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Pourquoi on ne peut pas encore s’inscrire dans la catégorie lampadaire ou licorne sur un trail ou un marathon

6 novembre 2025
dans EDITO
non binaire


La publication d’un simple article de résultats a déclenché sur nos réseaux une vague de commentaires transphobes, moqueurs et agressifs.

Certains y ont vu une « provocation », d’autres une « mode », d’autres encore un « délire idéologique » ou une « insulte au sport ». Face à cette incompréhension, un médecin nous a envoyé un texte rigoureux, pédagogique, scientifique. Nous le publions ici, sans militantisme, sans caricature, juste avec l’ambition de permettre à chacun de mieux comprendre ce qu’est (vraiment) la non-binarité — dans les corps, dans les têtes, dans les sociétés, et dans le sport.

Avant de juger, encore faut-il comprendre. Voici les idées reçues qu’on entend souvent sur le genre, et ce qu’elles oublient.

Idées reçues : cinq phrases qu’on entend souvent (et ce qu’elles oublient)

Les débats sur le genre et le sport déclenchent vite des raccourcis.
Souvent, ils partent d’une part de vérité… mais oublient tout le reste.
Petit tour d’horizon de ces idées qu’on entend au bord des sentiers, dans les vestiaires ou sur les plateaux télé.

Sommaire

Toggle
  • Idées reçues : cinq phrases qu’on entend souvent (et ce qu’elles oublient)
    • “Un homme, c’est XY. Une femme, c’est XX.”
    • “Les athlètes trans ont forcément un avantage physique.”
    • “Avant, il n’y avait pas tout ça.”
    • “Ils veulent juste se faire remarquer.”
    • “Tout ça, ça va compliquer le sport.”
    • “Du coup je peux m’inscrire à la prochaine course en tant que lampadaire ?”
    • “La religion dit bien qu’il n’y a que deux sexes.”
  • Le sport : une arène sous tension
    • Le sport moderne, né dans un monde binaire
    • Les tests de féminité : quand la science devient outil d’exclusion
      • L’histoire de Ewa Kłobukowska, sprinteuse polonaise disqualifiée en 1967 malgré ses titres olympiques, marque un tournant
      • Plus tard, on passera aux tests hormonaux, visant à mesurer le taux de testostérone.
    • Les athlètes transgenres : la question de l’équité
      • Puis les critères se sont assouplis : en 2015, seule une limite de testostérone était exigée pour les femmes trans.
    • Au-delà du sexe : repenser la notion d’équité
    • Ce que révèle cette tension
      • Une partie du monde sportif, attachée à la tradition, défend l’idée d’une pureté biologique : un système où la nature fixerait des frontières claires entre hommes et femmes, garantissant la “justesse” du résultat.
      • Face à elle, une autre approche émerge — celle qui voit dans le sport un laboratoire de l’humain, un espace où la diversité des corps et des identités est une richesse, pas une menace.
      • C’est cette peur de l’effacement qui rend le débat si tendu : beaucoup confondent la remise en question du binaire avec une négation de la différence.
  • L’exemple du trail : un terrain d’ouverture
  • La société : un monde construit sur deux cases
    • La naissance du binaire : quand la différence devient norme
    • La médecine du XIXᵉ siècle : classer, corriger, contrôler
  • Le corps : comment se construit le sexe biologique
    • Le point de départ : la loterie des chromosomes
      • Exemples :
    • Le gène SRY : le petit interrupteur qui lance la différenciation
    • L’embryon : un plan commun avant la différenciation
    • Les caractères sexuels primaires : ce que l’on ne voit pas toujours
    • Les caractères sexuels secondaires : le corps adulte en mouvement
  • L’esprit et l’identité : comment naît le genre
    • Du cerveau à l’enfance : la genèse du sentiment d’identité
      • Dès la vie fœtale, les hormones sexuelles circulent dans le cerveau et influencent certaines zones sensibles aux émotions, à la mémoire et à la perception de soi.
      • Après la naissance, le cerveau se modèle par l’expérience.
    • Biologie, identité, expression, orientation : quatre réalités distinctes
    • Le genre à travers les cultures : d’autres modèles d’humanité
    • Reconnaissance et légitimité : pourquoi ces revendications aujourd’hui ?
      • L’enjeu personnel : être reconnu dans sa réalité vécue
      • L’enjeu social : la visibilité comme rempart
      • L’enjeu culturel : faire bouger les lignes

“Un homme, c’est XY. Une femme, c’est XX.”

Ce serait pratique, mais c’est faux — ou plutôt incomplet. Si la plupart des humains suivent cette règle, 1 à 2 % présentent une autre combinaison : XXY, XYY, XO, mosaïques chromosomiques… Certaines personnes XY développent un corps féminin, faute d’expression du gène SRY ou de sensibilité à la testostérone. D’autres, XX, ont des caractéristiques masculines. La biologie n’a pas deux tiroirs, mais une infinité de nuances.

“Les athlètes trans ont forcément un avantage physique.”

Pas forcément, et pas toujours dans le même sens. Les études récentes montrent qu’après une année d’hormonothérapie, les différences de masse musculaire et de force chutent fortement. La performance dépend aussi de facteurs comme la technique, le mental, le volume d’entraînement et la physiologie individuelle. En revanche, le stress social et les contrôles permanents que subissent ces athlètes sont, eux, de vrais handicaps.
L’équité ne se résume pas à une hormone : c’est un équilibre multifactoriel, difficile à mesurer sur un simple tableau.

“Avant, il n’y avait pas tout ça.”

Si. Ce qu’il n’y avait pas, c’est les mots pour en parler. Les variations de sexe biologique ont toujours existé, de même que les identités de genre multiples. L’histoire et l’anthropologie en regorgent : on en trouve des traces dans les textes grecs, indiens, arabes, polynésiens ou amérindiens. Ce qui est récent, c’est la possibilité de nommer publiquement ces réalités — pas leur existence.

“Ils veulent juste se faire remarquer.”

Non. La plupart cherchent simplement à exister sans justification permanente. Le coming out, le changement d’état civil, la demande de reconnaissance dans le sport ou au travail sont souvent des actes de survie, pas de spectacle. Les études en santé mentale le montrent : plus l’environnement social est respectueux, plus le niveau d’anxiété et de dépression chute. Autrement dit, ce n’est pas la différence qui fait souffrir — c’est le regard qu’on pose dessus.

“Tout ça, ça va compliquer le sport.”

Oui… comme l’ont fait les femmes au XXᵉ siècle, les athlètes noirs aux États-Unis, ou les coureurs handicapés dans les années 1980. À chaque fois qu’un groupe nouveau arrive, il faut adapter les règles — puis, peu à peu, ces ajustements deviennent la norme. La complexité n’est pas une menace : c’est la marque d’un sport qui progresse avec la société.

“Du coup je peux m’inscrire à la prochaine course en tant que lampadaire ?”

C’est une blague, pas un argument. Les identités de genre concernent des êtres humains, pas des objets. Elles reposent sur des données biologiques, psychologiques et sociales reconnues par la science et le droit. Se comparer à une chaise ou à un poisson, c’est confondre ressenti identitaire et absurdité volontaire — une façon de tourner en ridicule ce qu’on ne comprend pas.

“La religion dit bien qu’il n’y a que deux sexes.”

Les textes religieux mentionnent souvent “homme et femme”, mais leur but n’était pas d’établir un manuel de biologie. La plupart de ces récits cherchent à expliquer l’ordre du monde, la complémentarité, la filiation — pas à classer les individus. Dans plusieurs traditions (judaïsme ancien, hindouisme, bouddhisme, cultures animistes), des formes intermédiaires ou doubles ont toujours été reconnues.
Lorsque la Bible dit que Adam et Eve ont eu 3 fils (Caïn, Abel et Seth) et que ceux-ci ont eu à leur tour une descendance, une lecture littérale du texte amène forcément à se demander avec qui est-ce que les 3 fils ont eu leurs propres enfants. Les analystes de la bible estiment que le récit d’Adam et Ève n’est pas une chronologie familiale, mais un mythe fondateur qui raconte la naissance morale de l’humanité, pas la généalogie biologique de tous les humains. La foi et la biologie ne parlent pas du même plan : l’une guide le sens, l’autre décrit le vivant.

Dans un monde où tout est performance, le sport cristallise toutes les tensions autour du genre. Essayons d’y voir plus clair.

Le sport : une arène sous tension

Nulle part ailleurs le corps n’est autant observé, mesuré, classé qu’en sport.
Force, vitesse, endurance, hormones, silhouette : tout devient donnée, tout devient critère.
Mais dans ce temple du corps, la frontière entre le “masculin” et le “féminin” n’est pas plus simple que dans la nature ou dans la société.
Le sport, miroir du monde, en porte toutes les contradictions.

Le sport moderne, né dans un monde binaire

Quand Pierre de Coubertin relance les Jeux olympiques en 1896, il le fait dans une Europe obsédée par la distinction des rôles sociaux et sexuels. Les femmes sont exclues, car jugées trop fragiles pour “l’effort viril”. Quand elles finissent par être admises, c’est à condition de concourir séparément.
Ainsi se met en place le modèle encore dominant : deux catégories — hommes et femmes — censées garantir la justice sportive. Cette séparation avait un sens pratique : la moyenne des performances diffère selon la masse musculaire, les taux hormonaux, la taille, la densité osseuse. Mais elle est vite devenue un principe moral, une manière d’affirmer qu’il existe deux types de corps, deux types de puissance, deux types de légitimité.

Ce cadre, longtemps accepté, a commencé à se fissurer quand la réalité biologique a montré qu’elle ne se laissait pas enfermer aussi facilement.

Les tests de féminité : quand la science devient outil d’exclusion

Dans les années 1960, l’apparition de femmes jugées “trop fortes” pour leur catégorie pousse les instances sportives à instaurer des tests de féminité. D’abord, il s’agissait d’examens physiques humiliants ; puis sont venus les tests chromosomiques, destinés à vérifier la présence du chromosome Y, censé prouver le “sexe masculin”.
Des centaines d’athlètes ont été soumises à ces contrôles sans explication claire, ni respect de leur vie privée.

L’histoire de Ewa Kłobukowska, sprinteuse polonaise disqualifiée en 1967 malgré ses titres olympiques, marque un tournant

Le test révèle qu’elle possède un chromosome supplémentaire, sans que cela ne lui ait jamais donné d’avantage physiologique. Elle sera radiée de la compétition, sa carrière brisée.

Plus tard, on passera aux tests hormonaux, visant à mesurer le taux de testostérone.

Mais là encore, la frontière est arbitraire : certaines femmes ont naturellement des taux élevés, d’autres des taux faibles, et les performances ne suivent pas mécaniquement cette courbe. Les cas de Caster Semenya (Afrique du Sud) ou Dutee Chand (Inde) ont révélé l’impasse morale et scientifique de ce système : le sport cherche à faire rentrer le réel dans un tableau qui ne correspond plus à la biologie humaine.

Les athlètes transgenres : la question de l’équité

À partir des années 2000, une nouvelle discussion s’ouvre avec la participation d’athlètes transgenres. Les fédérations se retrouvent face à un dilemme inédit : comment garantir la justice de la compétition sans exclure ceux dont l’identité ne correspond pas à leur sexe assigné à la naissance ? Le Comité International Olympique a d’abord imposé une chirurgie complète et plusieurs années d’hormonothérapie.

Puis les critères se sont assouplis : en 2015, seule une limite de testostérone était exigée pour les femmes trans.

Mais là encore, la mesure est contestée : les scientifiques eux-mêmes ne s’accordent pas sur la corrélation exacte entre testostérone et performance. Certaines fédérations — comme World Athletics en 2023 — ont choisi d’interdire les athlètes transgenres des compétitions féminines élites. D’autres, comme le cyclisme ou la natation, cherchent des solutions plus nuancées.

Au-delà du sexe : repenser la notion d’équité

Le sport moderne repose sur une idée simple : l’équité. Mais l’équité n’est pas la stricte égalité, c’est une compensation des différences réelles. Or, les différences entre athlètes sont innombrables : taille, longueur des jambes, VO₂max, accès à l’entraînement, génétique, moyens financiers, météo, système politique de leur pays, etc. Personne ne réclame de catégorie spécifique pour les coureurs kényans nés à 2500 m d’altitude ou pour les nageurs à grande envergure.

Pourquoi, alors, continuer à penser que la seule ligne infranchissable est celle du sexe biologique ? Les athlètes trans ou intersexes ne menacent pas l’équité : ils la questionnent, en nous obligeant à redéfinir ce qu’on juge “juste” dans la performance.

Certaines fédérations expérimentent déjà des voies alternatives :

  • Des catégories “open” accessibles à tous, comme en natation ou en cyclisme ;
  • Des classements ajustés selon la puissance, la masse, ou le niveau d’entraînement, à l’image de l’aviron ou de la boxe ;
  • Des épreuves mixtes, notamment en trail, en voile, en escalade ou en sports d’endurance, où la mixité ne nuit pas à la performance.

Ces modèles ne cherchent pas à effacer la différence des sexes, mais à la repositionner parmi d’autres paramètres de la performance, sans qu’elle devienne la ligne de partage absolue. Le sport pourrait ainsi devenir un laboratoire d’inclusion intelligente, plutôt qu’un tribunal de conformité.

Ce que révèle cette tension

Le débat autour du genre dans le sport n’est certainement pas que biologique : il est philosophique et social, car il ne porte pas seulement sur la compétition, mais sur ce que le sport dit de nous. Derrière les discussions sur les taux hormonaux ou les critères d’éligibilité se cache une question bien plus profonde : que veut-on vraiment célébrer dans la performance humaine ?

Une partie du monde sportif, attachée à la tradition, défend l’idée d’une pureté biologique : un système où la nature fixerait des frontières claires entre hommes et femmes, garantissant la “justesse” du résultat.

Cette vision, héritée d’un siècle d’habitudes, de constructions sociales, de simplification et d’un imaginaire de virilité idéale, se heurte à une réalité biologique plus complexe et à des vécus qui ne rentrent plus dans les cadres établis.

Face à elle, une autre approche émerge — celle qui voit dans le sport un laboratoire de l’humain, un espace où la diversité des corps et des identités est une richesse, pas une menace.

Ces deux visions s’affrontent non seulement sur les pistes ou dans les stades, mais surtout dans les esprits : l’une redoute la perte d’un repère fondamental, l’autre appelle à un élargissement du regard.

C’est cette peur de l’effacement qui rend le débat si tendu : beaucoup confondent la remise en question du binaire avec une négation de la différence.

Or, reconnaître la complexité du vivant ne revient pas à effacer la distinction des sexes, mais à admettre qu’elle n’est ni unique, ni suffisante pour décrire la réalité. Cette tension — entre l’ordre hérité et le réel mouvant — explique pourquoi le sport est devenu aujourd’hui l’un des terrains symboliques les plus explosifs du débat sur le genre.

Dans la boue, sur les crêtes, au cœur de l’effort : le trail pourrait bien tracer un autre chemin pour penser l’équité.

L’exemple du trail : un terrain d’ouverture

Dans le monde du trail, cette évolution se vit déjà de façon naturelle. Les courses sont rarement séparées : les hommes et les femmes partent ensemble, affrontent la même distance, la même météo, la même montagne.

Les écarts de performance y sont souvent plus faibles que dans d’autres disciplines d’endurance : les femmes, à partir de certaines durées d’effort, montrent une meilleure gestion de la fatigue, de la douleur et de la régularité. Ce mélange d’effort, de solidarité et de respect du corps en fait un laboratoire d’équité spontanée. Le classement y compte, bien sûr, mais l’expérience collective prime souvent sur la hiérarchie.
Dans cet environnement, la notion de genre s’efface un peu : le corps n’est plus un symbole, il redevient un outil, une présence dans le paysage. Peut-être que l’avenir du sport passera par là : revenir à l’essentiel — l’effort, la relation au corps, la montagne, le temps.

Ce que nous pensons « naturel » est souvent construit. Voici comment la société a modelé notre regard sur le genre.

La société : un monde construit sur deux cases

Ce que nous considérons aujourd’hui comme “évident” — qu’il existe deux sexes, deux genres, deux modèles de corps — n’a rien d’universel.
Ce système binaire n’est pas une loi de la nature, mais une construction sociale récente, née de la rencontre entre la religion, la science moderne et la volonté de classer les individus pour mieux organiser la société.

La naissance du binaire : quand la différence devient norme

Dans Le Banquet, Platon raconte le mythe de l’androgyne : au commencement, les humains étaient des êtres sphériques, complets, réunissant à la fois le masculin et le féminin. Mais, selon la légende, Zeus les aurait séparés en deux pour limiter leur puissance. Depuis, chaque moitié chercherait sa part manquante.
Ce mythe ne décrit pas un fait biologique — il dit que la séparation des sexes est une fracture symbolique, une invention pour expliquer le désir, la dépendance, et la quête d’unité. Cette idée, présente dès l’Antiquité, montre que la distinction entre homme et femme n’a pas toujours été perçue comme une évidence naturelle, mais comme une construction : un moyen de donner sens à la diversité du vivant.

Pendant des siècles, la pensée grecque considérait d’ailleurs que les deux sexes partageaient une même essence : le féminin était vu comme une version interne du masculin, un état moins “achevé”, mais non radicalement différent.

Ce n’est qu’à partir du XVIIᵉ siècle, avec la montée de la science et de la religion rationalisée, que l’on commence à penser ces deux pôles comme séparés et opposés.

La médecine du XIXᵉ siècle : classer, corriger, contrôler

Avec l’émergence de la science moderne, de l’anatomie et de la médecine légale, les savants cherchent à catégoriser les corps. L’anthropométrie mesure les crânes, le poids du cerveau, la largeur du bassin, le taux d’hormones, etc. bref toutes les caractéristiques mesurables pour essayer de ranger le vivant dans des cases. Les différences anatomiques deviennent des preuves de fonctions “naturelles”  :

  • A l’homme, la raison, la vigueur, la sphère publique ;
  • A la femme, la sensibilité, la maternité, la sphère domestique.

Cette vision s’aligne parfaitement avec la morale religieuse et la montée de l’ordre bourgeois : le corps féminin devient un corps à surveiller, le corps masculin un modèle de référence. Le sexe biologique, jusque-là affaire de physiologie, devient un principe d’organisation du monde.

Dans cette logique, toute ambiguïté devient une menace : un corps “entre les deux” doit être corrigé. Les enfants présentant des organes génitaux atypiques — ce qu’on appelle aujourd’hui des variations du développement sexuel — sont “assignés” dès la naissance à l’un des deux sexes, parfois par chirurgie, souvent sans consentement. De véritables actes de mutilations, réalisées souvent sans anesthésie et sans aucune justification médicale. Cette pratique s’est imposée au nom de la “clarté sociale” : chaque individu devait entrer dans une case, identifiable à l’état civil, au travail, à l’école ou à l’armée. Ainsi s’est forgée l’idée que la binarité des sexes était non seulement biologique, mais morale et civique : un socle de l’ordre public.

Pour bien comprendre les débats sur le genre, il faut repartir du corps : comment se forme-t-il, et pourquoi n’est-il pas aussi binaire qu’on le croit ?

Le corps : comment se construit le sexe biologique

Avant de parler d’identité ou de société, il faut comprendre comment fonctionne la biologie. Le sexe n’est pas un bloc figé mais une succession d’étapes, du génome à l’apparence. À chaque niveau, il existe des variations naturelles qui démontrent à quel point la réalité du corps humain dépasse les deux cases “homme” et “femme”.

Le point de départ : la loterie des chromosomes

Chaque être humain reçoit 23 paires de chromosomes.
La dernière paire, dite sexuelle, détermine en partie le développement du sexe biologique :

  • Deux X (XX) dans la majorité des cas,
  • Un X et un Y (XY) dans d’autres,
  • Mais aussi des combinaisons moins fréquentes : XXY, XYY, XO, XXXY, etc.

Ces variations, appelées aneuploïdies sexuelles, ne sont pas rares : environ 1 à 2 % des naissances. Elles ne se traduisent pas forcément par des anomalies visibles ou pathologiques.

Exemples :

  • Syndrome de Klinefelter (XXY) : une personne génétiquement masculine, souvent grande, avec une fertilité réduite et des taux de testostérone plus bas.
  • Syndrome de Turner (XO) : une personne génétiquement féminine avec un seul chromosome X, taille souvent plus petite et développement pubertaire partiel.
  • XXY ou XYY mosaïque : certaines cellules du corps ont des combinaisons différentes — une complexité invisible sans analyse génétique.

Autrement dit, la base chromosomique du sexe n’est pas binaire, mais une gamme.

Le gène SRY : le petit interrupteur qui lance la différenciation

Sur le chromosome Y se trouve un gène clé : SRY (Sex-determining Region Y). Son rôle est de déclencher la transformation d’un tissu neutre, la crête gonadique, en testicules. S’il s’active, le corps produit des hormones dites “masculinisantes”. S’il ne s’active pas, la crête devient des ovaires.

Mais ce gène peut être :

  • absent ou inactif sur le Y → une personne XY avec un développement féminin complet ;
  • transféré accidentellement sur un chromosome X → une personne XX avec des caractères masculins.

Ces phénomènes, connus sous le nom de dysgénésies gonadiques, montrent que le sexe génétique (XX/XY) ne suffit pas à prédire le sexe corporel.

L’embryon : un plan commun avant la différenciation

Pendant les six premières semaines de la vie embryonnaire, tous les embryons sont identiques.
Les organes reproducteurs sont à ce stade indifférenciés : ils peuvent évoluer en testicules ou en ovaires, en pénis ou en clitoris, selon les signaux hormonaux reçus. C’est ici que les gonades (ovaires ou testicules) deviennent des usines hormonales :

  • Les testicules produisent de la testostérone et une hormone appelée AMH (Hormone Anti-Müllérienne), qui freine la formation des organes internes féminins.
  • Les ovaires, eux, sécrètent surtout des œstrogènes.

Mais tout dépend aussi de la sensibilité des tissus à ces hormones. Certaines personnes XY possèdent des récepteurs insensibles à la testostérone : le corps se développe alors selon le schéma féminin, même avec des testicules internes. C’est ce qu’on appelle le syndrome d’insensibilité complète aux androgènes (CAIS).

Les caractères sexuels primaires : ce que l’on ne voit pas toujours

Les caractères sexuels primaires regroupent les organes directement liés à la reproduction : ovaires, testicules, utérus, pénis, vagin, prostate… Leur développement dépend d’un équilibre précis entre hormones et récepteurs.

Exemples :

  • Dans certaines formes d’hyperplasie congénitale des surrénales, un embryon XX est exposé à trop d’androgènes : le corps développe partiellement des organes masculins, tout en gardant des ovaires.
  • D’autres cas, plus rares, présentent une combinaison d’organes internes masculins et féminins.

Ces situations, regroupées sous le terme de variations du développement sexuel (VDS), sont souvent découvertes à la naissance ou à la puberté. Elles concernent environ 1 naissance sur 2000 à 4500, soit plusieurs milliers de personnes en France.

Les caractères sexuels secondaires : le corps adulte en mouvement

À la puberté, une nouvelle orchestration hormonale entre en scène. Les hormones stimulent :

  • La pilosité, la mue de la voix, le développement musculaire,
  • La croissance des seins, la répartition des graisses, la régularité des cycles, etc.

Mais là encore, les variations sont grandes : la nutrition, le sommeil, le stress, la pratique sportive ou certaines maladies influencent la production d’hormones. Chez les athlètes d’endurance, par exemple, la testostérone peut baisser significativement chez les hommes, et les œstrogènes chez les femmes. Le corps s’adapte à l’effort, parfois au point de brouiller les marqueurs secondaires du sexe.

À chaque étape, du chromosome à la pilosité, la nature laisse place à des variations. Ces différences ne sont ni erreurs ni mutations “anormales” : elles participent à la biodiversité humaine. Le sexe biologique, loin d’être une frontière nette, fonctionne comme un continuum de formes et d’expressions. En biologie, la nuance est la norme, la binarité est l’exception.

Mais un corps ne dit pas tout. Entre le biologique et le social, il y a l’esprit, le vécu, l’identité. C’est là que le genre prend forme.

L’esprit et l’identité : comment naît le genre

Le corps dessine une structure, mais ce n’est pas lui qui dit “qui je suis”.
Entre la biologie et la société se joue un processus lent : celui par lequel un être humain se perçoit, se raconte et se fait reconnaître. Ce processus, on l’appelle la construction du genre.

Du cerveau à l’enfance : la genèse du sentiment d’identité

Dès la vie fœtale, les hormones sexuelles circulent dans le cerveau et influencent certaines zones sensibles aux émotions, à la mémoire et à la perception de soi.

Ces influences ne créent pas deux cerveaux distincts, mais elles participent à la diversité de nos tempéraments et comportements.
Des études en neurobiologie ont mis en évidence que certaines structures cérébrales des personnes transgenres se rapprochent davantage du sexe avec lequel elles s’identifient que de celui inscrit sur leurs chromosomes. Cela suggère une cohérence interne entre le vécu psychique et certains aspects biologiques.

Après la naissance, le cerveau se modèle par l’expérience.

L’enfant découvre très tôt qu’il existe des rôles “de garçon” et “de fille” : vêtements, jeux, comportements valorisés, manière dont les adultes s’adressent à lui. Peu à peu, ces signaux peuvent devenir des repères identitaires. Mais dans certains cas, l’enfant ressent un décalage entre ce qu’il perçoit de lui-même et ce qu’on lui renvoie. Ce sentiment d’inadéquation n’est pas une lubie : il est stable, profond, souvent présent dès les premières années de vie. C’est ce que l’on appelle la dysphorie de genre.

De nombreuses études longitudinales montrent que l’identité de genre se met en place très tôt — souvent avant 5 ans — et que chez les personnes transgenres ou non-binaires, ce sentiment ne disparaît pas avec le temps : il s’affirme. Autrement dit, la biologie prépare un terrain, mais c’est la vie vécue avec ces  milliers d’influences qui y trace un chemin singulier.

Biologie, identité, expression, orientation : quatre réalités distinctes

Pour comprendre les discussions actuelles sur le genre, il faut d’abord séparer quatre notions souvent confondues :

  • Le sexe biologique : fondé sur des caractéristiques physiques (chromosomes, hormones, organes).
  • L’identité de genre : perception intime et stable de soi comme homme, femme, les deux, ni l’un ni l’autre, ou ailleurs sur ce spectre.
  • L’expression de genre : manière dont on manifeste cette identité (vêtements, gestuelle, style, langage).
  • L’orientation sexuelle : direction de l’attirance affective ou physique, indépendante des deux précédents.

Ces quatre niveaux fonctionnent ensemble mais peuvent diverger : une personne née avec un corps masculin peut s’identifier comme femme, s’habiller de façon neutre et aimer les femmes. Ce n’est pas une contradiction : c’est la démonstration que le réel dépasse le schéma binaire.

Le genre à travers les cultures : d’autres modèles d’humanité

L’idée que le monde se divise strictement entre hommes et femmes est récente et culturelle.
De nombreuses sociétés ont reconnu des identités intermédiaires ou multiples, souvent intégrées socialement et spirituellement.

  • En Inde, les Hijras sont des personnes assignées hommes à la naissance mais reconnues comme appartenant à un troisième genre. Leur rôle traditionnel combine aspects religieux, rituels et sociaux.
  • Aux Samoa, les Fa’afafine (“fa’a” = façon de, “fafine” = femme) occupent une place visible : elles incarnent à la fois des fonctions masculines et féminines dans la société, sans stigmatisation.
  • Chez plusieurs nations amérindiennes, les personnes Two-Spirit étaient considérées comme porteuses d’un double esprit, souvent associées à des fonctions de médiation, de soin ou d’enseignement.
  • Au Mexique, les Muxe de la culture zapotèque sont un troisième genre reconnu, participant pleinement à la vie sociale et familiale.

Ces exemples rappellent que la non-binarité n’est pas une invention contemporaine. C’est la modernité occidentale, notamment à partir du XIXᵉ siècle, qui a imposé une vision biologique stricte du masculin et du féminin, au service d’une organisation sociale et médicale plus “classifiable”.

Reconnaissance et légitimité : pourquoi ces revendications aujourd’hui ?

Depuis une vingtaine d’années, les termes “non-binaire”, “transgenre” ou “genre fluide” se sont invités dans le débat public. Pour certains, ils incarnent un mouvement social nouveau ; pour d’autres, une dérive identitaire. Ce qui se joue ici est tout simplement une demande de cohérence entre le vécu intime et la reconnaissance sociale — un principe aussi ancien que la quête de liberté elle-même.

L’enjeu personnel : être reconnu dans sa réalité vécue

Le genre n’est pas une opinion, c’est un ressenti identitaire profond. Quand ce ressenti ne correspond pas au genre assigné à la naissance, le décalage devient une source de souffrance : on parle de dysphorie de genre. Cette détresse n’est pas causée par le simple fait d’être différent, mais par le conflit entre le corps social et le corps vécu.

La recherche médicale et psychologique est aujourd’hui très claire : les personnes transgenres ou non-binaires qui obtiennent la reconnaissance de leur genre — par le prénom, les pronoms, l’état civil, l’apparence ou le traitement hormonal — voient une baisse significative de l’anxiété, de la dépression et des tentatives de suicide. Une étude publiée dans JAMA Network Open (2022) montre par exemple que le risque suicidaire diminue de plus de 70 % chez les jeunes trans après le changement de prénom et de pronom à l’école ou dans la famille.
Reconnaître, c’est soigner.

L’enjeu social : la visibilité comme rempart

Pendant longtemps, la non-binarité et la transidentité ont été invisibles — souvent volontairement : honte, peur du rejet, absence de cadre légal. La prise de parole publique, les réseaux sociaux et les médias ont offert à beaucoup la possibilité de nommer ce qu’ils vivaient.
Et nommer, c’est exister : quand une catégorie de mots devient disponible, une partie du réel cesse d’être clandestine. C’est ce que les sociologues appellent le pouvoir performatif du langage : dire, c’est faire advenir. Derrière la visibilité, il ne s’agit donc pas d’une mode, mais d’un mouvement de rattrapage historique : sortir du silence, réclamer une place dans les institutions, les clubs sportifs, les règlements, les formulaires, la langue. Tout ce que le monde avait rendu invisible pendant des siècles.

L’enjeu culturel : faire bouger les lignes

Ces tensions ne sont pas des caprices identitaires : elles illustrent la transition d’un monde binaire vers un monde de continuités. Dans ce déplacement, la société gagne en lucidité : elle apprend que la nature n’est pas un système à deux touches, mais un spectre continu.

C’est une étape comparable à d’autres évolutions sociales : l’acceptation de la gauche chez les gauchers à l’école, de l’athlétisme féminin au XXᵉ siècle, ou encore de la diversité corporelle dans le sport moderne. Chaque fois, la science a précédé la morale : elle a montré que la différence n’était pas une menace, mais une donnée du réel.

Note de prudence éditoriale. Cet article n’a pas vocation à trancher un débat complexe, ni à imposer une opinion. Il s’appuie sur des données scientifiques, historiques et sociologiques reconnues à ce jour, avec l’ambition de mieux comprendre ce qui est souvent mal compris. Le sport évolue avec la société — et comme toute transition, cela demande du temps, de l’écoute et de la nuance.

Tags: non binaire
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