Il y a les classements. Il y a les chronos. Et puis il y a désormais le bulletin de notes annuel, remis par Kilian Jornet, président autoproclamé du jury mondial de l’inspiration sportive.
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Alpes, au-delà des limites
Mention très bien, encouragements, félicitations du conseil de classe… tout le monde y passe. Alpinisme, ski, trail, cyclisme, marathon, octogénaires infatigables et ex-retraités revenus d’entre les morts sportives : la planète performance est appelée à la barre.
La publication de Kilian Jornet pour le passage de 2025 à 2026
Sur le papier, rien à redire.
Qui pourrait décemment critiquer une liste où se croisent des exploits hors normes, des carrières longues comme des vies entières et des projets qui font passer le trail du dimanche matin pour une aimable promenade digestive ? Personne. Sauf que, justement, le problème n’est pas là.
Car ce grand inventaire de l’inspiration a un parfum très particulier : celui de la validation par le sommet. Être inspirant, aujourd’hui, semble devoir passer par un Everest, un record du monde, une traversée continentale ou, à défaut, un retour héroïque après une blessure suffisamment spectaculaire pour nourrir un documentaire. Le message est subtil, mais clair : l’admirable est forcément monumental.
Alors évidemment, le public suit. Il applaudit. Il en rajoute. Il cite Kilian… inspiré par Kilian… qui inspire ceux qui citent Kilian. Mise en abyme parfaite. La boucle est bouclée. Le trail et l’outdoor deviennent un immense fil de commentaires où l’on s’inspire à la chaîne, comme dans une réunion de managers sous caféine.
Le plus savoureux reste sans doute la diversité des réponses. Entre deux projets himalayens et trois records planétaires, quelqu’un ose glisser qu’il est inspiré par… sa capacité à recourir après une prothèse de hanche. Un autre par le simple fait de vieillir sans s’arrêter. Presque gênant. Presque hors sujet. Et pourtant, c’est peut-être là que le fil craque.
Car à force de brandir des modèles inatteignables, on oublie que l’inspiration n’est pas une compétition. Elle ne se mesure ni en dénivelé, ni en kilomètres, ni en likes. Elle ne nécessite pas de sommets à plus de huit mille mètres ni de saisons parfaites. Elle peut aussi ressembler à une sortie banale, à une reprise laborieuse, à une joie discrète loin des projecteurs.
Kilian Jornet, lui, n’y est pour rien. Il partage, comme toujours. Avec sincérité, sans posture. Mais le phénomène qui l’entoure raconte autre chose : une époque où même l’inspiration doit être performante, spectaculaire, validée par les pairs. Où l’on ne se contente plus d’aimer le sport, il faut justifier pourquoi, comment, et à quel niveau d’exception.






