La chasse continue de faire parler d’elle.
Quand les coureurs de trail partent s’entraîner à l’automne, ils savent qu’ils partagent la forêt avec les chasseurs. Mais parfois, cette cohabitation tourne mal. Les sentiers qui servent de terrain de jeu à des milliers de passionnés deviennent, certains week-ends, le théâtre d’incidents graves, voire mortels. En un seul week-end, trois affaires de tir ont éclaté dans le Sud-Ouest, rappelant à quel point la frontière entre loisir et danger reste ténue.
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Un mort dans le Lot-et-Garonne, un blessé en Dordogne, et un automobiliste criblé de plombs en Corrèze. Trois affaires distinctes, mais un même fil rouge : la banalisation inquiétante de la violence armée dans les zones rurales.
La saison de la chasse 2025 vient à peine de commencer que la France compte déjà plusieurs drames en l’espace de quarante-huit heures. Ces incidents, survenus dans le Sud-Ouest, montrent à quel point le climat est devenu explosif autour d’une activité pourtant encadrée par la loi, mais de plus en plus contestée. Entre fatalité, négligence et tensions locales, la cohabitation entre chasseurs et autres usagers de la nature semble aujourd’hui au bord de la rupture.
Un homme de 64 ans tué d’une balle en pleine battue
Tout a commencé dimanche matin à Laparade, dans le Lot-et-Garonne. Un chasseur de soixante-quatre ans y a été tué d’un tir accidentel lors d’une battue au sanglier. Selon les premiers éléments, la balle aurait été tirée par un autre participant, âgé de quatre-vingt-trois ans. L’homme, expérimenté et respecté dans son groupe, n’aurait jamais eu l’intention de viser qui que ce soit. Mais comme souvent, une erreur d’appréciation a suffi à transformer une sortie de chasse en tragédie.
Le parquet a ouvert une enquête pour homicide involontaire, tandis que la communauté des chasseurs se défend en rappelant que “la chasse reste une activité à risque”. Pour les habitants, ce drame relance surtout la question du contrôle des armes et de l’âge maximum pour pratiquer. Peut-on encore manier un fusil à plus de quatre-vingts ans sans perdre en réflexe, en audition, en vigilance ?
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Un autre blessé en Dordogne : le ricochet qui aurait pu toucher n’importe qui
Quelques heures plus tard, à Saint-Jean-d’Ataux, en Dordogne, c’est un chasseur de soixante-quatorze ans qui a été blessé à l’abdomen. La balle, selon les enquêteurs, aurait ricoché avant de l’atteindre. Le tireur visait un chevreuil. Ce simple “accident de trajectoire” illustre l’imprévisibilité des tirs dans un environnement naturel, où la topographie, les roches et la végétation peuvent dévier un projectile.
L’homme blessé a été hospitalisé puis relâché, et a choisi de ne pas porter plainte. Mais les faits, eux, sont parlants : en quelques secondes, un tir mal contrôlé a failli coûter une deuxième vie. Une enquête pour blessures involontaires est en cours. Le procureur de Périgueux l’a confirmé lundi : aucune garde à vue, mais des auditions déjà en cours. Une fois de plus, le sort a fait la différence entre la peur et le deuil.
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Et maintenant, des tirs sur un véhicule : intimidations et peur en Corrèze
Le même week-end, un automobiliste a été pris pour cible près de Davignac, en Corrèze. Patrick*, Limougeaud venu fêter l’anniversaire de sa compagne, roulait tranquillement lorsqu’il a entendu plusieurs détonations. En quelques secondes, six impacts de plomb ont été relevés sur sa voiture. “J’ai reconnu le bruit d’un tir de chasse, mon grand-père était chasseur”, raconte-t-il à France 3 Nouvelle-Aquitaine. “J’ai eu peur pour ma vie.”
Selon son témoignage, il s’agirait d’un tir volontaire, effectué depuis l’autre côté de la route. Rappelons qu’il est strictement interdit de tirer en direction d’une voie de circulation. L’homme a immédiatement porté plainte à la gendarmerie de Meymac. L’enquête devra déterminer s’il s’agit d’un accident… ou d’un acte d’intimidation lié à un conflit entre chasseurs. Car dans la commune, les tensions sont fortes : deux groupes se déchirent depuis des mois autour des territoires de chasse et des autorisations locales.
Quelques heures avant les tirs, une altercation avait éclaté entre le vice-président de l’Amicale des chasseurs et un groupe dissident refusant de se plier aux règles de l’association. L’hypothèse d’un règlement de comptes interne n’est donc pas écartée. Patrick, lui, dit avoir été suivi, puis observé par un véhicule suspect devant la bâtisse où il avait trouvé refuge : “Le chasseur est revenu et est resté garé une demi-heure devant nous. J’ai fait rentrer tout le monde à l’intérieur.”
Le président de l’Amicale, Julien Rocamora, s’est déclaré “choqué” et a présenté publiquement ses excuses : “Les faits sont d’une gravité extrême. Nous allons déposer plainte et nous constituer partie civile.”
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Un climat de tension et d’impunité
Trois affaires en deux jours : cela n’a rien d’anecdotique. Le cumul des drames et des comportements dangereux traduit un malaise profond dans le monde de la chasse. Les enquêtes sont en cours, mais les faits sont là : entre négligence, fatigue, rivalités et sentiment d’impunité, certaines zones rurales deviennent de véritables poudrières.
Pour les coureurs et randonneurs, la peur grandit. Dans le Sud-Ouest, beaucoup renoncent à sortir le week-end. “On ne sait plus où aller sans entendre des tirs. Même sur des chemins balisés, on se demande si on ne va pas tomber sur une battue,” témoigne une traileuse de Corrèze. Le sentiment d’insécurité dépasse largement les frontières du monde de la chasse : il touche toute la société rurale, du simple promeneur au cycliste en balade.
La cohabitation devient impossible
Le discours officiel appelle à la prudence, à la “cohabitation apaisée”. Mais sur le terrain, les signalisations de battue sont souvent absentes, les tirs résonnent à proximité des routes et les contrôles sont rares. Les fédérations de chasse tentent d’apaiser les débats, mais la réalité, brutale, s’impose : les week-ends d’automne sont devenus synonymes de danger. Et si la majorité des chasseurs sont respectueux des règles, la minorité qui ne l’est pas suffit à ternir l’image de toute une pratique.
Ces trois affaires — un mort, un blessé, un automobiliste sous les plombs — révèlent une même faille : celle d’une réglementation qui n’évolue pas au rythme des usages. Les sentiers sont aujourd’hui fréquentés par des milliers de traileurs, familles et vététistes. La chasse, elle, continue de se dérouler selon des règles pensées pour une époque où la forêt n’était pas encore un terrain de sport.
Un débat qui ne peut plus être repoussé
Limiter les jours de chasse, instaurer des zones de sécurité autour des chemins, vérifier plus strictement les âges et la santé des chasseurs… autant de mesures évoquées depuis des années, mais jamais appliquées. Tant que rien ne change, les drames se répéteront. Ce week-end, la chance a voulu que deux victimes s’en sortent. La prochaine fois, elle ne suffira peut-être pas.
La France rurale mérite mieux qu’un climat d’intimidation et de peur. La nature doit redevenir un espace partagé, pas un champ de tir.
En résumé, protéger la nature, c’est aussi protéger ceux qui la vivent
Les traileurs aiment la nature pour ce qu’elle représente : la liberté, le silence, l’effort au grand air. Mais cette liberté ne peut exister sans sécurité.
Les récents accidents montrent qu’il est urgent de repenser le partage de nos forêts. Courir, marcher, chasser — tout cela peut cohabiter, à condition que la prudence soit la règle, et non l’exception. Car sur les sentiers, la balle d’un autre ne devrait jamais remplacer le battement de votre cœur.
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