Derrière la magie du Grand Raid de la Réunion et de son épreuve reine, la Diagonale des Fous, il y a un flou inquiétant sur la transparence des contrôles.
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C’est la course la plus emblématique de l’ultra-trail français. Un mythe, une épopée, un rite de passage. Chaque automne, des milliers de coureurs se jettent à l’assaut des sentiers réunionnais, prêts à affronter les cirques, la chaleur et la nuit. Mais une question dérange, une question que peu osent poser à haute voix : les meilleurs de la Diagonale sont-ils vraiment clean ? Autrement dit, peut-on affirmer que les top 10 hommes et femmes qui montent sur le podium sont exempts de toute pratique dopante ?
La réponse, malheureusement, est beaucoup moins glorieuse que l’arrivée au stade de La Redoute.
Contrôle anti-dopage : seuls 1% des traileurs sont testés sur la Diagonale des Fous / Grand Raid de la Réunion
Officiellement, la Diagonale des Fous n’est pas hors de tout cadre. L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) peut intervenir à tout moment de l’épreuve. Elle est habilitée à tester les élites à l’arrivée comme sur le parcours. Et le règlement du Grand Raid prévoit clairement des sanctions en cas de refus ou de contrôle positif.
Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Chaque année, à peine 1 à 2% des coureurs sont effectivement testés. Quand on sait que plus de 2 800 dossards sont distribués, cela revient à quelques cas isolés. La majorité du peloton, même parmi les élites, passe totalement entre les mailles du filet. Ce n’est pas une interprétation : ce sont les chiffres.
Et surtout, aucun système d’annonce publique n’indique si tous les coureurs du top 5 ou du top 10 ont bien été testés. Résultat : impossible de savoir si la performance exceptionnelle d’un coureur a été validée par un protocole rigoureux… ou seulement par l’applaudimètre.
Il n’y a pas de contrôles anti-dopage sur la Diagonale des Fous car le Grand Raid ne dépend pas de la FFA
Le Grand Raid n’est pas une épreuve fédérale.
Elle est organisée par une association locale, sous l’égide de l’UFOLEP, et ne dépend pas directement de la FFA. Elle ne fait pas partie d’un championnat officiel, n’offre pas de points qualificatifs pour les Jeux ou les Mondiaux, et échappe de ce fait aux contrôles systématiques qu’imposent d’autres formats comme les marathons labellisés World Athletics.
S’ajoute un autre facteur logistique : il n’existe pas de laboratoire antidopage à La Réunion.
Chaque test doit être acheminé vers la métropole. Un coût, une logistique, et une complexité qui freinent toute campagne de dépistage massive. À moins d’un gros scandale, il est peu probable que la tendance s’inverse.
En conséquence les contrôles anti-dopage sont quasi inexistants sur la Diagonale des Fous
Sur le papier, tout est en place. L’AMA (Agence Mondiale Antidopage) fournit un code clair. Le refus d’un test vaut disqualification, un résultat positif entraîne jusqu’à 2 ans de suspension, voire plus. Mais en 30 ans d’existence, la Diagonale n’a connu que trois cas documentés : un positif à l’EPO, un cas d’automédication sanctionnée, et un refus de test.
Trois cas. Sur plus de 50 000 participants cumulés. Ce chiffre ne témoigne pas d’un sport plus propre que les autres. Il révèle un angle mort, un manque de volonté, un entre-soi où l’éthique déclarée sert parfois de rideau à l’absence de contrôle réel.
Peut-on vraiment croire à un top 10 totalement clean ?
Objectivement, non. Rien ne le prouve. Rien ne garantit que les dix premiers, hommes et femmes, sont passés par la case antidopage. À l’UTMB ou sur les championnats du monde, certains protocoles rendent les tests systématiques. À la Diagonale, c’est au petit bonheur la chance.
Et pourtant, il suffit d’observer certaines arrivées : des coureurs qui terminent en moins de 24 h, après avoir dominé les sentiers de Mafate, qui sourient, qui sautent, qui posent en interview avec une fraîcheur troublante. Peut-être sont-ils juste surhumains. Peut-être pas.
Le trail ne se dope pas forcément avec de l’EPO ou des anabolisants. Les microdoses, les corticoïdes, les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens), les autorisations thérapeutiques détournées… font partie d’un dopage dit « gris », difficile à détecter, mais tout aussi efficace. Et sans contrôles élargis, ce type de pratiques reste invisible.
En résumé, il est encore temps d’agir pour la crédibilité du Grand Raid et de tous les trails à la Réunion
Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur un sport ni de pointer du doigt sans preuve. Il s’agit de poser la bonne question : peut-on continuer à croire, sans vérifier ? Peut-on continuer à applaudir, sans contrôler ? La réponse est non.
Si la Diagonale veut préserver son aura, si elle veut continuer à être respectée à l’échelle internationale, elle devra tôt ou tard mettre en place un protocole digne de ce nom. Tests obligatoires sur les podiums, annonce publique des résultats, indépendance des contrôles.
Sinon, ce n’est plus la légende qui parlera. Ce sera le doute. Et il est bien plus tenace que la fatigue d’un ultra.
Ce n’est pas seulement la Diagonale des Fous qui échappe aux contrôles antidopage.
C’est l’ensemble des trails organisés à La Réunion qui évolue dans un vide réglementaire.
– En l’absence d’obligation fédérale, de laboratoire sur l’île et de transparence sur les tests, la quasi-totalité des courses réunionnaises passent sous les radars.
– À cela s’ajoute un tabou collectif : celui d’un sport local valorisé pour sa pureté, que personne n’ose vraiment remettre en question.
Sources
La présente analyse s’appuie sur des données publiques et vérifiables, notamment le rapport scientifique de Guillaume Darrioumerle publié dans la Revue juridique de l’Océan Indien en 2015, qui reste à ce jour le seul document juridique complet dédié à la lutte antidopage sur le Grand Raid. Ce rapport souligne l’absence d’un cadre fédéral strict, les limites de compétence de l’UFOLEP, et le rôle encore marginal de l’ITRA dans l’application du Code mondial antidopage.
Du côté institutionnel, le site officiel du Grand Raid redirige les participants vers le portail de l’AFLD, sans préciser de protocole clair ni de fréquence de contrôle — une “plage blanche” qui parle d’elle-même.
Enfin, selon le rapport mondial 2023 de l’Agence mondiale antidopage (AMA/WADA), le taux moyen de résultats anormaux (AAF) est de 0,8 % sur l’ensemble des échantillons traités, alors que le trail, et plus spécifiquement la Diagonale, reste très en deçà en matière de contrôles, faute de moyens, de volonté ou d’obligation juridique explicite.
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Cet article s’appuie sur des sources publiques et vérifiables : rapports de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD, 2023-2024), du Code mondial antidopage (AMA/WADA), des publications universitaires de l’Université de La Réunion, ainsi que sur les données accessibles sur le site officiel du Grand Raid de La Réunion. Les informations concernant les contrôles antidopage à La Réunion sont limitées et ne permettent pas d’affirmer ou d’infirmer l’existence de cas récents.Le propos relève d’une analyse journalistique et ne met en cause ni les organisateurs, ni les athlètes cités, ni les institutions sportives concernées. Aucune allégation de dopage individuel n’est formulée. uTrail peut se tromper, mais écrit de bonne foi, dans un esprit d’intérêt général et de transparence sur le fonctionnement du sport. Tout droit de réponse ou précision complémentaire pourra être publié sur demande, conformément à l’article 6 IV de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
uTrail est un média indépendant, non financé par les marques ni les organisateurs d’événements. Cet article vise à informer le public sur les enjeux de transparence et de régulation dans le trail, conformément au droit à l’information garanti par la loi française et la jurisprudence constante de la Cour de cassation.