de l’ultime risque, et provocation existentielle. Ce moment capté en selfie relance une question vertigineuse : jusqu’où peut-on théâtraliser la mort sans franchir la ligne du malaise ?
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Si jamais il arrive quelque chose, sachez que j’ai vécu une vie extraordinaire et que je n’ai aucun regret. Que j’aime toutes les personnes de ma famille, mes amis. Je vous aime. »
C’est par ces mots que Loury Lag, alpiniste et vidéaste français, s’adresse à ses proches dans une vidéo postée sur Instagram depuis les pentes du Spantik, un sommet de plus de 7000 mètres dans le Karakoram pakistanais. Le message, tourné en selfie, est frontal : « J’ai préféré vivre par passion et peut-être mourir au combat que d’attendre que la mort vienne me cueillir dans une déprime absolue. Il ne faut pas m’en vouloir. »
Loury Lag s’adresse nommément à ses filles, à sa compagne, à son frère. Il termine en répétant : « Je vous embrasse. » Le ton est calme, la voix posée. Il semble enregistrer un message d’adieu en direct, à haute altitude, dans des conditions qu’il ne détaille pas mais qu’il juge manifestement critiques.
Loury Lag, entre engagement radical et vertige existentiel
Loury Lag n’en est pas à son premier coup d’éclat médiatique. Connu pour ses films d’aventure, ses explorations dans des zones peu fréquentées et ses récits très personnels, il cultive depuis plusieurs années une posture à part dans le paysage outdoor. Une forme de radicalité, aussi bien dans l’expérience physique que dans sa manière d’en parler.
Il a traversé seul des zones arctiques, tenté des ascensions au Pakistan, participé à des expéditions logistiques complexes. En 2022, il a notamment mené, avec Mathieu Blanchard, la traversée hivernale du lac Manicouagan, dans le nord du Québec : une expédition polaire de 240 kilomètres en autonomie, dans des températures extrêmes, filmée dans le documentaire Uapapunan. Une collaboration qui témoigne de la confiance que lui accordent certains athlètes de haut niveau, malgré — ou peut-être à cause de — son approche physique, introspective et souvent dure de l’effort.
Sa parole publique est marquée par un ton sombre, parfois désabusé, évoquant la fuite du confort, la recherche du dépassement, et une forme de malaise dans les cadres de vie ordinaires. Cette tonalité particulière — à la fois poétique, brute et mélancolique — alimente une image ambivalente : celle d’un homme sincèrement épris d’absolu, mais aussi en tension constante avec lui-même.
Une ascension engagée, dans un environnement dangereux
Le Spantik (7027 m), surnommé le « Golden Peak », est situé dans la chaîne du Karakoram, au nord du Pakistan. Il est parfois présenté comme un « 7000 facile », ce qui en attire certains en quête d’expérience avant les 8000. Mais il reste un sommet d’altitude, isolé, exigeant, et potentiellement dangereux.
L’expédition de Loury Lag — en compagnie du grimpeur Mathieu Maynadier et d’une équipe locale — a débuté il y a plusieurs semaines, avec une approche lourde, impliquant plus de quarante porteurs, un camp de base autonome, et des conditions météorologiques instables. Loury Lag évoque des tensions logistiques, des crevasses dangereuses, des porteurs tombés. Depuis le 1er juin, les porteurs sont repartis : l’équipe est désormais seule en altitude.
Laura Dahlmeier : une autre manière d’assumer le risque
Il y a quelques jours, dans ce même massif, Laura Dahlmeier trouvait la mort sur les pentes du Laila Peak (6096 m). Un éboulis frappe sa cordée à près de 5700 mètres. Les secours, appelés par sa coéquipière, sont rendus impossibles par la mousson. Son décès est confirmé le 30 juillet. Conformément à ses instructions écrites, son corps ne sera pas redescendu.
Laura Dahlmeier avait expressément demandé que personne ne risque sa vie pour venir la chercher en cas d’accident. Ce choix n’était pas une bravade. Il exprimait une lucidité peu commune : partir en montagne, c’est accepter que tout ne soit pas réversible. Et qu’à un moment donné, il ne soit plus souhaitable que d’autres engagent leur vie pour tenter de sauver la vôtre.
Ce geste, discret, silencieux, portait en lui une éthique du risque sobre et assumée : celle de la responsabilité, non seulement pour soi, mais pour ceux qui pourraient être tentés d’intervenir.
Deux rapports à la mort
Deux situations qui offrent un contrepoint saisissant. Si Loury Lag est lui aussi conscient du danger, il choisit de le verbaliser, de le partager, de l’exposer. Ce n’est pas un écrit privé, ni une note laissée pour les siens. C’est une déclaration publique, postée sur les réseaux sociaux, à un moment où sa survie semble incertaine.
Ce choix interroge. Pourquoi rendre visible ce qui, chez d’autres, relève de l’intime ? Faut-il y voir un besoin de transmettre, une manière d’assumer en pleine lumière, ou un geste tourné vers soi autant que vers les autres ? Loury Lag met la mort en scène, sans la travestir. Mais cette exposition soulève une question : jusqu’où peut-on partager ce qui, fondamentalement, ne concerne que soi ?
Entre le silence radical de Laura Dahlmeier et le témoignage filmé de Loury Lag, se dessinent deux postures, deux sensibilités, deux conceptions du lien entre engagement et récit. L’une choisit la discrétion, l’autre l’expression. Toutes deux sont cohérentes. Mais elles n’appellent pas les mêmes regards.
Ce que la montagne fait à notre rapport à la mort
Derrière ces trajectoires, une question plus large émerge : comment, en tant que montagnards, assumer le risque de mourir ?
Faut-il, comme beaucoup, jouer avec l’illusion de l’immortalité, rassurer nos proches, faire comme si rien ne pouvait vraiment arriver ?
Faut-il au contraire regarder la mort en face, lucidement, sans tragédie ni posture, dans un dialogue intérieur qui n’a pas besoin de spectateurs ?
Ou bien faut-il parfois en faire un combat visible, une parole projetée, une manière de dire qu’on ne recule pas, même à l’approche du bord ?
Il n’y a pas de réponse universelle. Seulement des attitudes. Et peut-être un seul impératif : que notre rapport au risque, quel qu’il soit, reste habité par le respect — de nous-mêmes, des autres, et de la vie.
Résumé
Loury Lag, alpiniste et vidéaste français, est actuellement engagé dans une expédition sur le Spantik, un sommet de plus de 7000 mètres situé dans le massif du Karakoram, au nord du Pakistan. Depuis les pentes de cette montagne isolée, il a publié sur Instagram une vidéo selfie dans laquelle il s’adresse à ses proches, leur exprimant son amour et ce qui ressemble à un message d’adieu en cas d’accident. Il affirme préférer mourir par passion que de sombrer dans une vie dépressive, et conclut son message par un simple “Je vous aime”. L’expédition, débutée avec une équipe de plus de quarante porteurs, s’est poursuivie en autonomie depuis le 1er juin, dans des conditions météorologiques incertaines et des zones crevassées. Ce message public, au ton grave et théâtral, a suscité de vives réactions : certains y voient une sincérité brute, d’autres une mise en scène déplacée. L’article met cette prise de parole en regard avec la disparition récente de Laura Dahlmeier sur le Laila Peak, dans le même massif, qui avait laissé des consignes strictes pour ne pas être secourue en cas de drame. Deux postures opposées face à la mort en montagne, l’une tournée vers le silence, l’autre vers l’exposition, qui interrogent notre rapport au risque et à la manière de le raconter.
📌 FAQ
Quel est le vrai nom de Loury Lag ?
Loury Lag s’appelle en réalité Loury Lagardère. Il est né le 11 avril 1986 à Pessac, en Gironde.
Quel est son parcours ?
Après une jeunesse difficile marquée par des problèmes familiaux, une incarcération et une interdiction de quitter le territoire, Loury Lag se reconstruit à travers le voyage, la nature et l’effort extrême. Il devient entrepreneur dans le bâtiment écoresponsable, avant d’abandonner cette carrière pour se consacrer aux expéditions d’aventure et à la réalisation de documentaires.
Pourquoi est-il connu ?
Loury Lag s’est fait remarquer par plusieurs expéditions extrêmes en solitaire, comme la traversée du passage du Nord-Ouest (3 000 km en 77 jours sur la banquise arctique), la traversée du glacier Vatnajökull en Islande (record du monde), ou encore des missions dans le désert marocain et l’Amazonie. Il est aussi auteur, conférencier, instructeur de survie et présentateur télé.
A-t-il une formation ou un passé militaire ?
Non, mais il a suivi plusieurs stages de survie intensifs, notamment avec le 9e RIMA en Guyane et d’anciens militaires pisteurs amérindiens. Il organise aujourd’hui ses propres stages de survie en milieu hostile (Amazonie, Maroc, Norvège).
Quel lien avec Mathieu Blanchard ?
En 2022, Loury Lag a mené avec Mathieu Blanchard l’expédition Uapapunan, autour du lac Manicouagan au Québec (250 km en autonomie par -40°C). Cette aventure a donné lieu à un documentaire remarqué dans les festivals outdoor.
A-t-il publié des livres ?
Oui, chez Hachette :
– Horizons extrêmes (2022)
– Résilience. Abandonner n’est pas une option (2023), retraçant notamment ses expéditions avec Martin Petit, un ancien athlète devenu tétraplégique.
Dans quelles émissions est-il apparu ?
Il a participé ou présenté :
– Retour à l’instinct primaire (RMC Découverte)
– Ninja Warrior (TF1)
– The Island – l’île du bagne (M6, 2025)
Quelle est sa philosophie ?
Loury Lag défend une vision dure mais inspirante de l’aventure : se confronter à l’inconfort, dépasser ses limites, assumer les risques. Il refuse l’étiquette d’éco-aventurier, mais se dit témoin des changements climatiques qu’il observe directement en milieu extrême.
Pourquoi fait-il débat ?
Sa communication est frontale, parfois sombre, mêlant introspection, provocation et mise en scène. Certains saluent son authenticité, d’autres critiquent une forme de théâtralisation du risque — comme avec sa récente vidéo “je vais mourir” postée depuis le Spantik.
Source
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