Cette semaine, le thermomètre affichait -28°C le matin, même dans le sud de la province. Une question se pose : est-ce une bonne idée de s’entraîner au grand froid?
Le genre de froid qui brûle le visage, qui fige l’eau dans les bouteilles, qui fait réfléchir à deux fois avant de sortir du lit. Un froid qui met le corps à l’épreuve dès qu’on met le pied dehors.
Bien que les courses continuent et que des événements comme le Yukon Arctic Ultra se jouent sur la survie au froid extrême, la question mérite d’être posée : où se situe la limite entre l’entraînement hivernal et le danger pour la santé?
Courir au grand froid au Québec, l’expérience du grand froid
Il y a une expression : il n’y a pas de mauvaise température, juste de mauvais équipements.
Et pourtant, après 20 minutes à -28°C, les paupières collaient ensemble à chaque clignement. La vision devenait floue par moments, les larmes gelant au coin des yeux. Le visage était glacé malgré la protection. Chaque respiration brûlait légèrement les poumons.
C’est ça, le grand froid. Peu importe la préparation, à -28°C, le corps subit.
Les effets du grand froid sur le corps
Courir au grand froid, ce n’est pas juste inconfortable. C’est une agression physique réelle.
D’abord, il y a les voies respiratoires.
L’air glacial irrite les bronches, peut causer de la toux, et pour certaines personnes, déclencher des crises d’asthme ou des spasmes bronchiques. Les poumons ne sont pas faits pour respirer de l’air à -28°C en continu.
Ensuite, les extrémités.
Même avec de bons gants et de bonnes chaussettes, le sang se concentre vers le tronc pour protéger les organes vitaux. Les doigts, les orteils, le nez, les oreilles, tout ça devient vulnérable aux engelures. Et une engelure, ça ne pardonne pas.
Il y a aussi la déshydratation.
On ne s’en rend pas compte parce que la transpiration est moins visible, mais l’air froid est extrêmement sec. Le corps perd de l’eau à chaque respiration. Et boire devient compliqué quand l’eau gèle dans la bouteille.
Et puis il y a le cœur. Le froid fait contracter les vaisseaux sanguins, ce qui augmente la pression artérielle. Combiné à l’effort de la course, ça met une charge importante sur le système cardiovasculaire.
Ce qui nous amène à la prochaine question.
Est-ce que le froid affecte l’entraînement?
Oui. Absolument.
D’abord, la performance diminue.
Le corps dépense de l’énergie juste pour maintenir sa température. Les muscles sont moins efficaces dans le froid. La mobilité est réduite avec toutes les couches de vêtements. Le résultat : des allures plus lentes, avec plus d’effort.
Ensuite, le risque de blessure augmente.
Les muscles froids sont moins souples. Les tendons sont plus rigides. Un faux pas sur la glace, une torsion et les conséquences sont plus graves qu’en été.
L’aspect mental, par contre, peut jouer dans les deux sens.
Sortir malgré le froid extrême forge le mental, développe la résilience, prouve qu’on est capable de surmonter l’inconfort. C’est un entraînement psychologique précieux. Mais il y a une limite : quand chaque sortie devient une lutte contre les éléments plutôt qu’un plaisir, le risque de burnout augmente. L’équilibre est fragile.
Alors, bonne idée ou non?
La réponse honnête : non pour la majorité du monde.
Pour ceux qui se préparent au Yukon Arctic Ultra ou à une course hivernale extrême, ils n’auront pas le choix. Il faut s’acclimater au froid, apprendre à gérer son équipement, développer son mental. Dans ce cas, sortir à -28°C fait partie de l’entraînement.
Mais pour la majorité des coureurs qui s’entraînent pour des courses d’été ou simplement pour garder la forme? Courir au grand froid n’est probablement pas la meilleure idée.
Il y a un seuil de température où les risques dépassent les bénéfices.
Ce seuil varie selon les personnes, mais pour beaucoup, il se situe autour de -20°C à -25°C. En dessous, les dangers pour la santé deviennent significatifs.
Les alternatives au grand froid
Heureusement, il existe des options.
Attendre que la température change. Souvent, la température se réchauffe en après-midi. Ou bien, au Québec, il est rare que ces températures froides durent plusieurs jours. Attendre une journée ou deux.
On peut se donner la permission de prendre une journée de repos. L’entraînement, c’est aussi l’intelligence de savoir quand ne pas forcer.
Raccourcir la sortie. Au lieu d’une heure, faire 30 minutes. Limiter l’exposition tout en maintenant une certaine activité.
En résumé : écouter son corps et la météo
Le grand froid au Québec, c’est une réalité. Impossible de l’éviter complètement. Mais il est possible de choisir ses batailles.
Si le thermomètre descend sous -25°C, il n’y a aucune honte à rester à l’intérieur. Ce n’est pas de la faiblesse. C’est du bon sens.
L’hiver québécois est froid. Une blessure en janvier à cause du grand froid compromet toute la saison. Il vaut mieux s’adapter intelligemment que de s’entêter par orgueil.
Les coureurs du Yukon Arctic Ultra s’entraînent au grand froid parce qu’ils n’ont pas le choix. C’est leur objectif, leur défi. Mais pour le reste des coureurs, s’entraîner au grand froid n’est pas une obligation. C’est une option. Et parfois, la meilleure option, c’est de dire non.
L’hiver va passer. Le printemps va revenir. Les sentiers vont dégeler. Et ceux qui arrivent en avril en santé et en forme plutôt que blessés ou épuisés auront fait le bon choix.
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