Annulation de la Transpyrenea ; ça va trop loin
Depuis quelques semaines, une polémique secoue le monde du trail avec l’annulation de la Transpyrenea par trois traileurs pour qui l’expérience fut traumatisante (ce que nous ne remettrons pas en cause). Le problème est que tout se monte épingle et tout a été écrit ; tout le monde y va de son avis ; si l’imprudence des coureurs a été soulignée, les organisateurs se sont pris une véritable tornade dans la tête (tant « médiatique » que juridique ».) Ils ne sont pas tout blancs, mais ce ne sont pas les escrocs fou dangereux que des plumes dépeignent et ils ne méritent sûrement ni la vindicte, ni le harcèlement auxquels ils se retrouvent confrontés (nous estimons que personne ne le mérite). Alors remontons un peu en arrière, regardons les faits, écoutons tout le monde et essayons de nous faire une opinion.
Nous en avons déjà parlé sur U-trail, mais la Transpyrenea n’aura pas lieu cette année. Avant de revenir sur les raisons de l’annulation et d’essayer de faire un peu la lumière sur ce qui s’est passé lors de la dernière édition, il est à noter qu’une version off de la course se prépare, les participants, préparés depuis plusieurs mois, ayant décidé d’organiser leur propre Transpyrenea. De leur côté, les organisateurs songent à organiser une course de ce type plutôt à l’étranger (Russie, Patagonie, Québec…).
Tout est parti d’une combine de la part d’un participant ayant décidé en son âme et conscience (dans le cadre de sa stratégie de course) de détourner le règlement en ce qu’il croyait être en sa faveur et utilise des noix de Cajou pour avoir avec lui 6000 calories (comme l’exige le règlement). Forcément, il est affamé sur la première partie (le Canigou), et ce malgré les checkpoint mis en place par l’organisation. Alors, oui, d’un point de vue purement légaliste, il semble dans son droit, le règlement étant respecté stricto sensu… Mais si respecter la loi est une chose, respecter son esprit en est une autre. Si un règlement est poreux ou limité, ce n’est pas une raison pour le tordre de sorte à l’interpréter à sa convenance.
C’est sur la première base de vie que l’incident principal qui va causer la perte des organisateurs va se dérouler. Un différend entre le participant et une bénévole dont nous retranscrivons les versions respectives :
Voici ce que déclare le participant en question : « Ma stratégie de course était basée sur une progression lente, mais régulière, je savais qu’il me faudrait attendre la base de vie 1 pour me nourrir correctement (…) Arrivé à la base de vie 1, je découvris avec stupeur qu’il n’y avait pour seule alimentation que des raviolis en boîte et quelques tranches de chorizo ! rien d’autre ! Plus inquiétant, on me prévenait déjà que le petit déjeuner serait extrêmement frugal avec au mieux du gâteau type « quatre quarts » et une boisson chaude type « café »… En plus, bien que n’en ayant personnellement aucune nécessité, je constatais qu’il n’y avait aucune assistance médicale en dehors des secouristes. Ni podologue, ni kiné, ni médecin. Pire, les quelques toiles de tentes mises à la disposition des coureurs étaient toutes occupées. Aucune n’était disponible pour y passer la nuit alors qu’il pleuvait. J’ai toutefois eu la chance de pouvoir bénéficier de la tente « personnelle » d’un bénévole qui eut la gentillesse de me la prêter. Le summum de la soirée fut la récupération de mon dropbag entièrement trempé par la pluie qui était tombée ce soir (…). Excédé par un tel amateurisme, j’ai décidé de stopper la course. Car je refusais de mettre ma vie en péril pour une activité sportive qui, par définition et pour l’amateur que je suis, doit avant tout rester un loisir. »
Voici ce que déclare la bénévole : « La scène se déroule aux alentours de 21h30 sur la base de vie 1 et je suis au stand ravitaillement avec mon neveu en charge à ce moment-là de la préparation des pizzas. Des coureurs sont installés à table en train de s’alimenter, les discussions sont détendues quand arrive ce couple qui s’assoie, sans un regard particulier, en demandant ce qu’il y a à manger… Nous leur proposons des pâtes, de la soupe à l’oignon, du cassoulet, des raviolis, des saucisses aux lentilles, du rizotto maison et la possibilité d’avoir une pizza maison également avec une base fromage et tomate et du saucisson ou du choriza ou des poivrons… Et là, la femme me dit (scandalisée, totalement choquée avec un visage grimacier) : « quoi ? Il n’y a pas de jambon cru, il n’y a pas de fromage ?? »… Je lui redis, gentiment, ce qu’il y a à manger… Mais non, elle veut du jambon et du fromage comme au Tor des géants. Lui commence à s’enflammer, en disant que c’est scandaleux, qu’il n’a pas fait plus de 1000km pour venir faire cette course et n’avoir rien à manger, que ça ne va pas se passer comme ça, qu’il a payé neuf cents euros pour n’avoir rien à manger, que l’organisateur va en entendre parler… Bref, je ne dis rien si ce n’est : « si vous changez d’avis, sachez qu’il y a raviolis, cassoulet, pizzas, etc… Je n’ai pas pour habitude de me laisser « mal parler » et mon neveu le sait. Nous nous écartons des coureurs et mon neveu me dit : « Tata tu viens de te faire engueuler et tu ne dis rien ». Je lui réponds de ne pas s’inquiéter, que ces personnes ne méritent même pas qu’on les reprenne. Je reviens avec le sourire (mon intention étant de leur dire « fermez là ») et propose une dernière au couple quelque chose à manger ; ils refuseront l’un comme l’autre ».
Au vu de ce témoignage, forcément, quand le plaignant déclare qu’il n’y avait rien à manger sur la première base de vie, on est un peu interpelés… (surtout qu’il reconnaît lui-même qu’il y avait au moins des raviolis). Si rien n’était à leur goût, c’était autre chose, et ça ne justifiait surtout pas de se défouler sur bénévoles qui n’ont rien demandé, et surtout pas de se faire engueuler. Rien ne doit pouvoir justifier cela. Nous ne nous amuserons pas à dire qui ment et qui dit la vérité, on n’était pas là. Il est néanmoins important d’avoir les deux versions et voir où elles divergent.
Il demande le remboursement, lequel lui est refusé par l’organisation (de surcroît après que ceux-ci ont appris qu’il avait agressé verbalement une bénévole), et décide alors de réunir un groupe de quelques mécontents (dont une participante qui s’est perdue et qui a eu la bonne idée de se coucher dans la montagne pour avoir plus chaud) et a invoqué une mise en danger de la vie d’autrui. Sa partenaire de course, avocate, lui a conseillé de chercher des incohérences parmi les arrêtés préfectoraux relatifs à la course, incohérences qu’il a fini par trouver. Un courrier est envoyé à la préfecture de l’Ariège, laquelle transmet au procureur, lequel ordonne l’arrestation des organisateurs pour une anomalie administrative. Celle-ci concerne la déclaration en randonnée de la course sur certains départements par lesquels elle passe, déclaration impliquant de ne pas avoir de classement final. Aussi, la déclaration en randonnée n’était absolument pas dans le but de se soustraire à un dispositif de sécurité, lequel avait au contraire été renforcé. Il est à noter que cette anomalie l’objet d’un accord oral avec les sous-préfets. Le problème est que dans ce cas, les paroles s’en vont, les écrits restent…
Au final, tout part de la plainte d’un participant pour un remboursement de 300 euros qui lui a été refusé et d’une stratégie de course risquée ayant justifié à ses yeux de tordre l’esprit du règlement de sorte à la détourner. Si 6000 calories de ration sont imposées, ce n’est pas pour alourdir les sacs inutilement, c’est pour remédier à ce genre de problèmes potentiels. On ne sait jamais à quoi s’attendre en montagne, surtout quand on s’apprête à y crapahuter pendant plus de huit-cents kilomètres. Alors à quoi bon ne pas jouer le jeu et risquer de se mettre dans le rouge prématurément pour finir par faire payer les pots cassés à l’organisation ?
Une organisation n’est jamais parfaite et est toujours perfectible, et c’est encore plus vrai sur un trail. La Transpyrenea ne déroge pas à cette règle quasi universelle. Oui, si trois personnes arrivent à faire annuler une course, c’est que des limites étaient là. Sans plainte, nulle doute que les organisateurs auraient fait les correctifs demandés par les préfectures. Malheureusement, comme plainte il y a, elles sont obligées d’étudier le phénomène, quitte à faire des sacrifices. Cela a fatalement entraîné l’annulation de l’édition 2018 (et sûrement des prochaines) de la course. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les organisateurs dans ce qui devait être une fête et qui se transforme en combat. D’ailleurs, si 3 participants pris part à ce combat alors que 240 personnes ont pris le départ de la course, il y a de quoi se questionner un peu…
Si toutes les personnes n’atteignant pas leurs objectifs (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) arrivent à faire annuler, c’est (et n’ayons pas peur de le dire), la fin des trails « familiaux » et ce ne sera plus que des usines type UTMB, Ecotrail ou Saintélyon, ce à quoi nous ne pourrons jamais nous résoudre…
Droit de réponse
On nous demandé de publier un droit de réponse, le voici