Ecouter cet article sur l’aventure de Mathieu Blanchard sur la Transat Café l’Or
C’est l’histoire d’un pari qui interroge autant qu’il fascine.
Mathieu Blanchard ne s’est pas lancé sur l’Atlantique pour un podium.
Il ne s’est pas aligné pour une performance chronométrée.
Il est monté sur un IMOCA sans réelle expérience de la course au large, avec l’envie d’embrasser une aventure totale.
Mais une question s’impose rapidement : jusqu’où peut-on aller avec la seule volonté, quand tout le reste — la technique, l’expérience, la préparation — reste à découvrir ?
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La video youtube de Mathieu Blanchard confronté à ses souffrances et à son manque de confort sur la Transat Café l’Or.
Depuis cinq jours, Mathieu Blanchard vit l’un des défis les plus durs de sa carrière, à bord de l’IMOCA MSIG Europe, engagé dans la Transat Café L’Or.
Les images et vidéos postées par l’équipe ne laissent aucun doute : Mathieu Blanchard traverse une zone de turbulence physique et mentale. Ce n’est pas une interprétation, c’est un constat visible et assumé par l’athlète lui-même.. Mal de mer, fatigue extrême, alimentation impossible, affaiblissement physique. Il Il semble être à bout de force aussi bien physiquement que mentalement… Le traileur ultra traverse un moment extrêmement difficile, physiquement et mentalement. Il apparaît vidé, épuisé, sans énergie. Son coéquipier, le navigateur Conrad Colman, parle d’un homme « bouffé hors service« .
Alors, pourquoi ? Pourquoi un sportif aussi préparé, aussi volontaire, se retrouve-t-il à bout dans un défi qui ne devrait pas lui être totalement étranger ? Ce n’est pas un jugement, mais une interrogation logique au regard de ce qu’il montre publiquement. Est-ce juste une mauvaise passe ou les signes d’un projet peut-être calibré trop vite ?
Mathieu Blanchard n’est pas n’importe qui. Il a terminé sur le podium de l’UTMB. Il a couru en autonomie dans les déserts, dans la jungle, dans la neige. Il a repoussé des limites physiques et mentales que peu d’athlètes osent toucher. Il incarne l’esprit d’aventure, la quête de sens, le dépassement de soi.
Mais la mer ne récompense pas l’audace seule.
Elle exige de l’apprentissage. Et force est de constater que l’ultra-traileur découvre tout d’un coup : la navigation de nuit, la promiscuité à bord, les vagues de face, l’humidité permanente, la fatigue chronique, le mal de mer violent. La question n’est pas de savoir s’il est courageux.
La vraie question est : peut-on s’engager sur une Transat en IMOCA avec seulement la formation minimale obligatoire et aucune expérience préalable en course au large ? Est-ce qu’on s’alignerait sur un ultra de 160 km sans avoir jamais couru de trail ?
Il a bien navigué une fois en duo pour se qualifier
Contrairement à ce que pourrait laisser croire une carrière de sportif de haut niveau, Mathieu Blanchard n’avait jamais mis les pieds sur un IMOCA avant 2025. Il a bien réalisé une navigation de 1 000 milles nautiques – soit environ 1 850 km – en compagnie de Conrad Colman, dans le seul but de valider leur qualification pour la Transat. Ce périple de cinq jours en autonomie totale, sans escale, était une obligation imposée par le règlement. Mais c’était aussi sa toute première expérience significative en mer, sans autre bagage maritime connu. Il a lui-même déclaré n’avoir jamais fait de voile avant ce projet.

Autrement dit, il découvre tout, d’un coup : le mal de mer, la promiscuité à bord, la fatigue permanente, les manœuvres en pleine nuit. Et il faut bien le dire, cette immersion express, aussi intense soit-elle, ne remplace pas des années de navigation.
🟥 Blanchard en mer : initiation express, pas de vraie formation hauturière
Mathieu Blanchard a-t-il une formation de navigateur hauturier ? Techniquement, oui. Il a bien effectué les stages de survie obligatoires à Lorient, comme l’exige le règlement de la Transat Café L’Or, et il a validé les 1 000 milles nautiques nécessaires à son inscription, en navigation continue avec son co-skipper Conrad Colman. C’est la base minimale pour être autorisé à prendre le départ.
Mais peut-on parler d’une “vraie formation” ? Pas vraiment. Mathieu Blanchard n’a jamais participé à des courses au large comme la Mini Transat ou des épreuves RORC. Aucun convoyage au long cours à son actif, pas de transat précédente, pas de cursus académique en voile. Il découvre l’IMOCA en 2025. C’est sa toute première immersion sérieuse dans la haute mer. Même s’il a grandi en Guadeloupe, qu’il a été moniteur de plongée, qu’il a fait du kitesurf et de la planche à voile “pour le fun”, cela ne constitue pas une expérience suffisante pour naviguer dans des mers démontées, de nuit, avec du matériel de course extrême.
Son coéquipier lui-même, le très expérimenté Conrad Colman, l’a reconnu dans une interview : “ses connaissances techniques sont à étoffer” et il lui prépare un manuel surnommé “l’IMOCA pour les Nuls”. L’ambiance est bienveillante, l’équipe soudée, mais cela confirme que Blanchard part avec un retard d’apprentissage.
Et ça se voit en mer : mal de mer sévère, perte de force, incapacité à assurer certaines manœuvres, fatigue extrême… autant de signaux d’un apprentissage difficile dans des conditions que même les marins aguerris redoutent. En trail, on ne s’alignerait pas sur un ultra de 160 km sans jamais avoir couru. En mer, le parallèle est brutal, mais pertinent.
Cette Transat n’est pas une aventure de loisir. C’est une course exigeante, technique, avec des enjeux de sécurité lourds. Que Mathieu Blanchard ait eu le courage de s’y lancer est remarquable. Mais il faut aussi regarder les faits : oui, il remplit les cases administratives. Mais non, il n’avait pas les armes complètes pour affronter sereinement une dépression au large du cap Finisterre.
Même le mal de mer, à première vue si banal, peut devenir un point de rupture.
Il existe des moyens de le prévenir : patchs, alimentation fractionnée, hydratation régulière, stratégies de récupération… Mais ces outils, encore faut-il savoir quand et comment les utiliser. Dans le monde de la course au large, ces réflexes sont intégrés dès l’apprentissage. Pour un débutant, ils peuvent arriver trop tard.
En mer, l’inconfort n’est pas progressif, il est total.
Le bruit, le tangage, l’humidité, les odeurs, la promiscuité… tout s’amplifie. Ce n’est pas un environnement qu’on traverse, c’est un monde clos dans lequel on vit jour et nuit, sans échappatoire. Contrairement au trail, où l’on peut s’asseoir, souffler, retrouver son souffle, un IMOCA lancé face au vent n’offre aucun abri. Il faut encaisser, sans pause.
Heureusement, Mathieu Blanchard n’est pas seul à bord.
Dans cette épreuve extrême, il peut compter sur un coéquipier expérimenté, Conrad Colman. C’est lui qui tient la barre, ajuste les voiles, assure la navigation… mais aussi, d’une certaine manière, qui soutient l’homme à ses côtés. Cette Transat Café L’Or, c’est autant une aventure maritime qu’un effort d’équipe, où l’un compense quand l’autre vacille. Et dans cette phase de grande vulnérabilité, le duo prend tout son sens.
Il était venu chercher la souffrance. Il l’a trouvée.
Mathieu Blanchard ne s’est jamais caché : ce qui l’attire dans ces défis extrêmes, c’est la douleur, l’inconfort, l’inconnu. Et sur cette Transat Café L’Or, il a été servi. « Il y a plus de souffrance que de plaisir sur ce bateau », a-t-il reconnu au micro de RTL. L’ancien finaliste de Koh-Lanta, multiple médaillé en ultra-trail, a découvert une toute autre forme de violence : le mal de mer, la promiscuité, l’humidité constante, l’épuisement. « Le mal de mer, c’est très, très douloureux. » Il savait qu’il allait souffrir, il le voulait presque. Mais la réalité l’a rattrapé. Dormir peu, grelotter, se faire secouer jour et nuit : pour un homme habitué aux sommets, cette traversée ressemble à une descente brutale dans un monde sans appuis.
Ce projet soulève aussi un autre enjeu : vient-il d’une envie personnelle… ou d’une dynamique de communication ?
Impossible de le savoir aujourd’hui.
Mais quand la performance sportive devient terrain de storytelling, les frontières se brouillent. ? D’une agence ? D’un plan de com ambitieux ? Il y a là une part d’ombre. Car si l’intention est belle — un traileur qui se confronte à l’océan — le résultat, pour l’instant, est cruel.
Mais au-delà de l’effort, que reste-t-il en surface ? Quelle image cette traversée renvoie-t-elle ?
Et l’image qu’il renvoie dans cette traversée ? Là encore, deux visions s’affrontent.
Pour certains, ce défi fou témoigne d’un courage rare.
Mathieu Blanchard ose tout, même ce qu’il ne maîtrise pas. Il accepte de se montrer vulnérable, de documenter ses failles, de vivre en direct l’échec ou l’épuisement. À une époque où l’image est soigneusement filtrée, il expose la réalité brute d’un corps qui lâche, d’un mental qui flanche. Et cela force le respect.
Mais une autre lecture, plus critique, peut aussi émerger.
Celle d’un emballement mal maîtrisé. D’un sportif ultra-médiatisé propulsé trop vite dans une aventure qui pourrait le dépasser techniquement. D’un symbole d’une époque où l’on surenchérit sans cesse les exploits, où l’on confond parfois l’audace et la précipitation. Et où l’on oublie que l’océan, lui, ne pardonne rien.
En trail, ceux qui partent sans préparation, sans eau, sans carte, sont souvent secourus. On en parle comme d’un problème de société. Alors pourquoi ce traitement serait-il différent en mer ? Il faut le dire : la Transat Café L’Or n’est pas une aventure grand public. C’est une régate professionnelle, avec des standards de sécurité et de performance élevés. Et Mathieu Blanchard semble découvrir en live que « l’esprit d’aventure » ne suffit pas à naviguer.
Cela n’enlève rien à sa bravoure. Mais cela interroge.
Heureusement, il n’est pas seul. Conrad Colman, marin aguerri, tient le bateau, tient la trajectoire, et tient l’humain. Il explique avec bienveillance : « Mathieu est K.-O., il n’a rien gardé depuis deux jours. Il fait ce qu’il peut. Je suis désolé pour lui. » On sent dans sa voix du respect. Il ne juge pas. Il soutient.
Mathieu Blanchard est en souffrance, mais il est transparent. Il ne triche pas.
Ce n’est pas un accident, c’est une confrontation réelle à ses limites. Et cette difficulté, aussi dure soit-elle, n’efface rien de son parcours. Elle rappelle simplement que le sport, le vrai, ne se résume pas à une image ou à une légende.
Ce que montre cette Transat, c’est le choc entre deux mondes.
En trail, la souffrance est voulue, choisie, parfois recherchée.
En mer, la souffrance s’impose — et l’océan ne négocie jamais.
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Transcriptions des déclarations publiques de Mathieu Blanchard
(0:00) C’est vendredi 31 octobre, bon ça fait maintenant trois jours que je suis (0:05) sacrément malade, impossible de bouffer dès que je mange un truc, je repeins le (0:09) bateau. Ma foi, c’est pas si mal, ça change un peu la déco. J’ai l’impression (0:13) d’être en week-end d’intégration étudiant là avec la gueule de bois en (0:16) permanence et donc en gros la raison technique c’est que, outre le fait que je (0:21) suis vraiment débutant, c’est que depuis le début on fait quasiment que du pré (0:24) dans une mer très formée, en gros on va contre le vent plutôt que de la (0:29) borde arrière et qui te pousse et ça c’est vraiment dur, tu te prends toutes (0:32) les vagues de face, ça te démonte.
Et ce qui est super dur c’est qu’à force de (0:36) pas manger et pas boire, je m’épuise. Juste de se déplacer sur le bateau c’est (0:41) compliqué mais bon voilà je me bats avec le peu de force que j’ai au moins (0:45) pour aider Conrad dans les manœuvres. Je donne tout ce que j’ai mais même si (0:49) c’est pas pas grand chose.
Et le petit truc positif qu’on a aujourd’hui là c’est (0:53) qu’on sent qu’on descend vers le sud parce que l’air se réchauffe et ça fait (0:57) du bien déjà au moins de plus geler.(0:00) Journal de bord, je ne sais plus quel jour on est, je suis beaucoup malade. (0:04) Je n’ai pas envie de jouer les super-héros et d’être transparent. (0:07) La tempête d’aujourd’hui, ça m’a explosé, ça m’a décalqué.
(0:10) Je commence à me sentir très mal, puis d’énorme mal de mer. (0:15) Ça a été vomiteux pendant des heures et des heures. (0:17) Couché par terre, j’étais misérable.
(0:20) Je relève un peu la tête ce soir pour faire du calme et je suis encore cuit. (0:25) L’humidité permanente, le froid, les nausées, je n’ai plus de force. (0:28) C’est difficile de se déplacer sur le bateau au milieu de ces grosses vagues.
(0:33) Franchement, les skippers solitaires, vous êtes tous des guerriers et des guerrières. (0:36) J’hallucine comment vous faites de tenir dans ces conditions. (0:40) Surtout Conrad, qui a fait une totale journée en solitaire.
(0:44) C’est vraiment dur pour moi de vous sentir comme une type comme ça. (0:48) J’espère maintenant qu’une chose, que de meilleures journées arrivent.
Sources
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Cette analyse repose sur les éléments communiqués par l’athlète lui-même. Si des informations manquent ou évoluent, uTrail mettra l’article à jour.
Mention éditoriale
Cet article repose sur des faits publics et des déclarations disponibles au 1er novembre 2025. Les éléments évoqués sont issus notamment des vidéos diffusées par l’équipe de l’IMOCA MSIG Europe sur Instagram, des interviews officielles de Mathieu Blanchard (RTL, AFP, Voiles & Voiliers), ainsi que des publications en ligne de ses partenaires.
L’image reprise ici provient d’une story Instagram publiée publiquement par Mathieu Blanchard, dans un cadre informatif, conformément au droit à l’information (article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle). Elle illustre un moment clé de la course, sans intention de dénigrement ni détournement.
uTrail respecte la vie privée des personnes citées. Cet article n’a aucune vocation diffamatoire, injurieuse ou incitative au harcèlement. Il n’exprime aucun jugement de valeur personnel sur les compétences, choix ou performances de Mathieu Blanchard, et ne remet nullement en cause l’engagement de ses sponsors ou de ses partenaires, qui soutiennent un athlète de haut niveau engagé dans une aventure particulièrement exigeante.
L’objectif est de rendre compte d’un moment sportif fort, avec rigueur et respect.














