Décès sur un trail dans le Jura
Le trail, le plus souvent c’est la fête, mais parfois ce sont des drames. Face aux drames, il y a la tristesse normale et puis il y a pour certains l’opportunité de parler de leur complot préféré. Chez uTrail, on aime ne pas se prendre au sérieux, mais parfois on s’interroge : comment comprendre de telles réactions ?
Décès sur un trail dans le Jura
Décès sur un trail dans le Jura, le drame s’est joué samedi 22 mars, au cœur du Jura.
Lors de l’édition 2025 du Trail du Cirque du Fer à Cheval à Arbois, un homme de 42 ans, engagé sur la course de 32 kilomètres, s’est effondré brutalement. Victime d’un arrêt cardiorespiratoire à mi-parcours, il n’a pas pu être ranimé, malgré l’intervention rapide des secours. La communauté du trail, déjà endeuillée par des précédents similaires, est sous le choc. Mais à peine quelques heures après l’annonce, un autre phénomène, lui aussi tristement habituel, s’est invité dans les commentaires des réseaux sociaux : celui des soupçons infondés autour du vaccin contre le Covid-19.
“Encore un effet secondaire”, “Combien de morts faudra-t-il pour que les gens ouvrent les yeux ?”, “Ils continuent de cacher la vérité”…
Sur Facebook, Instagram, dans les groupes de passionnés de trail ou d’“éveillés”, le décès tragique de ce père de famille a été aussitôt interprété comme une preuve supplémentaire d’un danger systématiquement minimisé : celui des vaccins.
Un décès, de très nombreuses raisons possibles.
La mort soudaine d’un sportif en pleine course heurte l’imaginaire collectif. À juste titre : dans un univers où la santé, la préparation et la performance sont centrales, le décès d’un coureur en apparente bonne forme est difficilement acceptable. Il ne nous semble pas « normal », il ébranle nos certitudes. Il appelle une explication.
Or les potentielles explications peuvent être très nombreuses. Là où enquête, médecine du sport, cardiologie, médecine légale, épidémiologie, etc vont s’attacher à évaluer l’ensemble des causes potentielles, un récit plus simple, plus émotionnel, est souvent préféré : il a été vacciné, donc c’est forcément la cause.
Mais toutes les explications ne se valent pas. Ce raisonnement de simplification des causes d’un événement porte un nom : le biais cognitif de la cause unique. C’est un raisonnement fallacieux, plus facile, où on suppose qu’il y a une seule cause simple à un événement alors qu’en réalité il peut avoir été causé par l’action conjointe de plusieurs causes. Or ce type de raisonnement – faux mais simple – est naturellement favorisé par notre cerveau dans un contexte de surcharge, et notamment dans un contexte riche en émotions.
A ce stade aucun lien n’a été établi entre le décès de ce traileur et une quelconque vaccination. Aucun élément factuel ne permet d’appuyer les soupçons relayés sur les réseaux sociaux. Mais dans l’économie de l’instant, ce n’est plus la vérité qui guide les commentaires : c’est la conviction.
Quand la méfiance devient réflexe : depuis la crise sanitaire du Covid-19, une rupture de confiance s’est creusée.
Les vaccins, et plus largement les institutions médicales, scientifiques et politiques, sont devenus pour certains des boucs émissaires permanents. Le cocktail explosif entre mesures coercitives (pass sanitaire, confinement), communication gouvernementale maladroite, et diffusion virale de fausses informations, a laissé des traces durables.
Dans cet espace de suspicion permanente, chaque malaise, chaque décès, chaque fait divers tragique devient le socle d’un nouveau soupçon. Peu importe l’absence de preuve. Peu importe le contexte. Ce qui compte, c’est l’émotion brute — et la possibilité de pointer du doigt une explication qui renforce des croyances déjà bien ancrées. C’est l’action ici d’un deuxième type de raisonnement fallacieux : le biais cognitif de confirmation, c’est-à-dire la tendance naturelle qu’ont les êtres humains à privilégier les informations qui confortent leurs préjugés, leurs idées reçues, leurs convictions, leurs hypothèses. Plus on est convaincu, plus on va voir les éléments qui renforcent la croyance, omettant les éléments qui la contredirait.
Les réseaux sociaux, accélérateurs de récits
Les plateformes numériques jouent un rôle central dans cette mécanique. Elles favorisent la viralité du sensationnalisme au détriment de la nuance. Un commentaire affirmant “c’est le vaccin” est lu, partagé, intégré dans des récits préexistants. Une analyse médicale, en revanche, est souvent technique, longue, nuancée… donc moins séduisante pour l’œil qui scrolle.
On assiste ici à un troisième effet bien connu : la loi de Brandolini, ou principe d’asymétrie de la désinformation, que l’on peut résumer en une formule : “Il faut bien plus d’énergie pour réfuter une absurdité que pour la produire.” Et c’est précisément ce déséquilibre que l’on observe après chaque drame : l’émotion court plus vite que l’enquête, le soupçon devance la vérité, et les raccourcis se propagent avant les faits. Les réseaux sociaux avec leur instantanéité et leur faible régulation sont le terrain parfait pour laisser fleurir… des raisonnements absurdes.
Ce que dit la science : chaque année en France, près de 800 sportifs amateurs décèdent de mort subite lors d’une activité physique.
Des chiffres stables, bien antérieurs à la pandémie. Les décès en trail, bien que rares, existent depuis longtemps : en 2019 à la Réunion, ou encore en 2015 à l’Écotrail de Paris. Aucun de ces cas n’avait alors suscité de débat vaccinal — parce que ce sujet n’existait pas encore.
Cela ne signifie pas que les vaccins sont dénués d’effets secondaires. Comme tout médicament, ils peuvent entraîner des réactions, dont certaines sont graves, mais extrêmement rares. C’est précisément pour cette raison qu’ils sont évalués, surveillés, documentés. Faire croire que chaque décès inexpliqué leur est imputable revient à nier la réalité biologique du risque sportif… et à instrumentaliser la douleur. Oui certains vaccins peuvent générer des réactions inflammatoires (c’est le but du vaccin d’ailleurs) qui peuvent avoir des retentissements cardiaques (péricardites par exemple). Cela ne signifie pas que toutes les péricardites sont liées aux vaccins.
L’émotion n’est pas une preuve
Le décès de ce coureur est un drame. Il mérite silence, respect, et enquête. Il mérite que l’on écoute les proches, que l’on accompagne les témoins, que l’on accepte aussi de ne pas tout comprendre immédiatement. Ce qu’il ne mérite pas, c’est d’être déformé pour servir une idéologie de la suspicion.
Le complotisme prospère sur l’angoisse, sur le besoin d’ordre, de récit. Il transforme chaque événement en confirmation d’une théorie, chaque drame en tribune. Mais il finit par faire du réel un décor secondaire. Il exploite la mort au lieu de l’honorer, permettant à certains de propager un discours complotiste, qui devient un marqueur d’appartenance, parfois politique. L’occasion de pouvoir se réfugier dans un sentiment de supériorité morale ou intellectuelle : « Je me bats pour la vérité », « je ne suis pas un mouton ».
Face à cela, l’un des rares antidotes reste la patience, le respect, l’analyse froide des faits, la lucidité. Et une forme de courage intellectuel : celui de reconnaître qu’on ne sait pas toujours, et que l’absence de réponse immédiate n’autorise pas toutes les conclusions. Que parfois, la meilleure chose à dire reste le silence de la montagne.
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Note de la rédaction : Les propos rapportés dans cet article, notamment ceux évoquant des théories complotistes, sont analysés dans un but d’information et de réflexion critique. Aucune conclusion hâtive ne doit être tirée quant aux causes du décès, qui relèvent des autorités médicales compétentes. uTrail appelle au respect des victimes, de leurs proches, et au discernement face aux informations circulant sur les réseaux sociaux.