Halba Diouf a porté plainte pour discrimination et harcèlement moral. Son cas relance le débat sur la place des athlètes transgenres dans le sport de haut niveau.
Halba Diouf ne peut plus courir que dans des compétitions départementales. Et ce n’est pas faute d’avoir le niveau. Pourtant, la sprinteuse transgenre de 25 ans, née au Sénégal et licenciée à Aix-en-Provence, affiche cette saison le meilleur temps français sur 200 m en salle chez les femmes. Mais ce chrono, aussi impressionnant soit-il, ne lui ouvrira aucune porte. En tout cas pas celles des grandes compétitions.
Ce mercredi, Halba Diouf a comparu devant le tribunal correctionnel de Paris pour dénoncer une situation qu’elle juge profondément injuste. Elle accuse la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) de discrimination et de harcèlement moral, et a décidé de porter l’affaire en justice.
Un combat personnel devenu politique
Depuis sa transition débutée en 2021, Halba Diouf mène un double combat : sur la piste et dans les tribunaux. En 2023, elle avait déjà été exclue des championnats de France élite, sur décision de la FFA, qui applique désormais la règle de World Athletics interdisant la participation des athlètes transgenres ayant connu une puberté masculine. Cette réglementation ne repose plus uniquement sur un seuil de testostérone, mais sur une logique d’exclusion a priori.
Diouf a donc vu s’envoler ses chances de participer aux grandes compétitions nationales et internationales. Malgré des performances sportives en constante progression, elle ne peut pas concourir au-delà du niveau local. Elle a également vu passer sous son nez un contrat potentiel avec Nike, retiré selon elle du fait de son exclusion des compétitions visibles.
Une audience tendue, un débat toujours brûlant
L’audience qui s’est tenue ce 18 décembre à Paris a été marquée par de vives tensions. Le ton est vite monté entre l’avocat de Diouf, Maître Jean Boudot, et le tribunal, notamment lorsque l’une des magistrates a affirmé que les études scientifiques démontraient un avantage physique des athlètes transgenres. Ce à quoi Boudot a répliqué avec force, estimant que cette vision était biaisée et que le débat ne pouvait se résumer à des certitudes scientifiques encore très débattues.
De son côté, Halba Diouf est restée digne, éreintée mais combative. Elle a expliqué que ses taux de testostérone étaient très bas depuis trois ans, et qu’aucune étude ne permettait de trancher définitivement sur un avantage biologique. Elle a aussi rappelé son quotidien d’athlète : cinq à six entraînements par semaine, une vie réglée autour de l’effort, mais une interdiction qui la prive de toute perspective sportive de haut niveau.
La FFA se retranche derrière World Athletics
Dans ce dossier, la Fédération Française d’Athlétisme campe sur une ligne de défense claire : elle affirme ne faire qu’appliquer les directives de World Athletics, sa fédération de tutelle. Représentée au tribunal par son avocat et sa directrice juridique, la FFA a rappelé que sa mission était d’assurer l’équité entre les compétitrices, et qu’il n’y avait jamais eu de volonté personnelle de nuire à Halba Diouf.
Dans un communiqué publié dans la soirée, la FFA a ajouté qu’elle « ne remettait nullement en cause le statut de femme de Mme Diouf », tout en demandant sa relaxe face aux accusations portées.
Le verdict du tribunal est attendu le 28 janvier 2026. En attendant, Halba Diouf continue de courir, mais sans horizon. Elle garde l’espoir de voir son combat aboutir un jour, même si son rêve de représenter la France en équipe nationale semble désormais irréalisable. Elle envisage d’ailleurs, si la situation le permettait, de courir sous les couleurs du Sénégal, son pays de naissance.
Ce procès, au-delà de son cas personnel, relance de manière frontale le débat sur la place des athlètes transgenres dans le sport, sur la frontière entre équité et exclusion, et sur la manière dont les institutions sportives s’adaptent — ou non — aux évolutions de la société.
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